Mes premiers Gurrelieder live
Une expérience forte, assez différente de celle de l'écoute de mon disque favori. Plusieurs sensations curieuses: l'euphorie du son (ce bain moussant dès le prélude) et l'appétit devant une belle voix de Heldentenor (ingrédient indispensable du bain moussant); la curiosité sadique (comment diantre ce ténor - Andreas Schager, remarquable - va s'en sortir face à un tel orchestre? (en fait, très bien, merci)); la curiosité du botaniste zoologue (mais comment, dans quelle direction ce monstrueux corps vivant orchestral va-t-il se développer? surprise renouvelée devant ces enchaînements complexes dans la troisième partie); la fièvre qui monte (ce Schoenberg devait être barré et avoir la malaria quand il a composé cela, je ne vois pas d'autre explication); le délire interprétatif à la Berg (ce do-mib-sib descendant du prélude, atmosphérique, c'est bien le même motif qui cristallise en deuxième et troisième partie, en un bloc monumental, obsessionnel et tragique); le plaisir de la redécouverte du texte (chaque mention blasphématoire accompagné d'un choral de cuivres, qui devait avoir un sens fort pour un musicien prêt à renverser la table); et puis aussi, plus trivialement, l'étonnement devant la vitesse de remplissage du plateau (c'est long et compliqué) et la franche rigolade (ce portable qui s'arrête de sonner sur Nun tönt auch nicht der leiseste Klang, ça ne s'invente pas).
A mon chocottomètre personnel: la musique du prélude (musique à la fois éclatée en différents groupes d'instruments, très mobile, c'est mieux que le prélude de l'Or du Rhin, non?); le 3ième lied (Ross, mein Ross, avec la première explosion d'amour/orchestre); le silence poignant dans le 9ième lied, dernier AVANT la catastrophe; la prise de pouvoir de l'orchestre avec la musique intersticielle d'avant la Waldtaube; la marche et le glas dans la scène de la Waldtaube (crescendo bien étouffé par Jordan, qui fait bien ressortir la voix); LE lied de la IIème partie (Herr Gott, weisst du was du tatest, ma musique préférée entre toutes); l'ironie de l'air de Klaus-Narr avec ces motifs qui volètent à toute allure; les chaînes (oui, les chaînes) dans le choeur des Mannen; les tenues acides et blafardes de flûtes+ piccolos dans la scène du vent d'été (on se croirait dans le Rossignol).