jeudi 2 novembre 2006
Toi aussi massacre sans scrupule le grand répertoire
Petite séance de déchiffrage, hier, S. au piano, moi au violon. Un petit peu de musique de chambre, c'est toujours moins dangereux que de l'orchestre où l'on risque ses tympans devant des piccolos en furie. Comme nous ne doutons de rien, nous n'avons massacré que des chefs d'oeuvre:
mardi 31 octobre 2006
Cosi à Garnier: des expériences existentielles en rafale
Il y avait eu quelques papiers élogieux dans la blogosphère (dont on ne soulignera jamais assez les ravages sur des esprits faibles comme le mien). Il y avait la perspective irrrrésistible d'aller Enfin, prêt à tout, entendons-nous: j'étais à 19h15 dans la queue pour prendre une place de dernière minute, à 7 euros. Une véritable expérience existentielle, cette queue: l'occasion de vérifier l'existence de bourgeoises suffisamment impudentes (ou fort opportunément sourdes aux cris d'oiseaux venant justement sanctionner leur comportement) pour ignorer ce qu'est qu'une queue, quelles sont ses lois (et oui chère madame, on se met en fin de queue et on attend que la queue avance, on ne pousse pas un petit cri de perruche en disant: ah mais moi c'est pour ce soir et ça commence dans 10 minutes). Enfin bref, j'ai eu ma place à 7 euros en troisièmes loges de côté, mais au prix d'un bouillonnement intérieur qui ne s'est résorbé que longtemps après le début du spectacle, au moment où l'expérience existentielle de Cosi démarre vraiment, quand les deux jeunes hommes reviennent déguisés en pyjama. Plus précisément, quand les deux jeunes hommes en pyjama, très émus, déclarent des choses tendres aux deux jeunes femmes, en sachant que c'est du flan puisqu'ils jouent à ce qu'ils ne sont pas, mais c'est un récitatif en sol mineur, avec des plaintes des violons à fendre le coeur, et c'est la réponse héroïque de l'une des deux jemmes femmes (sans doute celle qui résiste), en un si bémol majeur martial, qui semble convenue et trop brillante pour être honnête (alors qu'elle est censée être spontanée). C'est à ce moment qu'on se dit, ça y est, nous sommes vraiment au théâtre, nous les spectateurs comme eux les chanteurs; les lumières ont suffisamment baissé; ça va être un jeu existentiel, sérieux, ludique, cruel, et on va y laisser, ils vont y laisser (juste) quelques plumes. Quelques notes pour se souvenir tant que c'est frais (je rajouterai plus tard de la musique pour maintenir la flamme allumée): Ne me demandez rien sur la mise en scène de Chéreau, je n'ai vu que le quart extrême gauche de la scène (où on voit passer souvent du monde). Même sans rien voir, c'était enthousiasmant.
contempler écouter les progrès de l'organe étonnant du jeune-chanteur-français-qui-monte. Et surtout - goutte d'eau qui a fait déborder le vase - MaCopineN avait réussi à avoir des places in extremis pour Cosi vendredi soir. Bref: j'étais chaud-bouillant-remonté-comme-une-pendule-prêt-à-tout pour aller voir ce soir Cosi à Garnier.
mardi 24 octobre 2006
Mozart Mahler Barenboim au Châtelet
C'était lundi soir.
Mozart: 23ième concerto pour piano
Celui avec le mouvement-lent-en-fa#-mineur-pour-créatures-sensibles (qui en fait n'est pas si mal, surtout dès que l'orchestre rentre. Il y a un ré bécarre qui fait un effet boeuf - une sixte napolitaine qu'on appelle ça - juste avant les hoquets de la fin aux cordes -qui rappellent que c'est une danse, une sicilienne (non ?) et pas juste un machin-mièvre-pour-créatures-sensibles). Je ne me souvenais plus du premier mouvement, une des choses les plus apolliniennes qu'ait écrites Mozart, avec exceptionnellement peu de chromatismes languides, une sorte de dialogue idéal entre le piano, les bois et les cordes. Je n'ai pas été très emballé par le finale hier soir, trop agité du bocal et très instable rythmiquement (et avec quelques blagues malvenues, aussi).
