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zvezdoliki
28 mars 2005

La Tourette à la sauvette

Comme souvent, les craintes que j'exprimais dans mon dernier billet se sont révélées infondées: c'était un des mariages les plus joyeux auxquels j'ai assisté, et davantage que de casser des liens, je crois avoir pu en renforcer quelques uns.

Dimanche, comme nous étions dans le Beaujolais, j'ai poussé à ce que nous fassions un saut au couvent de la Tourette. C'est un des hauts lieux de l'ordre des Dominicains, une des grandes réalisations du Corbusier (avec une contribution de Xenakis d'après ce qu'on lit sur le site). Entre chien et loup, nous avons rôdé autour du couvent qui était fermé, le soir de Pâques. Que mes amis décrivent l'endroit comme un mélange entre déchetterie et cité U à l'abandon n'a pas cassé mon enthousiasme. L'architecture joue subtilement du relief : le couvent est adossé à la pente, l'église, la plus éloignée de l'entrée est sur pilotis. De l'extérieur, on voit les dispositifs d'entrée de la lumière (photo du bas à gauche).

C'est un lieu auquel j'avais beaucoup rêvé, à cause de son architecture, à cause du rayonnement intellectuel des Dominicains, à cause de la référence à Thomas More et l'Utopie, à cause du colloque Pasolini dont m'avait parlé P, à cause de la figure de Dominique, qu'on déteste à Toulouse et commémore à Bologne. Un endroit où je retournerai.

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13 mars 2005

mon pan de mur jaune hier soir vers 18 heures

12 mars 2005

In memoriam Frau Mira


Dans les années 70, on a souvent eu des nouvelles de Brigitte Mira, grâce à Fassbinder, qui lui a fait tout jouer, de la mère abusive à la femme amoureuse....

PS: en fait, après avoir ruminé tout le week-end, je sais pourquoi Brigitte Mira m'émeut tant: c'est pour son côté femme enfant- mère Courage....comme Giulietta Masina dont elle avait le regard....

 

11 mars 2005

Autour du finale de la 80ième symphonie de Haydn

Crainte: on ne loue pas assez Haydn.

Axiome: il y a toujours quelque chose d'intéressant dans une symphonie de Haydn.

Illustration: prenons, hum, au hasard, enfin, presque, la 80ième symphonie.

Je ne risque pas la concurrence dans la blogosphère à son sujet; même les musicologues l'évitent, pas même une note de bas de page. Rosen, mon idole, l'ignore superbement; j'ai juste lu que Geiringer en célébrait le mouvement lent qu'il qualifie aimablement de mozartien: il est vrai que cette symphonie est de 1783, un des grands moments d'enrichissement mutuel des musiques de Mozart et Haydn. Il faut dire que la pauvre cocotte est dans un entre-deux douteux: bien qu'en ré mineur, elle n'est plus franchement Sturm und Drang (ce qui ravirait les amateurs d'émotions fortes), et puis il faut bien avouer qu'elle est moins uniformément géniale que celles qui suivent la 82ième. Je ne l'ai jamais entendue en concert. Je mets sur la radio l'enregistrement d'un orchestre australien dirigé par Sir Ch. Mackerras, le spécialiste de Janacek (tiens tiens, hum, intéressant....)


Là le grand moment de génie, c'est le finale, dont j'aimerais faire une analyse à l'écoute, en évitant de regarder la partition. C'est une musique très spirituelle, dont on comprend vite à l'oreille le secret et la saveur, mais c'est beaucoup plus difficile à expliquer par écrit. Je vais essayer (au point où j'en suis....je n'ai plus rien à perdre !).

Un petit jeu si vous le voulez bien: écoutez sans tricher les 5 premières secondes de ce finale, avec la radio, puis mettez en pause. C'est parti.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Franchement, qu'avez-vous entendu ? en laissant toute mauvaise foi au vestiaire ?

Moi j'entends un dialogue entre 3 notes longues répétées, et deux 2 notes brèves, à un autre registre. Qui semble définir une pulsation de 4 temps. Un petit dialogue, que j'entends comme cela

 

que je retranscris comme ceci:

 

 

ou éventuellement comme cela:

 

 

Vous êtes autorisé[s] à poursuivre l'écoute (et me remercier, je suis un dictateur éclairé). Vous serez d'accord avec moi, non ?, vers 8", on commence à se dire, tiens, c'est bizarre. Et ce n'est qu'à 22" que c'est bien sûr, on comprend (après avoir compilé comme un vieil ordinateur de 1988): la figure du début que nous croyions être une figure stable s'appuyant sur les temps forts, est en fait une figure en contretemps, en syncopes, une figure d'accompagnement, secondaire,
comme ça:


Ce qui arrive...et ce que l'on attend, en somme.

 

 

-C'est tout zvezdo ?

-Et bien oui, c'est tout. C'est très exactement le genre de petit jeu qui m'excite en musique....

