vendredi 21 juillet 2006
Nul besoin de plonger dans des nostalgies inutiles : tout ce qui est de la station balnéaire est affreux et l'était déjà vers 19
Il existe au musée du Havre une petite toile de Boudin, un groupe de dames marchant sur la plage miroitante, une traînée confuse d'étoffes et de visages féminins dans un paysage d'air gris et d'eau grise. La promenade à Scheveningue. Est-ce à cause de la désinence doucement étirée de ce nom prononcé à la française (car Scheveningen n'est qu'un nom néerlandais comme une autre) que cette plage est restée l'archétype de toutes les plages du Nord ? Vers le même âge, qui d'ailleurs n'est pas celui où l'on se souvient, au début de l'ère où l'automobile rendait les déplacements faciles, on a dû m'emmener, certains jours, tremper les pieds dans les flaques d'eau d'Ostende, ou encore sur la plage de Furnes ou celle de Boulogne. Mais rien n'en reste. De Scheveningue au contraire, que j'ai souvent revu, je retrouve à la fois mes souvenirs d'hier, d'avant-hier et ceux, que je crois miens, d'il y a trois quarts de siècle. Nul besoin de plonger dans des nostalgies inutiles : tout ce qui est de la station balnéaire est affreux et l'était déjà vers 1900. Les blocs d'appartements loués au mois ou à la saison paraissent plus nombreux qu'autrefois, mais certains sont des hôtels reconvertis. Des villas d'aspect martien aujourd'hui, hier encore d'aspect gothique, toute la laideur que peut produire la pompe bourgeoise, s'exhibent entre la plage et la route. L'énorme Casino était déjà là avec son orchestre de cuivres, à l'allemande, et la surabondance de ses mangeailles, que passait pour rendre indispensables l'air de la mer, qui creuse comme on sait. Juillet-août : durant les deux mois des Grandes Vacances, qui sont aussi ceux des déclarations de guerre ou des guerres qu'on ne déclare même plus, des autobus et des roulottes automobiles, de nos jours, des trains en ces temps-là, vomissent des hordes en quête de bon temps au bord de la mer. Marguerite Yourcenar, Quoi? l'Eternité, pp 119-120 (la petite Marguerite avec Egon von Vietinghoff, le fils de Egon et Jeanne, les personnages du livre) J'aurais peut-être dû relire mon Yourcenar avant d'aller à Scheveningen avec M** et J**.... Sur la ville, pleinement d'accord avec la Révérende Mère Supérieure (le pompon étant cette jetée couverte qui ressemble au choix à un satellite de Roissy ou à une rampe d'accès à une plate-forme pétrolière). Sur la plage, en revanche, je serais moins définitif, grâce notamment à des bars de plage très sympathiques et un environnement relativement préservé, pour peu que l'on s'écarte de la ville.
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