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zvezdoliki
4 octobre 2006

Un air électrique qui donne le mal de mer

Je connais mal Idomeneo (je n'ai jamais rien compris à l'histoire et je n'écoute pas tout) mais j'aime depuis longtemps la grande scène de fureur d'Elettra, une fureur qui déchaîne les éléments et un grand choeur d'hommes, dans la grande tradition wagnéro-schönbergienne. C'est aussi un air d'un style classique très pur, presque abstrait.

Pour mieux suivre ce qui risque d'être un topoguide aride, la partition est ici (désolé, il faut se fader les parties vocales en clé d'ut 1ère); j'ai mis l'ensemble récitatif + air d'Electre + choeur d'hommes à la fois en mp3 ci-dessous (il faut attendre 4'45" de récitatif avant d'entendre Elettra passer à l'action) et dans la radio (là, il est facile de sauter le récitatif mais la qualité sonore est moins bonne).

C'est un air très court: 3'27" (de 4'45" à 8'12"); introduction 22", 1ère partie 1'21", 2ième partie 1"27" et transition vers la suite 17". C'est plus long de lire cette note que de l'écouter. Employons les grands mots, c'est une fome sonate très intégrée, très ramassée, très concise, en deux parties (comme dans certains mouvements lents chez Haydn), peu conforme aux schémas appris au conservatoire (on nous cache tout on nous dit rien).

L'air commence à 4'45" par une longue pédale de la, avec le tictac des basses (on accumule la tension) et les volutes des flûtes (comme de l'eau froide sur de la pierre chauffée). Quand le tictac s'arrête (au bout de 3X4 mesures), la pulsation cardiaque s'accélère (4 fois un accent toutes les trois notes) et on atterrit en ré mineur, la tonalité de la forme sonate (et on comprend que ce qui précède n'était qu'une introduction).....

Il y trois séquences dans le vrai début de l'air, une première période en ré mineur (c'est à dessein que j'écris 1ère période et pas 1er thème comme on dit au conservatoire (on nous cache tout on ne nous dit rien)):

  1. Sur quatre mesures, un grand crescendo orchestral (au fond, c'est ça le thème: un grand crescendo) doublé d'une montée de la voix, sur un rythme caractéristique (a): qui aboutit sur....
  2. ... un bloc tout en rupture, en tension: deux mesures piano en descente suivies de deux mesures fortissimo, avec un intervalle dramatique, le tout répété deux fois (donc 8 mesures), sur un deuxième rythme caractéristique (b):
  3. Sur le rythme initial (a), une séquence un peu geignarde , qui prépare la suite....

Suit un pont sur une pédale de do (à 5'35"). C'est toujours le rythme (a) du début, mais de plus en plus désamorcé: la ligne tourne sur elle-même au lieu de se lancer comme une fusée, elle est accompagnée par les volutes de flûte comme dans l'introduction....

Cette pédale de do amène logiquement en fa majeur (5'46"), où on se maintiendra jusqu'à la fin de l'exposition. Là encore, trois phrases

  1. une première, très agitée, avec des coups de corne des brumes (enfin, des cors), sur un do dominante, contredits par des accents aux cordes; où la voix chante les rythmes a et b, successivement;
  2. une phrase plus stable, où fa est solidement assis mais où des chromatismes sèment le doute: va-t-on en mineur ou en majeur ?
  3. une dernière phrase, avec les coups de cloches, les coups de boutoir des cordes et des fusées aux vents: c'est très agité, mais pour assurer sans équivoque que l'on va conclure en fa majeur; les rythmes (a) et (b) sont aussi complètement désamorcés, domestiqués, servant à chanter la victoire de fa.

Mais comme c'est un air électrique qui donne le mal de mer, on retrouve l'accélération cardiaque de la fin de l'introduction qui mène à la deuxième partie (réexposition) à 6'28". C'est à peu près la même séquence d'événements (ce qui va m'épargner des bavardages).

Mais le schéma harmonique est différent, et c'est aussi cela qui est beau. Mozart débute la réexposition en do mineur, jusqu'à la fin de la première période (avant le pont). Ce qui est très beau dans cette réexposition en do mineur, c'est tout en étant un faux plancher pour l'air d'Electre (en ré mineur), elle est aussi le vrai plancher du choeur qui va suivre, en do mineur: un peu comme un plancher qui s'enfoncerait, définissant un nouveau niveau zéro. On a eu déjà du mal des difficultés perceptives au début de l'air: sommes nous en ré ou en la ? C'est décidément un air électrique qui donne le mal de mer.

Le pont a lieu sur une pédale de la et mène à une deuxième période en ré majeur (au lieu du fa majeur de l'exposition), comme il est habituel dans une forme sonate. Ce qui est moins habituel, c'est que l'indécision que j'avais signalée à propos du centre de la deuxième période se résout cette fois en ré mineur (et pas en majeur), ce qui ajoute en âpreté à l'air dans son ensemble.

Un mot de la conclusion (à 7'55"); elle reprend comme à chaque transition l'accélération cardiaque déjà mentionnée deux fois et les volutes de flûtes, que l'on retrouvera abondamment dans le choeur qui suit (que je ne commenterai pas car j'ai déjà été horriblement long).

 

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