samedi 7 janvier 2017
Bruckner 2
En ut mineur. Je lis sur wikipedia qu'on a failli l'appeler symphonie des pauses, ce qui n'est pas très discriminant chez Bruckner.
Belle surprise: les deux premiers mouvements sont de purs chefs d'oeuvre, du grand Bruckner: larges séquences qui travaillent des petits bouts de discours simple, comme chez Haydn. Dans le 1er, mon passage fétiche est un moment d'accumulation (au-dessus d'un un rythme dactyle imperturbable qui survit à la bataille: ici autour de 4' et de 14'30") - et la coda: enchevêtrement incroyable de mètres (on respire très large). Dans le 2ième, le moment qui me fait fondre arrive très vite, après 0'50", après le début très charnu aux cordes graves, des pizz arrivent (un tictac de quintes) et le discours s'aère, s'orientant vers une conclusion très calme et souriante en la bémol majeur.
dimanche 4 septembre 2016
Bruckner / Mozart à la Philharmonie
Programme ut mineur/ mib majeur: 24ième concerto de Mozart et 4ième symphonie de Bruckner.
Gros Gänsehaut sur
- la coda du 1er mouvement de Mozart (12'58''): le piano déploie des doubles-croches comme des essuie-glaces, qui effacent ce qui reste de combat thématique, aux hautbois et aux bassons, sous l'oeil détaché des flûtes qui planent. On ne bouge plus de do, la messe est dite. Le programme dit joliment que la coda laisse l'idée initiale s'éloigner dans un flou poétique, comme un problème résolu et reporté à plus tard. C'est exactement ça et c'est sublime.
- la coda du 2nd mouvement (8'01''): là, c'est le tictac du basson, relayé par le piano pour conclure, qui est sublime (mécanique du temps qui passe?). Le reste de l'orchestre est un souple et moëlleux matelas rythmique. Un genre de moment parfait, qui s'évapore vite.
- côté Bruckner: à H dans le 1er mouvement (7'54"): au début du développement, dans une atmosphère de détente, les mécaniques déviantes lancées par les appels du cor: ce n'est pas les bons instruments qui répondent, et ils répondent à côté.
mercredi 13 avril 2016
Messiaen Bruckner 8 par le LSO
Deux aérolithes catholiques:
Messiaen: Couleurs de la cité céleste. Piano + percussions à clavier + percusssions résonantes (cloches et gongs), cuivres et clarinettes. Court, clair, très impressionnant, et plus prenant qu'au disque. Les chorals de cuivres (très lents, succession d'harmonies froides). Trois coups très violents et très rapides. Figures de résonances. Hoquets. Fusées de chants d'oiseaux.
Bruckner 8: retrouvé un peu de tout cela mais aussi quelques moments: Le I. Le mi bémol majeur du développement (le "moment Fassbinder"): merveilleux de calme, c'est ce qui rend la récapitulation si impressionnante avec le retour d'ut mineur. La fin du mouvement est géniale d'amertume; la voisine de derrière décrète que c'est fini et commence à faire du bruit alors que les altos continuent à liquider le roulement de tambours, pianissimo. Le II: dans le moment central du scherzo, c'est la timbale qui est le fil rouge (le thème dépecé aux bois, les cordes s'affolant pianissimo). Etonnant trio, chaleureux solo des violons sur des pizz de parade de chevaux. Ce sont les harpes qui concluent (dans une de leurs rares interventions, particulièrement marquante). Dans le III: l'intervention des harpes et le tournoiement harmonique qui s'ensuit: UN REVE (mon royaume pour ces trois mesures). Le B= thème de violoncelles. Le moment où deux musiciens se lèvent (cymbales + triangle): deux interventions (je n'en vois qu'une dans la partition de 1892, mais Rattle a joué Haas 1939), un sommet puis une cadence rompue (catastrophe). La fin de ce mouvement, après la rupture - chaloupes et ré bémol majeur - est magnifique. Le IV: le début est tellement fort qu'il a tendance à tuer le reste; la coda est sans doute là pour rééquilibrer le mouvement en intensité (ça ne la rend pas aimable pour autant).
vendredi 4 mars 2016
Widmann/ Bruckner 9
Widmann: Flûte en suite. (comme paté en croûte, ou boeuf en daube?) 8 mouvements, comme une suite de Bach, mais on a du mal à reconnaître les rythmes de danse. La Sarabande ressemble à un ground (avec une basse qui baisse puis finalement remonte, à la fin). L'Allemande initiale utilise la flûte solo et 4 flûtes, à partir du do grave. Le Choral 2 (avec les cuivres à fond) est plus reconnaissable que le Choral 1 (avec ses nappes de son). Les mouvements les plus spectaculaires sont la Courante (très rapide, mi pastiche de musique contemporaine, mi pastiche baroque), que j'ai préférée à la Badinerie (Bach, aber auch der Feuervogel und Tristan waren dabei).
