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zvezdoliki
26 avril 2004

Dialogues des Carmélites, de Francis Poulenc

Je ne connais pas de moment d'opéra aussi efficace que la fin des Dialogues des Carmélites. Elle produit chez moi des effets aussi indésirables qu'incontrôlés : tremblements généralisés, sécrétions lacrymales, déglutition difficile. C'est cette scène dans laquelle les Carmélites montent l'une après l'autre à l'échafaud en chantant le Salve Regina, leur chant étant ponctué par les coups du couperet de la guillotine. Techniquement, l'arpège la-do-sol-la qui parcourt toute l'oeuvre y est résolu en un arpège plus pauvre et en boucle la-do-la (ou une transposition, peu importe). Plus pauvre car il s'agit d'accompagner du grégorien, en boucle pour signifier le caractère inexorable et à la fois pacifié du destin des Carmélites. Vers la fin de la séquence, la musique s'interrompt: l'héroïne, Blanche, choisit de partager le destin de ses compagnes et monte à l'échafaud à la suite de son amie Constance, dernière en chantant le Salve Regina. Ce que je vais écrire est à la fois immodeste et impudique, mais depuis que je fréquente cet opéra - assez longtemps car c'est un de mes premiers souvenirs d'enfance - je me suis toujours identifié à ce moment là. En dernier ressort, mais seulement en dernier ressort, je rejoindrai la cohorte des pédés, ou des catholiques d'ailleurs (au fond c'est le même problème). Fin de la parenthèse immodeste et impudique.

Il n'y a pas que la fin dans les Dialogues, il y a aussi le début et le milieu. Le fil rouge de la trame, c'est la peur de ce qui va arriver, qu'on pressent sans le comprendre, la destinée qui se révèle à l'extrême fin, comme dans la "Bête dans la jungle" à laquelle j'ai pensé toute la soirée. Blanche de la Force - en religion, Soeur Blanche de l'Agonie du Christ - est vouée à un destin épouvantable, annoncé par ce qui arrive à ses deux "mères", sa vraie mère, avec un accident que raconte le Marquis au tout début de l'opéra, mais aussi sa mère spirituelle, Madame de Croissy: la scène de son agonie, au centre de l'opéra, est d'une horreur absolue, râles, blasphèmes, absence de Dieu. Felicity Palmer y est incroyable. On est loin des certitudes de Messiaen dans son Saint-François: on voit dans les Dialogues la grâce mais aussi le doute et l'épouvante ....

Un mot de Dawn Upshaw: j'ai une immense affection pour cette chanteuse, sa voix reconnaissable entre toutes, sa fraîcheur, ses aigus de petite fille, son engagement et la tension qui accompagnent la moindre des lignes qu'elle chante. Mais son français n'est pas impeccable (notamment en regard de celui de Felicity Palmer....) et c'est gênant dans une oeuvre où le texte est absolument central.

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