vendredi 17 mars 2006
Médicis xx xx
Ce soir, dîner des gay anciens de ***. Course d'obstacles entre le métro Odéon et la rue de Lanneau où nous avions rendez-vous: beaucoup de grand-guignol boulevard Saint-Michel (plus de photographes que de manifestants, prêts à immortaliser la guéguerre des CRS et des lycéens), la rue Saint-Jacques totalement barrée. Au dîner, à la fois le plaisir de la découverte de petits nouveaux (en face de moi: un couple de petites lesbiennes toutes mimi) et des retrouvailles: à ma droite, J*** que je n'ai pas vu depuis bien 6-7 ans, son humour catastrophiste et son air savamment ahuri. Il est sidéré de voir que je me souviens encore de son numéro de fixe : 01 46 33 xx xx. Il m'apprend que son numéro se disait, il n'y a pas si longtemps, Médicis xx xx ; que le 633 correspond au central Médicis (MED en suivant les lettres des anciens cadrans téléphoniques). Je me surprends à me demander à quoi correspond 282 dans mon propre numéro (PIG pour Pigalle, BLA pour Blanche, MON pour Montmartre ??? marche pas); mais peut-être que mon numéro date d'après ce système de numérotation....
mardi 14 mars 2006
la pause déjeuner d'un jeune oisif (enfin, presque)
Considérant que le temps était à point (pas trop froid et très beau), j'ai successivement :
lundi 13 mars 2006
L'Amour de loin, de Saariaho au Châtelet
En premier lieu attiré par le sujet de l'opéra, inspiré des poèmes de Jaufré Rudel, seigneur de Blaye et l'un des grands troubadours de son époque, le chantre de l'amour de loin. La légende affirme qu'il est tombé amoureux à distance, après une vie aventureuse, d'une dame de Tripoli, pour qui il a écrit des chants d'amour et qu'il n'a rencontrée que mourant, au terme d'une grande traversée de la Méditerranée en bateau ("avec la voile et la rame à la recherche de sa mort" écrit Pétrarque). D'après ce que j'en ai lu, Jaufré Rudel est un poète moins hermétique que Raimbert d'Orange, le poète de la fleur inverse du livre de Roubaud ; si je parle de Roubaud, ce n'est pas que par hystérie de fan-de-JR, c'est aussi parce que Saariaho lui a emprunté le titre de son concerto pour violon (Graal Théâtre) - et lui a fait dire les vers de Jaufré Rudel en provençal dans la bande électronique de Lonh, une oeuvre écrite pour Dawn Upshaw et manifestement une des matrices de l'Amour de loin. Donc, sur le papier, un projet très excitant : l'Orient/ l'Occident, le texte/ la musique qui transforme la vie, l'amour/la mort/la mer, mais qui a été affadi par le livret, la musique et la vidéo... Le livret de Maalouf a quelques qualités - il est notamment centré efficacement sur trois personnages (Rudel, sa dame et le Pélerin : le go-between, l'entremetteur, de loin le personnage le plus intéressant de l'opéra, magnifiquement incarné, samedi, par Marie-Ange Todorovitch). Mais, le texte, pas ésotérique pour un sou, a tendance à trivialiser son sujet : un abus de certaines figures rhétoriques, comme des croisements sur le mode: les hommes affichaient la terreur et les femmes l'envie, à moins que ce ne soit l'inverse; une tendance au bavardage qui parfois prête à sourire (comme cette scène où Clémence explique qu'elle n'a pas encore commencé à souffrir.....). La vidéo de Barrière était au mieux inutile, au pire nuisible, dans la mesure où elle dispersait inutilement l'attention du spectateur. Très illustrative (les visages des chanteurs pixellisés....), elle souffrait largement de la comparaison avec le Tristan de Viola.... Quant à la musique de Saariaho, elle ne m'a pas semblé passionnante. Elle use et abuse d'effets faciles comme les nappes de sons (qui ne s'interrompent même pas au moment de la mort de Rudel) ou les appels de vents. L'usage de l'électronique est anecdotique et très peu audible. La prosodie française n'est pas très heureuse (les syllabes muettes sont mangées) et la vocalité un peu planplan si on excepte quelques envolées de Clémence (reste à imaginer ce que Dawn Upshaw a pu en faire....). Je retiens quelques moments, peut-être faciles mais qui restent en mémoire : la chanson strophique de l'amour de loin, le début marin du IVième acte (sol-ré-la-do-fa, si je me souviens bien....), l'extrême fin - l'amour de loin sublimé dans l'amour de Dieu - avec le contraste entre les cordes suraigües, métalliques, et l'extrême grave. On sort de là avec l'envie d'écouter quelque chose de plus consistant - du Szymanovski, du Messiaen.... Et puis, aussi, en codacarambar :
jeudi 9 mars 2006
le 2ième mouvement de la 93ième symphonie de Haydn
Retour au 2ième mouvement de la 93ième symphonie de Haydn, qui décidément rentre très bien dans le CadreEtroitDeMaTrèsStricteLigneEditoriale. (soyons clairs: ce qui suit va être long et encore plus abscons que cette sentence liminaire).
