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zvezdoliki
1 février 2004

Sémélé, de Haendel

Grâce à B et sa Grenoble connection, j'ai eu la chance d'assister à la pré-générale de Sémélé de Haendel, la nouvelle production de Marc Minkowski et ses Musiciens du Louvre au Théâtre des Champs Elysées. C'est un spectacle excitant qui devrait faire un tabac.

En liminaire, je tiens à dire que j'ai plutôt des a priori défavorables contre Haendel, je ne suis pas de cette chapelle-là; en opéra baroque, j'aime mieux Rameau ou Purcell. Mais le goût évolue, et surtout, je suis devenu plus patient et plus positif, donc je suis prêt à aller écouter 3 heures d'arias da capo. Ma voisine Adèle, 2 ans, la fille du corniste à ce que j'ai compris, est restée nickel chrome sans dire un mot pendant tout le premier acte: j'ai atteint ce stade, le stade d'Adèle, avec juste un peu de retard.

J'ai un problème avec les airs à qui Kobbé décerne le label de tubes haendeliens; je me dis que le goût a dû évoluer depuis l'époque de lord H., l'immortel rédacteur du Kobbé. Ce sont de beaux airs (surtout "Where'er you walk", l'air de Jupiter, dont lord Harewood dit drôlement que sa "fraîcheur éternelle résiste aux traitements qui lui ont fait subir les amateurs"), mais ils sont tous du même caractère apollinien et impérial, plein de plénitude. Et ce que moi j'aime le plus chez Haendel, ce sont les explosions d'énergie, le côté sportif (le choeur "Happy, happy" à la fin où tout le monde se déshabille, c'est de l'aérobic), les airs de fureur et de vengeance, et puis la musique affettuoso, avec les legatos aux cordes, presque préromantiques... l'action, quoi. Avec Sémélé on est servis de ce côté-là.

J'ai trouvé l'histoire (inspirée des Métamorphoses d'Ovide) et le thème (l'hubris, chacun à sa place) intéressants. Comme le résume B, Sémélé se fait carboniser à cause de cette salope de Junon. Sémélé est une mortelle que Jupiter séduit et enlève dans un cercle magique au sommet du mont Citharon. Mais la jalouse Junon veut se venger et convainc Sémélé, en prenant l'apparence de sa soeur, d'exiger de Jupiter qu'il se montre dans son apparence divine; mais ce faisant, Sémélé se condamne à mort, sans le savoir. C'est un peu le thème de Barbe Bleue, et de l'éternelle curiosité féminine. Il y a un minimum de psychologie, et un peu plus de zoologie. Sémélé est présentée dès le début associée à une alouette, dans un air de virtuosité à roulades; dans cette veine, l'air de confrontation finale avec Jupiter est éblouissant (et m'a rappelé celui de la Folie dans Platée de Rameau). La musique traite parfois Sémélé comme une poupée victime (l'air du miroir), le jouet des coups du destin. La veine ornithologique est cultivée par la mise en scène, les deux méchantes (Junon et sa soeur) étant représentées comme des rapaces, avec des robes de cour à balai brosse genre Ménines.

D'un point de vue vocal, il y a un couple étonnant: mezzo/ contreténor, et c'est le seul qui marche... puisqu'ils se marient à la fin. Ces deux personnages ont exactement la même tessiture, d'ailleurs ils font un duo où ils roucoulent autour des mêmes notes. Tout le contraire de Sémélé et Jupiter (soprano/ ténor), aux timbres bien séparés.

Un personnage accompagne toute l'action, c'est Cupidon. Rock star androgyne, il utilise sa flèche de façon tout expressive ("New desire I'll inspire..."), mais petit à petit la flèche devient canne d'aveugle. Et à la fin, quand Sémélé se fait manipuler par Junon, Cupidon est devenu totalement aveugle.

Il y a beaucoup de belles idées de mise en scène, parfois de l'humour de potache anglais (genre Jupiter clope après avoir fait l'amour, ou le strip tease général de la fin de l'opéra). C'est parfois à la limite du raccoleur, mais on ne s'ennuie jamais. Minkowski est mieux dans l'énergie que dans le registre intime- les airs avec violoncelle obligé sont parfois assommants. J'ai particulièrement adoré le ténor (Richard Croft). Voilà, c'est un peu confus, pas très construit, mais le spectacle stimule l'imagination et mon envie de partager ce beau moment.

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