Bruckner 9: ah, le bonheur océanique de Bruckner... la répétition des petites cellules.... voir 50 personnes faire tire tire tire 15 fois de suite.... ces séquences qui vont on ne sait où (le vide de la musique avant le 2ième thème du I, par exemple). Le I: début chaotique, dominance du groupe second thème. La coda du I: pas un des plus beaux moments de Bruckner, mais un des plus impressionnants, avec beaucoup de notes étrangères pour escagasser l'oreille. Dans le II: le trio tout fou, avec les bois. L'Adagio (qui ne peut pas être final, on ne va pas finir en mi majeur une symphonie en ré mineur, voyons, cela n'a aucun sens). J'entends une fome sonate en deux parties, avec trois éléments. 1/ Le thème du début, qui déglingue instantanément le chocottomètre (violons fauves en folie feulant sur la corde de sol, neuvièmes ascendantes qui prolifèrent) et qui déconcerte beaucoup par son instabilité tonale 2/ Le grand splash jaune: tout d'un coup, la couleur à l'état pur (avec un accord dont je me rends compte après coup qu'il compacte la neuvième initiale) 3/ Le moment @didierda (long groupe deuxième thème). La deuxième fois, il se passe beaucoup plus de choses: la neuvième est renversée, le splash jaune est beaucoup plus dissonant. Je n'ai pas repéré les autocitations de Bruckner (il paraît qu'il ya le thème de la VIIème, il faut m'excuser, je débute en bruckneromanie), mais j'ai repéré un moment Thomas Tallis- Vaughan Williams (13'07" ici, mesure 165, qu'on pourrait aussi appeler moment lingette d'Amfortas tellement il fait du bien; c'est avant le retour du 2nd thème) et un moment Janacek (à 18'36'', mesure 227), avant la fin (un peu seulement) apaisée.
dimanche 30 septembre 2012
Bruckner 8
J'ai trouvé ça passionnant pendant le concert, comme un gros roman riches en péripéties et personnages, et là, je trouve ça .... gênant, oui, carrément gênant quand je le réécoute ici dans le bureau avec partition à l'écran (d'ailleurs, le chaton adoré ferme rageusement la porte et lance des représailles non graduées, du genre allumer la télé pour des talk-shows politiques). Ce que je retiens du bousin, donc, au jour d'aujourd'hui:
1- L'Allegro initial: un mouvement sonate, l'exposition est en trois grands pans: 1- un truc pointé en do mineur, instable et malcommode 2- une rémission lyrique en majeur, avec Brucknerrhythmus 3- une séquence stress: pizz puis apocalypse (p 16 et 44: quel que soit le point de départ, la chute sera la même. C'est beau comme du Messiaen, de la théologie en action). Dans le développement, un moment Fassbinder: ironie, gloss et équivoque (p. 24). A la fin, l'horloge des morts, le Totenuhr des trompettes: moment bib bip coyote, où les trompettes continuent à trompetter seules alors que tout le monde s'est arrêté .... Comme les trompettes ne faisaient que le rythme, c'est aux cordes de liquider le thème, dans une ambiance funèbre à la Eroica II.
2- Le scherzo: le triomphe de la répétition, façon Sécession (inutile de répéter 150 fois que je trouve ça magnifique)
3- Le mouvement lent (ABA'B'A"B"A; B' est page 113 et B" est très court). Début à la panique haydnienne: mais qu'annonce donc ce rythme chaloupé? (samba? nuit d'amour? binaire? ternaire? c'est un début pour le moins équivoque pour une oreille innocente). Fin de la séquence A avec les harpes "qui font du bien" (copyright MK), déception, on ne les entendra que trois fois dans le mouvement. A": agitation maximale, sur un fond de sextolets (le pgcd des valeurs de la chaloupe initiale: ça tangue sec, on n'est pas dans l'adagietto de la 5ième de Mahler)
4- Le finale: encore une exposition en trois pans, interrompus par des silences (quelle bonne idée). Au début, un fulgurant appel de cuivres (sur fond de cordes à rythme pointé - en fait ce sont des snapshots, pas liés), avec un solo de timbale non moins fulgurant. Page 157, un vrai moment de gaîté (les flûtes ou de clarinettes gazouillent, c'est délicieux). Coda monstrueuse, qui reprend quatre thèmes de la symphonie, en une régurgitation inquiétante.