Quelle musique drôle, concise et variée ! Comme on y respire bien ! Quelle invention dans la forme - à la fois maîtrisée et énigmatique ! Vignal y voit une forme sui generis, qui tient du rondo et de la variation ; il note que le thème revient à 5 moments dans le mouvement, à chaque fois à la tonique (sol majeur), le plus souvent par blocs de 4 mesures, les deux premières, non variées, restant à la tonique (sol majeur) , les deux dernières menant à la dominante (ré). Tout cela est vrai, mais je trouve que c'est un peu court; on ne comprend pas vraiment l'architecture d'ensemble (qui est à la fois cohérente et variée), le pourquoi du prout (ce qui est très très embêtant), ce qu'il y a dans les parties intermédiaires....
J'aurais bien aimé rééditer le coup de force tenté avec le finale du KV428, y voir une forme sonate, pour changer. Ce n'est pas complètement convaincant (il manque le voyage tonique- dominante et sa résolution) mais je me lance à l'eau (je sais, ça fait topoguide, mais j'ai fait le travail et il ne faut pas gâcher). Je vois trois parties dans le mouvement (les numéros de mesures renvoient à la partition)
I- Un thème ironique, tout simple, qui a du mal à décoller du sol (4 modules, mesures 1 à 29, jusqu'à 1'54"):
- mesures 1 à 8: 4+4; deux voyages de sol à ré, l'un via do, l'autre via si mineur. Le tout exposé très simplement au quatuor à cordes. Une musique déjà un peu ironique, empesée avec ses rythmes pointés, pleine de silences.
- mesures 9 à 16: 4+4; strictement la même chose, mais en orchestre, avec l'ensemble des cordes, pianissimo, et un basson un peu narquois.
- mesures 17 à 22: 4+2; ça ressemble à un coup de gueule haendelien en sol mineur, forte subito, avec timbales - le grand jeu, quoi- , mais c'est bien un dérivé du thème : même rythmique perruquée, mêmes intervalles, même matériau, une petite fixation sur les trilles pour finir.
- mesures 23 à 29 : 4+3; retour du thème proche de l'original, mais avec une nouvelle variante qui permet d'aboutir en sol (la bonne idée !) et de clôre ce qui sinon serait sans fin. Avec un petit appendice de 3 mesures qui sera promis à un brillant avenir (27-29), des sauts d'intervalle importants qui dilatent - un peu - le temps. Des triolets (nouveauté !) introduisent autre chose:
II- On va à l'opéra (on dirait un développement, jeunes gens) (mesures 30 à 60; à 1'54")
- mesures 30 à 43 : des bouffées de chaleur, des triolets, un hautbois qui chante éperdument et se fait relayer par ses petits camarades. Une installation qu'on pourrait croire définitive en ré (en passant par si, comme la deuxième modalité du thème), que Haydn désamorce subrepticement. Les triolets prolifèrent, avec des petites notes que l'on retrouvera.
- mesures 44 à 51 (4+4) : retour du thème dans sa première moûture (4 mesures), mais infecté par les triolets. Puis 4 mesures modulantes, toujours sur le thème, allant vers si bémol.
- mesures 52 à 60 (8) : retour de la cavatine avec le hautbois en mineur; triomphe des triolets et des petites notes, on va vers ré.....