Mahler: VIIième symphonie
Celle où un clapotis de rame suscite une musique ambitieuse, classique, diluvienne, équilibrée, démesurée, criarde, torrentielle, cassante, grouillante, ricanante, éclatée, minaudante, incandescente, hyperconstruite, dansante, bruitiste, soldatesque, histrionnique, chaotique, galactique, stridente, disjonctée, hypercalorique, catastrophique, boursouflée, décadente, grattouillante, sifflante, caressante, stéréophonique, hypermnésique, respectueuse de la grande tradition allemande, incantatoire, linéaire, obsessionnelle, torpide, flamboyante, catatonique, hénaurme, moderne, percussive, néo-classique, plébéienne, cubiste, cryptique, dissonnante, pastorale, urbaine, humoristique, infernale, hurlante, joueuse, chuchotante, clapotante, tintinnabulante, beuglante, sarcastique, rutilante, éteinte, digressive, insubmersible, dépressive...indescriptible peut-être ?
Deux-trois fils d'Ariane. On perçoit souvent le cafardeux fa#-ré-sol# liminaire dans le 1er mouvement, à la réexposition par exemple, avec une contrebasse solo affolée dans l'aigu; mais aussi à la fin du 3ième mouvement, si je ne m'abuse. Dans l'exposé de ce thème, Barenboim met bien en relief les notes répétées aux cordes sous le tenorhorn (auxquelles feront écho, peut-être, les notes répétées du mouvement à mandoline). Il prend le 3ième mouvement, Schattenhaft, très vite et fait du chaos une danse frénétique. Dans le deuxième nocturne (la sérénade pastorale en fa majeur à cordes grattées déjà citée), je guette le retour de la cantilène, le débonnaire fa-fa-mi-ré-do aux cordes. Le finale, une semaine grasse cubiste, avec ses tonalités qui se télescopent (do qui coupe la parole à mi), ses quartes, son humour grimaçant, se conclut avec le retour du thème du premier mouvement, dans un contrepoint acide, sans concession. Cette symphonie est et reste l'une de mes trois préférées chez Mahler (avec VI et IX).
Un mot de Barenboim: sa gestique est magnifique à regarder. Notamment quand il fait tomber le son (avec le bras gauche). Il occupe tout le terrain, debout ou assis. Le résultat vaut le déplacement.
Moscou (4): Arbres
Pour une ville réputée sans arbres, ce n'est pas si mal. Déjà à Cheremetyevo, on atterrit après avoir survolé une immense forêt. Ce qui m'a surtout frappé Place Rouge quand je l'ai vue pour la première fois entre chien et loup, vide, ce sont ces sapins qui sont devant la muraille du Kremlin (il n'y manque que les loups). La rue Tverskaia a été amputée de ses arbres, c'est vrai, mais il suffit d'aller dans les rues adjacentes et de rentrer dans les cours pour voir des bouleaux et respirer l'odeur de l'automne.
lundi 23 octobre 2006
Moscou (6 et fin): tant pis pour Babi Yar
undi, je crevais d'envie d'aller écouter la 13ième de Chostakovitch dans la grande salle du Conservatoire Tchaikovski - mais ces concerts qui commencent à 19h sont rigoureusement incompatibles avec la vie professionnelle moderne..... A la place j'ai dû traverser le quartier le plus monstrueux de la capitale - Novy Arbat et au-delà - pour aller dans une "boîte branchée" pour une fête corporate. A l'entrée on m'a donné un masque argenté du plus bel effet derrière lequel j'ai eu la chance de voir des call-girls en string triées sur le volet se déhancher sur un plateau tournant pour des nouveaux riches en train de carburer à la vodka. En fait je crois bien avoir eu ce soir-là ma soirée la plus typique du Moscou du boom gazier.
dimanche 22 octobre 2006
Moscou (3): églises
- Il y en a partout à Moscou, des petites, des grandes, avec des kokotchniki et des bulbes, parfois dans l'ombre d'un HLM, en face d'un casino, dans la cour d'un concessionnaire de voitures, mais aussi à la place d'honneur, Place rouge ou dans le Kremlin.....
- Pour le plaisir, une liste de noms (recopiés du guide vert, je n'ai pas visité toutes ces églises...) :Monastère du Saint Sauveur derrière les Images, Eglise de la Trinité sur les Boues (à côté de l'Etang Propre (sic)), Eglise de la Transfiguration du Sauveur sur les Sables, Eglise de la Déposition de la Robe (au Kremlin), Eglise de l'Intercession de la Vierge de Fili, Eglise de la Résurrection des Tonneliers, Eglise de la Nativité de la Vierge de Poutinki (photo ci-dessus, tout près de la place Pouchkine, en face du monstrueux casino Macao), et mon nom favori, l'Eglise du Monastère de la Rencontre de l'Image de Vladimir. Pour peu on se croirait dans Dialogues des Carmélites avec son catalogue automne-hiver des noms de soeur à rallonge....
