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zvezdoliki
26 octobre 2005

Opus 111

(désolé, un billet horriblement long, affreusement jargonnant et impitoyablement boîte à outils, mais si je ne prends pas de notes, j'aurai tout oublié dans deux jours, étourneau que je suis)

Réécouté l'opus 111 en lisant le très stimulant billet de Jeremy Denk (que je suis grâce à bladsurb, merci toi !). Il voit l'arietta sous un angle pratique (de concertiste) mais aussi théorique. Sa note éclaire d'un jour différent le texte de Mann dont Philippe(s) parlait dans une note-à-plus-d'un-commentaire.

Je résume à grands traits, en français (je dois avouer que j'ai du mal à lire Denk avec tous ses jeux de mots imagés: c'est pénible ces gens qui font des jeux de mots imagés):

  • le thème de l'opus 111 est plus simple que celui de l'opus 109, un autre thème et variations que Beethoven conclut par la reprise intégrale du thème (ce n'est pas le cas du tout pour l'opus 111, j'y reviendrai). Il prête davantage à des divagations et à un enrichissement du matériau. Beethoven introduit ainsi des choses étranges dans les jointures....qui volent la vedette au thème.
  • Un matériau simple: dans le thème il y a un mi, à l'unisson, tout nu, tout simple (à 1'05", introduisant la deuxième partie), qui introduit une belle couleur de la mineur (au milieu d'un do majeur lumineux), comme une bulle délicate, de couleur très différente du do mineur assertif du 1er mouvement.
  • Dans la 1ère variation, le discours s'épaissit pendant la première moitié; il est d'autant plus complexe et touffu harmoniquement que le thème était simple (là où le thème dit le moins, la 1ère variation dit le plus). Et pour clore cette section apparaît ....le do-do#-ré-sol du Doktor Faustus....(à 2'28", avant la reprise du thème). Thomas Mann a donc tort de décrire le do# comme un événement complètement inattendu et émouvant dans sa douceur et sa bonté ....

première visite de Thomas M

  • le conduit en question du Faustus répparaît, transposé, au début de la deuxième section (à 2'58") (sol-sol#-la-si-mi)....pour habiller ce qui n'était que le mi isolé tout nu évoqué ci-dessus.
  • autre hoquet (hiccup) dans le discours, la demi-mesure (à 5'40") juste avant la troisième variation et son explosion jazzy, forte. C'est une figure de cadence, mais escamotée, sans basse, dans l'aigu, et jouée piano; qui doit faire contraste avec l'explosion qui suit. Un clin d'oeil plein de wit beethovénien, un trait d'esprit fugace et qui peut être totalement occulté à l'audition (c'est le cas hélas avec Brendel dans la radio).

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deuxième visite de Thomas M

Du coup, je réécoute différemment la fin, ces seize mesures de coda qu'évoque le Doktor Faustus. Une énigme que l'analyse ne réduit pas. Si j'avais à réécrire le commentaire que j'avais posté alors chez Philippe[s], j'écrirais ceci:

  1. On peut lire l'arietta de l'opus 111 à la fois comme ce qui arrive à un thème (ses 2 fois 16 mesures, son dessin harmonique et rythmique); mais aussi comme une gigantesque accélération progressive et très calculée des rythmes tout au long du mouvement, du début en croches pointées (3 notes/ mesure) jusqu'à la variation IV (à 7'45"), en triolets de double croches continues (27 notes / mesure....le rythme mesuré le plus rapide) qui conduit aux trilles (non mesurés) des mesures 112 et suivantes (à 10'18").
  2. Ce qui est à l'oeuvre dans la dernière variation-coda (les 16 dernières mesures, à partir de 168; à 14'12"), c'est à la fois la liquidation du thème et celle du schéma rythmique d'ensemble. Elle est, donc, organisée de façon très stricte autour de trois éléments: le thème; le trille, le rythme le plus rapide. De la mesure 168 à 176, c'est la répétition littérale de la première moitié du thème, superposée à la fois au rythme mesuré le plus rapide (celui de la variation IV) et à un trille (qui n'est que l'acccélération non mesurée du rythme le plus rapide). Un trille sur sol, qu'il faut doublement résoudre: en décélérant et en revenant sur do. C'est là qu'intervient le do-do#-ré-sol de Mann (à 14'56), énoncé deux fois (mesures 177-178), qui nous dit avec une pointe d'amertume: il faut conclure... et éviter les complications modulantes de la deuxième section du thème.
  3. Les six dernières mesures (178 à 183; huit mesures moins les deux déjà utilisées....à 15'05" à l'écoute) ne sont pas ce dénouement quelconque dont parle Kretzchmar. C'est la décantation, la séparation des éléments que l'on vient d'entendre: 3 mesures du rythme mesuré le plus rapide (qui renvoie à la variation IV), suivies de 3 mesures du rythme le plus lent (donc une décélération). Ou aussi: trois mesures crescendo depuis le pp où nous étions depuis le début de la dernière variation, puis trois mesures de retour au néant. Et aussi: 2 mesures sur sol, 1 mesure sur do, 2 mesures sur sol, 1 mesure sur do. Le tissage de ces morceaux donne quelque chose d'à la fois abrupte et cohérent: un collage de ces fragments intersticiels dont parle Denk ?

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Pour s'y retrouver: je mets dans la radio l'arietta de l'opus 111 jouée par Alfred Brendel.

 

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