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zvezdoliki
19 septembre 2011

Un petit topoguide du premier de la Neuvième

Comme j'étais vexé comme un dindon de n'avoir rien suivi l'autre jour, j'ai repris partition et Vignal. Ce qui suit ne prétend pas à la génialitude (ou à l'exhaustivitude) mais vise à fixer par écrit ce que je crois avoir compris du 1er mouvement de la 9ième, là, à l'instant t (donc, pas tout, loin de là; on peut aller lire  des choses très bien).

Donc, sonate si on veut. C'est une forme sonate qui ne bouge pas beaucoup. On entend surtout le retour fréquent (au moins sept fois) d'une mélodie en ré majeur à quatre temps, bien cadrée, stable et calme, qui a une tendance fâcheuse à l'évasion vers quelque chose de plus passionnel et hystérique qui donne un peu mal au coeur (souvent en si bémol). Comme les trois premières occurences du thème sont assez intégrées, je veux bien qu'on appelle cette séquence exposition; le développement a sa symétrie (une zone de musique très émiettée à son début et à sa fin, et puis deux séquences Parsifal-thème-excitation en son milieu, on y reviendra). Après un climax difficile à louper, la réexposition reprend la grande mélodie et liquide la phase d'excitation. Tout cela repose sur un très petit nombre de motifs. Admettons, donc sonate plutôt que rondo ou variations, même s'il n'ya pas vraiment de voyage, mais une série d'élans contrariés.

Les mesures 1 à 6 ("Introduction") présentent cinq motifs principaux, très simples (les noms sont de ma seule et unique responsabilité, pas la peine d'appeler l'asile le plus proche):

Corne des brumes (rythme pur, non rétrogradable, c'est à dire qu'on peut le lire à l'endroit à l'envers sans qu'il change, repère sonore très audible qui apparaît mesure 1, au début et à la fin du développement, on y reviendra; griffe sonore de l'éternité?)

corne des brumes1

Horloge (tictac motoriste), sans doute le motif le plus important de tous

horloge

Une vie de héros (les cors, les quartes, l'affirmation de soi, aller gambader sur le cercle des quintes, toussa)

heldenleben

Frisson (déjà issu de Une vie de héros? en tous cas son ombre, son fantôme)

batterie

Seconde descendante (hommage semble-t-il à Beethoven et au Lebewohl de la sonate Les Adieux)

adieu

met en branle avec l'aide du Frisson une grande mélodie en ré majeur (1ère occurence du Thème, à 7: c'est l'Exposition, qu'on pourrait faire démarrer à 1, tout de même)

Première tentative d'évasion à 26 en ré mineur. La musique se fait plus plaintive et se construit avec un motif que j'appellerais bien Arpège noyade (parce qu'il est anxiogène, chromatique et sans cesse répété, comme si l'on se noyait dedans).

arpegenoyade

Séquence très lyrique culminant avec 44, Fanfare lugubre (qui n'est pas toujours lugubre, et sonne parfois comme une prophétie)

fanfaregolaud

qui lance à 47 le retour du Thème (2ième occurence), à son plus flamboyant, dilaté en ré majeur, avec seconde devenue neuvième pour qu'on ne la reconnaisse plus (erreur). Première tentative de filer en si bémol, vite avortée par une modulation déchirante et soudaine (mesure 63-64, un de mes moments favoris, brutal et amer), retour du thème, moins fort, retournant au silence (3ième occurence). Avec le motif adieu en sforzando piano (promis à un brillant avenir). Fin d'un premier cycle. 

Changement d'éclairage, mais pas de matériau. On passe en si bémol (à 80), mais ce sont encore Arpège noyade, Heldenleben et Fanfare lugubre qui font monter l'excitation pour ....ce que j'appellerai Alma, au hasard. 

alma

A 108, coup de Corne de brume, démarrage de ce que Vignal appelle le Développement. On en si bémol mais on va vite rentrer en ré. Vaste séquence où domine l'esprit de l'introduction, musique éparse (Horloge), désolée et fantomatique. C'est encore la harpe qui met en route quelque chose (137) à partir du motif Horloge, qui perd son silence central et devient un mouvement continu (encore un de mes moments favoris): une montée dolente, à la Parsifal.

A 148, 4ième occurence du thème en ré majeur (un peu varié rythmiquement, mais très reconnaissable). Qui file en si bémol (c'est une maladie). Fanfares, Heldenleben, Horloge et climax sur Alma, évidemment (196). Qui file comme une aguille, Arpèges noyade au contrebasson, on est très très mal. 211 varie Arpège noyade en musique de cordes très fauve (sur cordes graves), en si b mineur. Toute cette section conclut sur Fanfare lugubre, répétée trois fois, de moins et moins fort et perdant sa rythmique (et là, bien lugubre comme on aime). A 252, c'est le désert, il n'ya plus que des batteries. Même atmosphère à la Parsifal qu'avant 148

A 267, 5ième occurence du thème, au cor. Cela dure très peu. L'appel d'Alma est trop impérieux (296 et surtout 308, Höchste Kraft, en si majeur). C'est là le moment (314-316) qui m'avait tant frappé au concert, corne des brumes sur do bécarre aux trombones, deux fois, entrecoupé de l'horloge aux timbales tutta forza. Le moment où Berg voit l'annonce de la mort. En fait une zone d'indécision voisine du climat de l'introduction (et du début du "développement"). Qui s'ordonne en une marche funèbre avec le saisissant ostinato crescendo des timbales, qui se transfère aux cloches+ harpes (effet terrible), aux altos (dans l'aigü), aux clarinettes..... Le moment gloss des violons (332) est irrésistible. Mon royaume pour cette marche!

A 347, 6ième occurence du thème, en ré majeur (Réexposition, nous dit Vignal; il a sans doute raison, vu l'importance de l'épisode qui précède). Délicieuses et putrides dissonances à 356 (la#! mi#! le venin progresse, le mouvement devient tout violet). Vers 363 on file en si b majeur, mais ce n'est pas pour retrouver Alma (disparue). Fanfare lugubre superposée à arpège noyade jouent leur rôle d'étouffoir (372) et nous mènent à 376 à un passage chambriste étonnant (qui renvoie à 32-33 et 86-87 selon Vignal, je ne l'aurais pas inventé). Musique indifférente, décolorée, associant flûte, hautbois, cor et contrebasse.

A 406, on s'installe en ré majeur pour ne plus en bouger (Coda). Fanfare lugubre s'évapore (412). A 434, on a quelque chose comme la 7ième occurence du thème (sa liquidation) au violon solo. La fin est géniale: sur l'adieu (fa#-mi du hautbois), on a fa#-la comme harmonie (quelque chose de suspendu et d'improbable), mais il manque le ré... il arrive (c'est le fa#mi ré qu'on aura attendu durant tout le mouvement, rendez-vous compte!), éthéré sur des harmoniques des cordes et prend le relais des autres notes qui ne tiennent pas. Un ré qu'on aura désiré tout le mouvement. Génial.

Pour suivre en écoutant: mesures 1-79 (Introduction, triptyque du Thème)

 

mesures 80-107 (Alma)

 

mesures 108-173 (début du développement)

mesures 174-210 (suite)

mesures 211-266 (suite)

mesures 267-346 (suite)

mesues 347 à la fin (Réexposition)

 

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