Programme de luxe. J'en profite après le concert pour relire les bons auteurs (plutôt Buch que Stuckenschmidt sur Schönberg, par exemple) et les piller ici sans vergogne, en bon blogueur.
Schönberg: quatuor n°2 en fa# opus 10. Splendeur. Pour faire simple (il existe suffisamment de littérature sur le sujet), le quatuor file tout droit en 4 mouvements vers l'atonalité, mettant en scène une crise dans les deux mouvements centraux. Le 1er mouvement s'entend assez clairement comme une forme sonate; on sent bien la zone deuxième thème (à pulsation de valse) et la réexposition du thème principal est très marquée (mais en la et pas en fa#, pour une raison qui m'échappe). Le deuxième mouvement est un scherzo agité et ludique (avec le Lieber Augustin en trio). Le 3ième mouvement (Litanie) est une bonne occasion de réviser ses préjugés: un quatuor peut faire BEAUCOUP de bruit, même face à une chanteuse déchaînée dans l'aigü. On se dit que l'affrontement va être sans pitié dès l'intervention fortissimo du violoncelle, qui marque le début des hostilités et on en oublie de remarquer que le thème de violoncelle est le même que celui du 1er mouvement. Le dernier mouvement est l'une des pages les plus somptueuses de toute l'histoire de la musique et je n'en dirai pas plus.
Boulez: Livre pour quatuor, parties 3a, 3b, 3c et 5a. D'après le programme, des pages "où l'écriture se laisse le plus aller aux contrastes expressifs", avec une utilisation des trilles comme dans la Grande Fugue. J'imagine que cela devrait suffire à notre bonheur (mais j'en doute).
Beethoven: quatuor opus 130 en si bémol. Un des quatuors les plus déroutants de la série. Dans le premier mouvement, le discours est dispersé à un point rare. Entre une "introduction" qui revient à plusieurs reprises (et essaime avec rythme croche-2 doubles), un thème d'Allegro en 123 (forte)- soleil (piano), fuyant vers une cadence qui ramène l'introduction (c'est ballot):
On va de si bémol à sol bémol (ce qui est pour le moins inhabituel). Le court développement est le seul tissu cohérent du mouvement, avec une pulsation continue, quasi-militaire.
Deux "petits" mouvements intercalaires (un presto et une danse allemande avec soufflets, découpée en éléments simples sur la fin) encadrent un beau mouvement Andante en ré bémol, en forme sonate sans développement. Musique parfaitement insouciante, joueuse et pleine de trouvailles, comme un ruisseau campaganrd riche en poissons. Stravinsky (*double prosternation rituelle*) écrit: "alors que l'Andante semble écumer la surface des émotions personnelles du compositeur aussi légèrement qu'un hydroglisseur - ceci par rapport au plongeon en profondeur de la Cavatine, son élan musical, quel que soit le prix que le compositeur ait payé et ses sentiments ultérieurs à son égard, est le moins superficiel des deux." et aussi que "le Génie frappe au hasard, et que dans le cas de la Cavatine il n'a pas frappé très profondément". Pour être juste, cette Cavatine devient intéressante avec l'épisode beklemmt, en do bémol majeur (qui m'a rappelé l'hallucination de l'air de Florestan). Quant à la Grande Fugue, elle continue à m'intimider et j'ai déjà été bien long.