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zvezdoliki
26 août 2004

Eros Thérapie de Danièle Dubroux

J'ai adoré Eros Thérapie, le dernier film de Danièle Dubroux. J'irai le revoir, rien que pour le fun. Au delà du côté sous-sol du BHV, c'est un film tonique 1) qui croit aux pouvoirs du cinéma 2) qui fait croire qu'on peut changer la vie 3) qui fait croire que la mise en scène peut changer la vie. C'est aussi une comédie très alerte, beaucoup plus brillante que le journal du séducteur ou l'examen de minuit, j'aimerais qu'on m'explique où il y avait des temps morts. C'est en tous cas très précisément le type d'humour que j'aime.

Les deux plus beaux personnages sont les deux femmes, l'incroyablement-comique Catherine Frot ("finalement ce sera non !" dit-elle face à l'avalanche de poils) et l'incroyablement-émouvante Isabelle Carré, à qui il arrive des trucs dingues, dingues, dingues. Melvil P est évidemment craquant mais n'a pas exactement le beau rôle (il n'aime pas les critiques de cinéma, surtout ceux d'Avant Première); il est très crédible en cadavre exquis. Dans les personnages secondaires, tous géniaux (même la femme du garagiste, hein, c'est vrai, la femme du garagiste.....), il y en a deux qui valent le détour, le regretté Jacques François (le papa de Frot) pour sa réaction au come-out de sa fille, et la trop rare Emmanuelle Riva (la maman de Carré) qui se prend pour Lilian Gish avec son fusil à pompe

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21 mai 2004

La vie est un miracle, d'Emir Kusturica

Personne n’est plus insensible que les gens sentimentaux. Souvenez-vous: «Sécheresse du cœur dissimulée derrière un style débordant de sentiments»

(Kundera, les Testaments trahis, qui cite Stravinski)

La vie est un miracle est, comme Underground, un film dégueulasse. Et réalisé par quelqu'un de doué, c'est ça le problème. Quand je vois les hurlements de plaisir de la salle où je l'ai vu et le succès critique du film, je suis inquiet et énervé.

Rappel des épisodes précédents: Underground était ce film où, pour ne reprendre qu'un seul exemple, on voyait les mêmes images d'archives, avec la musique de Lili Marleen, montées à deux moments différents, une fois au sujet de 1941, l'autre au sujet de 1991 (date du déclenchement de la guerre et des déclarations d'indépendance slovène et croates), avec le même carton: "les Allemands envahissent la Yougoslavie". Kusturica reprenait là à son compte l'instrumentalisation de l'Histoire par la propagande de Belgrade dans sa pire imbécillité, sur le mode: c'est l'Allemagne qui a voulu faire main basse sur ses anciens satellites, la Croatie et la Slovénie....

Dans son dernier film, Kusturica est à la fois plus insidieux et plus consensuel. Il centre son film sur une romance entre un Serbe et une Musulmane, a priori inattaquable. Le seul ennui, c'est que, comme par hasard, ce sont les sympathiques Serbes de Bosnie qui protègent cette romance, qui est cassée net par des méchants snipers Musulmans qui tirent sur la jeune femme Musulmane, juste avant qu'elle ne tente de franchir la Drina (Là on touche le fond: la seule représentation des snipers dans le film, c'est pour montrer des soudards ivres qui déclarent, entre deux gorgées de bière, que jamais les Serbes n'arriveront à prendre Gorazde. Quand on souvient ce qui est arrivé à Gorazde et la ville voisine, une certaine Srebrenica, sans parler de Sarajevo, ce gigantesque terrain de chasse pour snipers serbes, on se dit que Kusturica ne manque pas d'air......). J'oubliais les autres responsables du gâchis, tel que le film les décrit, c'est bien sûr la Forpronu qui organise la séparation des communautés au travers d'un échange de prisonniers trop médiatisé (on s'en doute, ce sont bien la Forpronu et les Musulmans qui ont cassé l'idéal d'une Yougoslavie unitaire....l'épuration ethnique, le blocage de la Fédération au profit des seuls Serbes, avant le début de la guerre, Kusturica n'en n'a sans doute jamais entendu parler).

Même en dehors de l'histoire amoureuse (une moitié du film, pas davantage), le film feint de se cantonner à l'attitude apolitique et émotive de son héros tout en développant une représentation de la guerre en Bosnie qui est à vomir et qu'il n'est pas interdit d'expliciter. Les ingrédients de l'abrutissement du spectateur sont 1) le vitalisme (le surrégime permanent pour reprendre l'expression de JS, la célébration de la vie et du mouvement, dont je ne suis pas loin de penser qu'il s'agit d'une des caractéristiques du fascisme) et 2) la sentimentalité gluante (deux exemples: la scène finale, que je ne vais pas déflorer, ou encore: la scène où le père court après le ballon du fils; on s'émeut pour un ballon de foot ou pour un âne, mais on est incapable de comprendre quoi que ce soit).