III- On liquide tout (ça sent la réexposition, non ? en 2 époques, mesures 61 à 88) (à 3'39")
- mesures 61 à 70 (4+6): Retour définitif à sol majeur. Le thème est exactement comme de 23 à 30, mais infecté par les triolets (salauds de triolets !) et avec un appendice qui double de taille (avec le hautbois opératique qui s'invite au-dessus des sauts d'octave). Mais le meilleur est encore à venir.
- mesures 71-73: dernière apparition du thème, dans sa deuxième modalité, mais contractée (ce sont les mesures 5-6 et 8 qui sont fusionnées, Haydn évacue la complication savoureuse du passage central en si mineur (un peu comme à la fin des variations du KV 464). C'est fortissimo (pas comme au début) et inondé de triolets.
- Mais manque de bol ! ce tortillon conduit à ré ! et pas à sol ....On va se perdre sur cette descente, qui est disséquée et ralentie, jusqu'à arriver à ce dialogue d'une extrême délicatesse entre violons et flûtes, au bord du rien (ces silences sont constitutifs du thème initial)...
- ....quand le basson (mesure 80) redonne de l'élan et du carburant avec son
proutdo grave, qui permet de conclure, avec force trilles et éclats de rires. Retour au pianissimo et à l'atmosphère chambriste du début.
Je mets ce beau mouvement à la fois dans la radioblog canal historique (en compagnie du ©prout du Chant de la terre), et, promo !, dans la radio-Haydn avec le 1er mouvement (qui déménage aussi).
mercredi 8 mars 2006
Les Goldberg d'Alard aux Billettes (et quelques codas, avec plus de margarita que de venenum)
Je plaide coupable : j'ai eu hier soir un mal fou à rentrer dans cette musique, que j'ai structurellement tendance à trouver compacte et difficile d'accès comme une forêt tropicale. Difficulté d'accomodation avec un clavecin au son ténu, dans un temple mal isolé de la rue ? Présence inopportune d'une bouche de chauffage en furie qui m'a vite incité à la somnolence ? Tempi très lents de Benjamin Alard ? Je n'ai commencé à me concentrer qu'au cours de la deuxième partie, avec les dernières variations, les plus lumineuses. Il m'a semblé que les variations lentes et l'aria (souci du détail appuyé par la gestique corporelle) étaient plus intéressantes que certaines variations rapides, plus compactes (véritable brumisation de notes dans la 29ième variation). Beaux bis, public enthousiaste et nombreux dans les galeries massives du temple des Billettes. Et puis, plus tard : Et, en after d'after, les sublimes clapotis de la 5ième variation de l'avant-dernier mouvement de la sérénade Gran Partita, dans un véhicule amphibie à l'arrêt, place Blanche. Dans une bulle de musique, quel bonheur de faire la nique aux rabatteurs de baraputes, mes si chers voisins
dimanche 5 mars 2006
La Trahison, de Philippe Faucon
- La Trahison: Celle de ce harki, au début du film, passé aux fellagha et revenu dans le camp des Français ? Ou celle de ces FSNA appelés du contingent (français de souche nord-africaine)? Ou celle du lieutenant (Vincent Martinez) qui les abandonne à la police militaire ? C'est une des beautés et une des forces du film que de laisser le spectateur dans le doute sur cette trahison. Celui-ci comprend vite que Taïeb et ses camarades sont pris dans une situation intenable, qu'ils passent pour des traîtres aux yeux de la population locale, et que le doute s'insinue aussi dans les rangs de leurs frères d'armes. Mais le spectateur ne les voit pas pour autant passer à l'acte; ceux-ci se demandent ce que vaut la parole de la France, ce que vaut la parole du lieutenant.... - Des beaux portraits à la Sander: une véritable typologie de cette population locale qui résiste en silence. Beaucoup de gens que l'on voit d'abord vivants, puis morts. Et puis aussi un jeune homme apeuré, à la chechia rouge. Et un homme au turban jaune; camouflé en tenue militaire, un sac sur la tête, il identifie et dénonce un suspect; on le retrouve quelques plans plus tard, lardé de coups de couteaux, expirant en criant: "ce n'était pas moi". - Les scènes d'actions sont complètement dédramatisées; on ne voit ni la torture ni l'exécution finale. C'est un des meilleurs films à ce jour, sec, subtil et équilibré, du doux Philippe Faucon (Muriel fait le désespoir de ses parents, Samia)
jeudi 2 mars 2006
Un concert improbable à Garachico
A Garachico, mardi 20 février, un concert inattendu qui m'a plongé dans la joie. C'était le Joven Orquesta Sinfonica de Tenerife qui jouait:
mercredi 1 mars 2006
Deux ou trois choses que je sais maintenant de Ténérife
J'arrête là, je frôle le vulgaire (mais je réclame l'indulgence des amateurs; ce n'était pas le voyage de noces de perdreaux de l'année....)