- (flop)

Un début excentrique, à la manière du finale de l'opus 76 n°5 dont j'ai déjà parlé et qui traîne dans la radio. Mais aussi un carburant qui irrigue tout le mouvement, et qui se résoudra comme toujours dans le style sonate, canalisé définitivement à l'extrême fin.(*) Je ne développe pas, c'est très simple, il suffit d'écouter, on entend les syncopes et le petit jeu de dialogue dans tout le mouvement.

Il m'émeut ce petit tortillon de rien poétique. Et il m'amuse aussi, car au fond, c'est une blague d'orchestre, très pratique, très concrète (à la manière de la fausse entrée du cor dans l'Eroica): voir des instrumentistes jouer à contretemps par rapport au chef, vérifier que le bloc des instrumentistes qui fait les deux brèves saura les caser au moment idoine, sans retard. Une blague sur la quelle on construit un mouvement. Un peu à la manière des Mikrokosmos, cet autre feu d'artifice poétique sur des éléments simples du langage.

Haydn: le contraire du papa Haydn dont on nous rebat les oreilles (le drame des gens d'esprit jeune qui meurent vieux); un galopin qui joue, le sourire aux lèvres, des ressources d'un langage tout neuf qu'il explore avec appétit (104 symphonies). Le Klee de la musique moderne.

(*)Idée[s] de définition de la forme sonate, ce grand cachalot blanc, ce maudit bic (parce qu'au fond, ça ne sert à rien de donner le topoguide d'une forme sonate, ça n'explique rien, pourquoi c'est là, à quoi ça sert ):
une forme sonate est un fil qui cherche son double pour former une corde. (Haydn marin)

une forme sonate est une façon de faire passer une crampe (Haydn kiné)

une forme sonate est une flamme dont on canalise l'énergie (Haydn électricien).

une forme sonate est la reconstitution d'un frigo à partir de tortillons dispersés dans la stratosphère (Zabriskie Haydn)

2 mars 2005

Découvrons avec Jacques Roubaud les moeurs étonnantes des hétéros médiévaux

Et aussitôt elle entama les hors-d'oeuvre, deux douzaines d'huîtres de Colchester. Wallwein était tout affamé et ne se fit pas prier pour jouer sa partie dans la partition dînatoire. Dire que la Guivre mangeait salement serait peu dire. Elle mettait ses griffes partout, s'essuyait la gueule avec sa manche, aspirait les huîtres avec un bruit glougloutant, et ainsi de suite jusqu'au dessert, pétant et rotant en contrepoint de sa déglutition.

Enfin, ayant achevé d'engloutir une montagne de myrtilles à la crème de Cornouailles, elle repoussa son assiette, et regarda Wallwein (qui avait, tout au long du repas, fait des efforts pour isoler son estomac de ce contexte peu appétissant) avec une concupiscence avinée (elle avait descendu de nombreuses bouteilles de vin du Kent). "Et maintenant, beau chevalier, c'est l'heure du poutou qui pue." Wallwein avait beau ne pas connaître le mot "poutou", les intentions de la Guivre, qui s'était levée et s'approchait de lui en se déhanchant comme un ornithorynque, étaient on ne peut plus claires. Mais les règles de l'Aventure sont formelles: on ne refuse pas le baiser de la Guivre, sous peine d'être un chevalier récréant, c'est-à-dire froussard et couard, indigne désormais du nom de chevalier. Wallwein donc se leva, essuya sa bouche avec sa serviette aux armes de Rhegedd et dit: "Je suis prêt". "RRRAAHHH!" fit la Guivre avidement. Et, prenant la tête de Wallwein entre ses pognes, elle lui flanqua sa grosse langue écumeuse dans la bouche.

Mais aussitôt, en lieu et place de l'horrible bestiasse, Wallwein eut dans les bras une délicieuse créature, construite un peu, jugea-t-il, à la manière de Silence, sa (son) frère-et-soeur, sauf qu'elle était blonde et nettement plus abondante des mamelles, plus ample et cambrée de l'arrière-train. Elle avait sous les bras et au bas du ventre un toisonnement bouclé et parfumé, ma foi, d'une manière plutôt agréable; et d'une blondeur, d'une blondeur véritablement blondissime. Sa langue chatouillait les dents de Wallwein qui sentit un trouble généreux et vigoureux l'envahir, ce dont la nouvelle version de la Guivre se montra fort satisfaite. Elle le prit par la main et l'amena dans sa chambre, où elle lui fit découvrir toute une panoplie de jeux que Silence et lui, malgré leur grande inventivité, n'avaient point encore trouvé d'eux-mêmes. Et ils ne s'endomirent point avant que l'aube, encore virginale, ne signale, timide et rougissante de pudeur, sa venue.

Jacques Roubaud, le Chevalier Silence, chapitre 15

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