vendredi 1 juin 2012
Bruckner 4-4
Bon, ce billet pour enfin en finir avec cette satanée 4ième de Bruckner - et vous signaler un bon et sans doute ultime billet de mon chef de pupitre préféré sur le sujet.
(J'ai toujours aimé les trois premiers mouvements de cette symphonie, dont la beauté est évidente (surtout le scherzo, qui convertirait à la chasse la mamie dépressive la plus végétarienne), mais ce qui m'a vraiment marqué cette fois, c'est son finale. Musique riche, protéiforme, alternant des passages presque triviaux, viennois, avec d'autres plus minéraux, énigmatiques, sortes de chants du signe (comme chez Mahler 6-4 avec ses coups de marteau). Les noces de Vienne avec la science-fiction. Je pense à ces trois moments apocalyptiques: le début du mouvement (qui m'a toujours déplu jusqu'au moment où j'ai enfin compris de quoi il retournait), le début du développement (8'48" dans le lien spotify) et la coda (23'48"). Basés tous les trois sur un motif de trois notes aux cuivres traité de trois façons différentes: au début, octave descendante suivie d'un autre intervalle descendant (tierce ou seconde); au milieu, la même chose ascendante; à la fin, la superposition des deux, ascendant+ descendant. Comme si le début du mouvement, c'était l'atterrissage angoissant d'un aérolithe (il m'a fallu du temps pour comprendre que le grand thème à l'unisson en mi bémol, c'était la même chose que l'accumulation névrotique et accélérée des formules descendantes); le milieu, son voyage (avec les formules passion selon Saint-Jean, voir Mathieu, qui prolifèrent); et la fin, sa transfiguration, avec l'hélice vertigineuse qui fait passer de mi bémol mineur au majeur, et conclut la symphonie dans la lumière de midi.)
mardi 25 octobre 2011
Sir JEG à Pleyel
Programme austère et classe avec Sir John Elliott Gardiner, choeur et vents (cuivres anciens pour la première partie, mélangés en seconde). Les cordes ont quartier libre (sauf les basses pour Stravinsky, en deuxième partie)
Brahms: Begräbnisgesang. Avec des triolets menaçants aux timbales et une section centrale qui rappelle le Requiem allemand.
Bruckner: Messe en mi. Une oeuvre économe et pleine d'idées. Le Kyrie initial (les voix de femmes d'abord, puis les hommes) frappe fort dès le début par ses dissonances qui agacent bien les gencives, comme le choeur est très juste. Le Gloria et le Credo sont davantage des illustrations d'un texte qu'on croit avoir déjà fréquenté (apparemment, l'éternité chez Bruckner, ce sont des triolets aux vents - c'est toujours moins fatigant que des trémolos de violon). Le Sanctus fonctionne comme un arbre polyphonique très ramifié, avec une grande amplitude entre les aigüs et les graves. On se raccroche aux branches quand les cuivres interviennent.
Stravinsky: Symphonie de psaumes. 1er mouvement qui arrache comme il faut, bien méchant, vents acides. Mais ce qui me fait toujours grimper aux rideaux, c'est la fin du troisième mouvement. Protocole pour planer dans l'éternité: 0/ le timbalier accorde discrètement ses trois timbales sur mib, sib et fa (pendant que tout l'orchestre joue, n'importe quoi fera l'affaire) 1/ le timbalier déroule mi sib fa sib sur une période de 4 temps, alors que tous les autres, choeur et orchestre sont sur 3 temps 2/ la timbale gagne la partie provisoirement, on a maintenant l'impression d'être à 4 (malgré les accents décalés du choeur) 3/ Retour du 4 pour 3, la timbale seule contre tous, les notes de la timbales frottant toujours plus dangereusement avec des harmonies qui fuient vers l'aigü. Et la fin: retour du début (Alleluia), comme un paravent japonais qui se referme.....