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zvezdoliki
30 août 2011

Les Maîtres Chanteurs mis en scène par Katharina Wagner à Bayreuth

Un énorme merci public à Philippe 1 de m'avoir proposé la place de Philippe 2 pour les Maîtres chanteurs, dans la mise en scène surbouuuhée de l'arrière-petite fille du compositeur. Aller à Bayreuth était une sorte de rêve que je n'aurais même pas songé à transformer en réalité. Est-on ballot, parfois. 

La production de mademoiselle Wagner est gentiment moqueuse dans les deux premiers actes (les prémisses d'un concours difficile pour un chevalier, une nuit de la Saint-Jean qui dégénère en émeute) sans susciter l'hostilité. Elle prend un tout autre cours dans le long troisième acte, qui va peut-être très loin, dans le grotesque et le sarcasme, mais évite l'ennui, c'est certain (et ça m'arrange bien, c'est un acte que généralement j'ai du mal à digérer, et je comprends maintenant mieux pourquoi).  

Dans ce troisième acte, Hans Sachs, jusque là présenté comme un anticonformiste bonhomme, se transforme, à l'issue d'une sorte de crise nocturne existentielle dans laquelle il se confronte aux Grandes Figures de l'Art Allemand, en un manipulateur qui investit dans le lancement d'un nouveau produit, puisqu'il façonne pour le compte de Walther le lied du printemps, comme un vulgaire Schlager pour la télévision. La manipulation procède de la scène de crise nocturne du prélude de même que le lied du printemps procède du thème du songe (avec ses accords tournants à la Mendelssohn). Suit une scène avec Beckmesser ("Beck In Town") et avec Eva (dans laquelle Wagner cite le thème d'Isolde et celui du roi Marke: Sachs ne sera pas Marke). La beauté un peu nunuche et écoeurante, à la Chevalier à la Rose, de la scène du quintette (à 1'12" dans le lien) est mise à distance de façon radicale; Katharina Wagner fait accourir les deux petites famillles (Eva+ Walther, David + la suivante) comme des marionnettes dans les deux cadres dorés qui leur sont assignés. Suit la scène de la marche des apprentis: musique un peu bourrine et d'une gaîté un peu forcée, alors que la mise en scène convoque dans une bacchanale obscène, là encore pour mieux les congédier, les grandes figures de l'Art Allemand déjà vues dans le prélude (dont un certain Wagner, Richard en robe de chambre vermeille). La scène du concours final est beaucoup plus convaincante, et un vrai choc pour les spectateurs. A cette occasion apparaît un public reflet presque exact de celui de la salle, aux réactions mécaniques (le ballet des femmes posant de façon synchrone leur tête sur l'épaule des spectateurs aux moments d'émotion: triomphe de la cucuterie). La déception provient de ce que la Wagner ne propose qu'une alternative déprimante: la société du spectacle avec ses émotions fabriquées ou une avant-garde ridicule (Beckmesser traitant le thème du printemps comme une performance pour ressusciter les morts). L'extrême fin de l'opéra - exaltation de la germanité et des valeurs des Maîtres chanteurs - montre Hans Sachs éclairé du bas, dans le noir, alors qu'une statue énorme et inquiétante occupe l'espace à droite. Pas de symbole nazi explicite, mais tout le monde a compris qui était ce Grand Manipulateur faussement bonnasse. La lecture est déplaisante pour tous ces spectateurs qui aiment la joie un peu ronflante de ce finale et le lyrisme du lied du printemps, mais elle est sans doute légitime compte tenu de l'histoire de cet opéra, le préféré des nazis.

strudel 457 strudel 472

Un regret: l'absence de surtitres et le postulat de base que tout spectateur venant à Bayreuth se prépare comme la jeune épousée du Cantique des cantiques. Pour le Ring, ça aurait marché, pour un opéra comme les Maîtres chanteurs qui est finalement rarement donné - je ne me souviens que de deux mises en scène - l'une à Nancy où je me suis beaucoup dépensé sur scène, à la fin du second acte, et la ch*ant*ssime production du Châtelet dans les années 90 - c'est un peu dommage. 

Quoi dire d'autre? que l'endroit est merveilleux, au sommet d'une colline verte; que la salle est comme une gigantesque tente de cirque (avec de faux cordages et un très joli bleu au plafond), comme une grande coquille avec très peu de balcons; que l'acoustique est étonnante et que l'orchestre ne couvre jamais les chanteurs. Qu'une représentation à 16h avec deux entractes d'une heure permet de rester frais et concentré vraiment longtemps. Que même si la jeune femme qui vient saluer crânement le public qui la conspue en déroulant une longue chevelure blonde déconstruit l'esprit du lieu, on a très envie de revenir.

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Commentaires
G
Oui j'aurais du rester et m asseoir sur tes genoux pour ces maitres chanteurs.
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