Que des femmes, Toutes ses femmes a-t-on envie d'écrire. Voilà un opéra où Barbe-bleue chante trois notes et disparaît à la fin du premier acte après avoir été ficelé comme un poulet rôti, et où les femmes ont le premier rôle… les sept premiers rôles, au moins, parce qu’il y a aussi cette froussarde de Nourrice (d'aucuns murmurent que c’est un homme, Paunova dans l'enregistrement canonique ne fait rien pour lever l'équivoque). Si l’affiche est réussie, c'est qu'elle dévie de l’imagerie Maeterlink (dont je ne conteste pas les mérites), en mettant l'accent sur ces cinq (ou six, c'est comme les trois mousquetaires) femmes qu'Ariane libère - avec quelle énergie ! - et qui finissent, ces irrécupérables, par refuser leur liberté. Le barbu de l'histoire, Dukas qui tire les ficelles en coulisse, libère les couleurs, lui. Il organise son premier acte bien différemment de Bartok, avec un sens aigü de la trajectoire harmonique et chromatique qui nourrira son élève Messiaen. Le coeur de cet acte est une série de variations sur le thème d'Ariane, celui de la lumière. A chaque porte correspond une couleur et une tonalité. La sixième porte ouvre sur les diamants, la lumière blanche la plus riche, la plus aveuglante, dans la tonalité de fa# majeur (six dièze) pour le grand air d'Ariane. Vivement de pouvoir l'entendre à la Bastille (il faudrait quand même que j'aille voir s'il y aura des places avant de contribuer à faire se remplir la salle !).
Janacek/Dvorak à Saint-Eustache
Fringale de musique chorale - et surtout, à vrai dire, de programmes jamais entendus (pour changer des inusables 4ième de Brahms ou de Schumann); je me rends compte que je n'ai jamais entendu les grandes oeuvres chorales de Schönberg, Janacek, Messiaen ou Xenakis autrement qu'en disque..... Ce soir à Saint-Eustache, beau programme comportant les deux psaumes slavons de Pärt, Notre Père de Janacek et la Messe en ré opus 86 pour choeur et orgue de Dvorak.
La grande réussite de la soirée, c'était ce Notre Père de Janacek, pour choeur, orgue et harpe (la harpe qui apporte la pulsation). Une oeuvre contemporaine de Jenufa, en 5 parties, destinée, à sa création, à illustrer des tableaux vivants.... Le Janacek des petites cellules, dès le début. Deux tableaux très agités: Donne nous notre pain quotidien - une prière de paysans priant pour la récolte et Délivre nous du mal, avec un thème d'orgue annonçant la grande cadence de la Messe Glagolitique.
Franchement déçu par la messe de Dvorak. Déjà, ce n'est pas du côté du texte que l'auditeur aura des surprises.... Pour la musique, je trouve que c'est difficile de trouver un moyen terme entre l'option extrême dépouillement (qui est celle des messes de Bruckner ou de cette éclatante réussite qu'est la messe de Stravinsky) et l'option éclatons-nous en oubliant le texte (qui est celle de la Messe Glagolitique ou des grandes messes de Haydn). Dvorak essaie bien de faire le malin tout en restant simple, le résultat est aussi peu convaincant que les icônes orthodoxes les plus récentes. Je suis resté perplexe devant ces modulations compliquées dans le Kyrie, ces torrents d'eau tiède dans le Credo, et n'ai été touché que par le Benedictus planant et les derniers accords, très simples, du Dona Nobis Pacem.