lundi 13 février 2006
Götterdämmerung, au Châtelet
- Vivent les opéras le dimanche après-midi, j'étais frais comme un gardon et je n'ai pas perdu une miette de ces 6h30 de Crépuscule des Dieux, le meilleur de la Tétralogie, un vrai torrent de musique (même si nous étions hypermalplacés : très en haut tout à gauche, avec une vue plongeante sur l'orchestre : quel spectacle....)
- Avec le Prologue et le 1er acte, on est d'emblée dans une telle splendeur musicale, dans une telle forêt de leitmotive - parfois trois ou quatre à la fois, avec des variations d'humeurs très rapides - qu'elle décourage le compte-rendu. Visuellement, choc plastique avec les Nornes (aux mains en formes de ramure et liées par un voile commun) et très beau début du 1er acte à la cour des Gibichungen (Hagen, lance rouge, mains rouges). La première apparition sonore de Siegfried à la cour des Burgondes: du thème de cor dérive une série de groupes de deux quintes descendantes qui s'enchaînent et se développent.
- Si Siegfried est un opéra à interrogatoires, le Crépuscule est un opéra à serments (d'ivrognes) et unissons dissonants: un Siegfried (sous influence)/ Günther, un Siegfried/ Brünnhilde qui tourne au vinaigre (avec triolets modèle symphonie Italienne pour faire gagner Brünnhilde), un triple et vénéneux Brünnhilde/ Hagen / Günther (où un seul sur trois - le méchant- est lucide).
- Au deuxième acte, mon moment préféré est la scène Alberich Hagen (un Kurt Rydl splendide bien que patraque)- la rencontre au sommet de deux animaux antédiluviens pour reprendre le mot de Wagner. Hagen, un roc de haine, immobile, comme sous hypnose....(Sei treu...) Instabilité de la rythmique des cordes, qui chaloupent en syncopes, avec en arrière plan les cuivres dans le grave. Plus tard dans l'acte, le choeur d'hommes, splendide, avec Hagen qui tire les ficelles. J'ai encore dans l'oreille ce do bécarre, trémolo, sauvage, insistant, des cordes, qui frotte sans concession avec un réb dissonant: la mort.
- Le troisième acte démarre sous le signe du gibier d'eau, avec les filles du Rhin en oiseaux de malheur. C'est une scène curieuse, qui était très gracieuse chez Wilson hier : légère et fantasque, elle contraste avec ce qui va suivre, l'artillerie lourde de la tragédie. J'étais heureux aussi de redécouvrir la scène suivante : le récit de Siegfried, qui ne retrouve le souvenir de ce que chantait l'Oiseau qu'à l'aide du contre-philtre de Hagen- et retrouve ainsi le fil perdu du troisième acte de la Journée précédente, Siegfried. (Shorter du Crépuscule des Dieux: c'est le drame d'un héros qui perd la mémoire et ne reconnaît plus ce que chante l'Oiseau). Je me souvenais bien de la dernière demi-heure (le sommet final des adieux de Brünnhilde); en revanche, j'ai dû vérifier que le cycle finissait en réb (et pas en mib comme le prélude de l'or du Rhin : pourquoi pourquoi pourquoi ?).
Vivement le prochain Ring (dans 11 ans ?) : je me fixe comme objectif d'être alors un aussi bon interprète des intentions de Wagner que Siegfried avec l'Oiseau....(comment comment comment ?avaler un philtre ? des pages de leitmotive ? des graines ? )