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zvezdoliki
28 décembre 2006

Idoménée à Garnier

Hier à Garnier, comblé mes lacunes sur Idoménée: j'ai enfin compris de quoi parlait le livret (c'est du lourd !) et j'ai enfin découvert le dernier air d'Elettra (qui est style genre).

Le livret: rien moins que l'éclosion d'un nouveau monde qui naît de la paix entre Grecs et Troyens, de l'abandon de pouvoir du père au fils, de la répudiation de la logique sacrificielle. La béance rouge, ce piège que l'on voit sur la scène du Palais Garnier devient le temple, le socle d'un nouvel ordre, d'un nouveau règne, celui du fils, Idamante, qui après avoir dû quitter les "rivages paternels" revient en roi.

On va dire que je ratiocine mais tant pis c'est trop tentant: la béance rouge qui devient temple, c'est la forme sonate, et le nouveau roi Idamante, c'est Mozart.....Mozart qui comme Idamante est tiraillé entre les exigences de la forme ancienne (ici, la tragédie lyrique traduite du français) et l'appel de la nouvelle voie. Il ne faut pas en minimiser l'enjeu, qui n'est pas qu'un vulgaire passage de relais d'une génération à l'autre : Idoménée est rien moins que le premier opéra moderne, le premier opéra d'après la Grande Césure. L'histoire de la musique c'est simple: il y avant l'âge sonate, la première mi-temps, ça finit avec Bach; et puis il y a l'âge sonate et après, c'est la seconde mi-temps, après la Grande Césure et ça commence avec Haydn et Mozart. Comme Mithridate et les opéras de Haydn, ça ne compte pas, on peut dire que Idoménée, en 1781, est le premier opéra systématiquement fondé sur le style sonate.

On l'entend dès les trois premiers grands arias (Ilia, Idamante, Elettra): ce sont tous des formes sonates en deux parties (noeud/ dénouement) caractéristiques du nouveau style: très hétérogènes, intégrant une foultitude d'humeurs (et des silences très frappants - comme dans l'air Idamante) qui ne se concilient que dans le voyage harmonique que propose la forme sonate. Vers la fin de l'opéra, on retrouve plus fréquemment les canons de l'opéra baroque: la cavatine qui me plaît tant (l'air d'Idoménée priant Neptune avec ses figurations paradisiaques aux vents) ou l'air d'Arbace sont plus intégrés, plus homogènes stylistiquement .... plus baroques. Enfin, je crois.

Mozart ne va pas jusqu'au bout de sa révolution sonate, comme il le fera dans les Noces de Figaro ouCosi, où la récapitulation de la sonate coïncide avec la résolution d'un noeud dramatique (levée de quiproquo, désamorçage de la bombe Marcelline). Dans Idoménée, les vrais noeuds gordiens de l'action sont tranchés dans les récitatifs et pas dans les airs-sonates. Par exemple, le grand quatuor de l'acte II se résoud musicalement (avec la formule initiale servant de fin - un grand mème classique) mais pas dramatiquement (les quatre protagonistes continuent à souffrir comme des bêtes à la fin du quatuor)....

Hier, prestations remarquables de Joyce di Donato en Idamante (présence scénique, vaillance vocale) et Camilla Tilling en Ilia (timbre magnifique). J'ai été moins convaincu par Ramon Vargas en Idoménée (un latin pas assez agile) et par Mireille Delunsch (un timbre trop blond à mon goût pour la voix d'Electre, un premier air raté et couvert par l'orchestre).

A toutes fins utiles je signale ce site à la fois ludique et pratique qui m'a permis d'acheter in extremis une places de seconde main - un site bien utile pour voir un spectacle archi-complet à l'Opéra. En amphi de face, c'était moins le fin du fin que le fond du fond, mais néanmoins très acceptable....

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