- Ma théorie des églises orthodoxes plus hautes que larges, toutes aspirées vers le ciel, a pris un sérieux coup; j'ai vu à Moscou des églises plus plates que des stations de métro, des vraies caves....Mais il y a tout de même beaucoup d'églises missiles (comme la plus ancienne des églises du Monastère Saint Pierre d'en Haut, photo ci-dessus), églises-téléscopes pour scruter le ciel. A Saint-Basile le Bienheureux (ci-dessous), quel choc devant la hauteur de la tour centrale, une tour à base carrée qui devient octogone. Dans une des tours, au sommet, une spirale, dans une autre, une figure du Christ....
- Les iconostases: plusieurs rangs d'icônes, bombées, coulissant sur des rails. Au dessus de la porte royale, la diésis: les apôtres marchant vers le Christ. Au-dessus, les fêtes du calendrier. En haut, les prophètes.
- la croix orthodoxe: une croix de Lorraine à cédille; le barreau du haut est l'inscription sur la croix, celui du bas, en biais, pour soutenir les pieds du Christ.
- Pour aller plus loin on peut aller ici et ici. L'auteur de ce blog a un excellent carnet russe, avec notamment un témoignage de première main sur la Gay Pride de cette année à Moscou, un papier très amusant sur les sculptures de lunettes dans les cimetières de l'époque soviétique et des photos magnifiques de Saint-Petersbourg.
Moscou (2): café et chocolat
Pas ou peu de cafés Internet à Moscou, mais de nombreux cafés de l'enseigne ci-dessous (je n'arrive pas à trouver les bons caractères, ça m'énerve !). Nous regardons la carte et Genia m'explique la différence entre le "chocolat français chaud" et le "chocolat chaud". Le chocolat français ressemble à du cacao (et à ce qu'on boit en France) alors que le le chocolat chaud est du vrai chocolat fondu, au goût très fort, pas si éloigné de l'Africain d'Angelina..... Pas des fiottes ces Russes.
samedi 21 octobre 2006
Moscou (1): les charmes de la translittération
La translittération réduit les noms à la cuisson. C'est net pour les musiciens: Шопен perd une 1 lettre et Ceн-Сaнc en perd 3 (ce n'est que justice pour ce dernier car c'est vraiment un très mauvais musicien). Côté peinture, à la galerie Pouchkine, je ne me lasse pas de lire sur les panneaux Гоген (-2 lettres), et je m'efforce de distinguer Моне de Mане (-1 lettre chacun). Je tombe en arrêt devant le triptyque marocain de Матисс (-1 lettre): la porte de Casbah, la vue de Tanger et au milieu un autre mini-triptyque dans le tableau, Zora, des poissons rouges et ses babouches qui ressemblent à des pieds coupés.
Retour de Moscou
Coucou me revoilou, j'étais à Moscou. Comme j'ai bien du mal à aller plus loin que ces fortes paroles ce matin, voici quelques photos de la partie touristique de mon voyage à Moscou (limitée essentiellement au week-end dernier)
dimanche 8 octobre 2006
Dans Paris, de Christophe Honoré
Pour un film de Christophe Honoré, ce n'est pas si mal. 17 fois Cécile Cassard m'avait bien emmerdifié et j'ai un souvenir déplaisant de l'attitude de Honoré à un festival LGBT. Il posait à la victime en présentant Tout contre Léo, un téléfilm (plutôt bon) qui avait été déprogrammé par M6 mais expliquait qu'il ne ferait pas le moindre effort pour le faire distribuer en dehors du festival en question, disant que c'était de toutes façons une oeuvre mineure et indigne de ses exigences. Après une introduction surjouée par Louis Garrel et une séquence tourangelle pas sereine (les joutes amoureuses de Duris et sa chère et pas tendre), le film se fait léger et sait déjouer les attentes. Et finit en beauté sur l'histoire d'un lapin ami d'un loup qui acceptera de sortir de son terrier. (Que ces jeunes gens soient mignons, je veux bien, mais ça ne les empêche pas d'avoir une diction é-pou-van-table: il faut ar-ti-cu-ler.)