mardi 15 juin 2010

Pelléas à l'Opéra Comique (Braunschweig Gardiner)

Je donne encore une fois ici dans le rapport de police (à ne pas lire, donc, si vous allez voir le spectacle, je ne fais ici que spoiler)

  • Premier choc: Golaud (Marc Barrard). Dans la première scène, il frappe par son élégance et sa jeunesse – et c’est important pour la suite de comprendre qu’il puisse y avoir un lien entre Mélisande et lui. (Exactitude géométrique : l’entrée dans le château… à l’intersection de deux droites.)
  • Scène 2. Tiens (ce n’est pas une surprise), Stutzmann fait une magnifique Geneviève – timbre (poste) très doux pour la scène de la lettre, sans la rugosité à la Electre que mettent certaines contraltos. Définition : on définit le lieu d’Yniold comme une ellipse inclinée, de proportions modestes, dotée d’un petit phare.
  • Deuxième choc : l’apparition de Pelléas dans la 3ième scène. Choc amplifié par la mise en scène, avec le dévoilement du phare, version géante (un lieu d’Yniold dilaté), enfin de l’espace, premier moment de grand air, l’orchestre aussi change de dimension. Pelléas (Philip Addis) voix jeune, puissante, avec une belle amplitude (de beaux graves et des aigus pas gueulards). Dramatiquement parfait. Je serais Mélisande, je le laisserais tomber, ce bouquet.
  • Acte II scène 1 : la fontaine, encore le lieu de l’acte I scène 3. Exactitude topographique du dispositif : "mes mains ne touchent pas l’eau".
  • Acte II scène 2 : la scène Golaud-Mélisande avec ses ruptures de tons. Subtil Golaud : il chante pianissimo subito sur sang dans « Je suis fait de fer et de sang ». Est-ce la bonne lecture de ce passage ? Pas sûr, c’est l’orchestre qui est noté pianissimo, sur une musique qui commente déjà l’intervention de Mélisande. Mais l’effet obtenu est incroyable : on sent que le sang sera sa perte.
  • Acte III scène 1 : l’idée de génie est de mettre cette scène de la chevelure dans le lieu d’Yniold, celui de l’enfance… l’ellipse mineure de l’acte I scène 2. Du coup, le jeu des deux jeunes gens apparaît comme un jeu d’enfants (« Vous êtes des enfants ! »), un jeu dangereux (la strangulation n’est pas loin). Braunschweig reste, encore une fois, littéral, fidèle au texte (« Mes cheveux sont aussi longs que la tour ») sans sombrer dans le ridicule.
  • Acte III scène 2 : le cri de Pelléas au sortir des souterrains, complètement bouleversant….. Debussy n’aurait pas aimé, mais oui bien sûr, c’est Fidelio ! magnifiques lumières… un des sommets de cette production.
  • Acte III scène 3 : là encore, la mise en scène est exacte : Golaud n’est pas assez grand pour arriver à la fenêtre, mais G+ Y, oui.
  • Acte IV : là, ce qui change tout, c’est de montrer une femme enceinte (idée géniale, littérale, pourquoi donc personne ne respecte ?) : dès le début de l’acte, on comprend que tout va être fichu, que l’horizon se rétrécit. Première scène agitée (Gardiner est à fond de train, Braunschweig fait cavaler Pelléas). Dans la scène 2 (Absalon, Absalon), Golaud manque un peu de folie à mon goût. A la fin de la scène 3, il ne reste plus de l’espace d’Yniold (celui des jeux d’enfant des amants) qu’une ombre, et un ballon rouge, que Pelléas prend en main pour le liquider. Logiquement, Braunschweig place l’action de la grande scène finale dans l’espace de l’acte II, scène 1. Ciel rouge de sang, qui disparaît derrière un rideau noir (« on ferme les portes, nous ne pouvons plus rentrer »)), avant que n’arrive la mort (couleur verte d’hôpital). Aucun contact entre Pelléas et Mélisande, dans toute cette scène, sauf, littéralement, sous la pression de Golaud, qui les pousse à s’embrasser (« Ta bouche…. »)
  • Acte V. Incroyable moment a cappella de Golaud dans l’aigü (Mélisande ! ……). Souvenirs sélectifs de Mélisande.

 

J’ai du mal à rendre compte (ceci est un rare moment de lyrisme de ma part) de l’intelligence et de la richesse de la mise en scène  - c’est beau, c’est cohérent, ça fonctionne avec peu de choses.  Pour le reste, très haut niveau à quelques réserves près (on ne sent pas vraiment en sécurité avec tous ces pains aux vents, et je ne suis pas complètement emballé par Mélisande – diction parfaite mais un timbre un peu trop fade à mon goût).

Posté par zvezdo à 21:49 - opéra - Commentaires [2] - Permalien [#]
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Commentaires

  • Magnifique Pelléas... et très beau couple avec Mélisande (pour une fois ce sont eux les personnages principaux et pas Golaud). Leurs scènes, et la progression de l'une à l'autre, sont très bien mises en scène (La meilleure scène de la fontaine, à l'acte 2, que j'aie vue).

    Oui ç'aurait été parfait si le timbre de l'orchestre avait été moins laid et sans cet Arkel calamiteux.

    Posté par guillaume, samedi 19 juin 2010 à 18:49
  • Après vérification, il apparaît que le texte exact est « Je suis fait au fer et au sang ». Pour ce qui est du "spp", je ne sais pas, mais par ailleurs, je n'ai pas l'impression qu'énormément d'indications de nuances soient notées pour les voix dans cette scène entre Golaud et Mélisande. (Je n'y ai pas fait attention pendant la représentation d'hier vu que tu avais mis un warning à spoilers.) Sur l'enregistrement que j'ai en DVD, Laurent Naouri chante aussi fort « sang » que « fer ».
    Ce qui m'a le plus frappé dans cet opéra, c'est le caractère superflu des sur-titres.

    Posté par Joël, lundi 28 juin 2010 à 22:13

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