Le héros n'hésite pas à détruire la télé quand il s'agit de CNN en train de couvrir le siège de Sarajevo ; en revanche, aucune réaction du même héros quand il voit à la télé Karadzic ....ou un spécialiste de Shakespeare (sans doute Nikola Koljevic, l'une des crapules à la tête de la Republika Sprska ?) qui déclare: "ce qu'on a fait aux Serbes dépasse ce que les Serbes ont fait". De façon symptomatique, le film évoque Shakespeare à deux autres reprises, dans la scène au bord de la Drina déjà mentionnée, où les soudards musulmans ironisent sur "Roméo et Juliette", mais aussi dans un morceau de bravoure, la scène du match de foot avant le début de la guerre, où les Serbes, paisibles sportifs, gagnent le match et leurs adversaires se vengent avec des matraques (Dans des interviews, Kusturica ne se cache d'ailleurs pas de ses intentions métaphoriques sur cette scène). Si faire référence à Shakespeare doit conduire à autant d'aveuglement, j'aime autant répudier toute idée de culture.

Pour être honnête, je dois reconnaître que le film évoque la préparation des Serbes à la guerre (l'officier qui sait d'avance que la guerre va être déclarée, la construction de la voie ferrée qui va relier l'Est de la Bosnie à la frontière serbe) et n'hésite pas à décrire les turpitudes de l'armée fédérale (trafics en tous genres, et surtout accointance avec les Allemands pour le plus pourri des militaires serbes....le crime suprême). Mais tout ça est décrit avec une complaisance de clan.... il s'agit de péchés véniels et on comprend bien qui sont les vrais ennemis: l'OTAN, la Forpronu, l'Allemagne, les Etats-Unis, et les médias occidentaux. Effectivement, M. Kusturica, on n'appartient pas au même monde...et on en est fier.

21 mars 2004

Triple agent, d'Eric Rohmer

Triple agent est un film magnifique, aux résonances multiples que je ne vais pas déflorer ici. Il m'a avant tout rempli d'une grande mélancolie. On y a, plus que dans tout autre film de Rohmer, l'image (renoirienne ?) de personnages qui s'agitent pour des motifs obscurs avant de disparaître. L'épilogue est à ce propos d'une sécheresse terrible.

C'est aussi le portrait bouleversant d'une femme, sensuelle, rieuse, aimante, fragile.

Il faudrait parler des couleurs, des oubliés de l'Histoire, d'un Barbebleue qui réussirait à convaincre sa femme, de la façon dont on prononçait fascisme avant les années 70. J'arrête là, je m'en voudrais d'être plus pédant que pédé.

14 février 2004

Buongiorno notte, de Marco Bellochio

Curieux sentiment de jubilation au sortir de ce film riche et vibrant qui évoque l'enlèvement d'Aldo Moro.

Disons que sans vouloir jouer les spoilers, le personnage central du film est une femme qui mène une double vie et qui finit par en sortir (là, je rentre en résonance, telle une cloche; dong, donc). Une histoire de conversion et de libération (même seulement par l'imaginaire): voilà pourquoi je jubile, sans doute. C'est quelqu'un dont l'imaginaire, un peu abstrait, est celui de la révolution russe et de la lutte antifasciste et qui finit par être sensible au personnage d'Aldo Moro, le prisonnier, l'homme abandonné qui écrit des lettres sensibles et ferventes et qui sait qu'il va mourir.

Il y a une très belle scène, très curieuse, filmée du fond d'un ascenseur qui s'arrête à tous les étages, où on voit des gens paniqués par ce qu'ils voient dans l'ascenseur (que le spectateur ne voit pas, lui; on imagine le pire, un cadavre ) et se ruer dans les escaliers. Le seul personnage à affronter de face ce qu'il y a dans l'ascenseur (je ne dirai pas ce que c'est), c'est ce garçon intuitif et courageux, qui a su voir l'héroïne et qui, sans rien savoir de sa deuxième vie, l'a comprise.

Voilà, j'ai l'impression d'avoir écrit des choses mièvres et humaniste cucul, je ne voudrais pas donner l'impression que le film l'est. Les chiennes de garde de l'extrême gauche n'ont pas aimé (trop psychologique, l'idéologie des BR inexistente), les cathos ne devraient pas aimer non plus (l'attitude de Ponce Pilate de Paul VI qui avait l'air autant en forme que JPII aujourd'hui, les funérailles à St Jean de Latran évoquant le Soviet Suprême dans les années 70), le public italien a adoré, à juste titre à mon sens.

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