Xenakis: Jonchaies. La forêt des cordes, dans un tissage qui sonne pentatonique (avec les grondements d'orage des timbales au loin) (pas grand chose pour se raccrocher aux branches; heureusement, quelques violons plantent des clous avec des pizz pour baliser la jungle); le retour des battements (une séquence à côté de laquelle le Sacre est une aimable bluette); les six percussions à l'unisson, con tutta forza; les trombones hurleurs; les cordes qui tricotent, sous couvert de catastrophes écologiques; la fin saturée d'harmoniques avec deux piccolos en extinction (ouf), en duo dans le suraigü.
Deuxième écoute en concert, et c'est toujours un choc.. Mieux compris ce qui me fascine dans cette musique - il y a bien sûr la force tellurique et dyonisiaque qui engendre la transe; il y a bien sûr aussi la séduction sonore, avec par exemple le traitement des cordes divisées jusqu'à ne plus pouvoir; il y a aussi la dimension stochastique (qui est une excellente idée musicale); il ya enfin "la beauté lavée de la saleté affective, dépourvue de la barbarie sentimentale". Mais aussi et avant tout, c'est une musique d'une grande clarté... un peu comme chez Haydn ou Messiaen (et à la différence des Varèse entendus la semaine passée), l'écriture peut être sophistiquée, saturée d'illusions sonores et de chausse-trappes, mais l'intention d'ensemble est simple et tout de suite perceptible; ça se décale, ça miaule, ça bat, c'est moins dense, c'est plus dense. On comprend tout de suite où on est et où on va. Ce n'est pas si fréquent.
Avant, il y a eu Aïs. La très spectaculaire partie solo de percussions. Les cordes, massées derrière, protégées par une haie de plexiglas, comme si la police anti-émeutes était là. Les bêlements du baryton-bouc (et ses échos à l'orchestre). Les éclats de textes sur la mort tirés de l'Iliade, et de Sapho (rigoureusement impossible de s'y repérer). Les camaïeux de cuivres sur une note. La fin: le mouvement figé dans son élan.
Après, il y a eu l'Oiseau de feu de Stravinsky, dans la version 1945. Un peu dégraissé, le volatile. Et j'aime bien dans cette version (pourtant longue) le choc de la danse infernale de Katchneï (amené sans transition). Première fois aussi que je remarque que dans la phrase des contrebasses, dans l'Introduction, deux instrumentistes jouent en pizz, et ça change tout (ça avance, tout simplement).