jeudi 1 mars 2012

Pelléas à Bastille

Reprise de la production Bob Wilson (que je crois avoir vue à Garnier, donc en 1997)

Magnifique première apparition de Mélisande, mi-proue de navire, mi allégorie de la Musique. Tsagallova est l'une des meilleures Mélisande dont je me souviens: un timbre un peu corsé, une belle diction avec une pointe d'accent, un sourire énigmatique. Wilson lui réserve des torsions et des gestes dignes des figures de vases de l'école de Nancy. Degout est très bien, évidemment, mais c'est un timbre trop riche et trop grave pour être un Pelléas complètement idéal.

Beaucoup de bonnes idées dans la mise en scène. A l'acte IV: Golaud traversant la scène au fond, menace souterraine. Très réussi aussi, le jeu sur l'espace qui se réduit brutalement scène 2 de l'acte II; ou qui réapparaît acte III scène 2. Un des ressorts de cette mise en scène est sa croyance dans l'invisible (les cheveux dans la scène de la tour, l'enfant dans le dernier acte), mais c'est un jeu dangereux (au fond on aime bien aussi que la mise en scène montre quelque chose). J'ai été aussi un peu gêné par les partis-pris de rupture dans certaines scènes: tout d'un coup, un geste brutal, une lumière plus électrique, sans que cela corresponde systématiquement à une vraie rupture dans le discours musical (qui, lui, est souvent plus fluide, plus en demi-teinte). Et puis je me suis dit pendant une bonne partie de l'opéra qu'il y avait aussi de la trivialité dans Pelléas: des enfants qui vont à la plage à midi, un vieil homme qui raconte n'importe quoi, un petit garçon très excité, des gens riches qui détestent voir des gens pauvres mourir près de chez eux. Bref, autre chose que des pharaons et des ciels bleu électrique 

(Il y a pire qu'une mise en scène de Wilson: une mise en scène de Wilson mal réglée. Le soir de la première, les ombres des servantes dans la dernière scène étaient dignes d'un concours d'ombres chinoises de canards en grande section de maternelle)

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samedi 28 janvier 2012

Salonen Bartok II, au TCE

Bartok: suite de danses, concerto pour violon n°2 et le Mandarin merveilleux (la suite, pas le ballet intégral hélas); Debussy, le Prélude à l'après-midi d'un faune (comme un cheveu sur la soupe). (et en bis, le Galop de Stravinsky - dont on se serait bien passé).

(heureusement qu'il y avait le Mandarin merveilleux....)

(Je crois qu'il va me falloir une période de jachère pour les concertos pour violons. Vous savez, ce genre musical idiot où un énergumène gigote au premier plan en vous mettant dans la vue plein de notes pour vous empêcher de vous concentrer sur ce qui pourrait avoir de l'intérêt, derrière à l'orchestre. Et puis le concerto pour violon de Bartok, je l'ai juste trop entendu, et il est trop riche en saccharose à mon goût - contrairement au Mandarin qui est bien acide, avec quelques pépins aux trombones)

(un véritable congrès de vieux-blogueurs, ce concert; riche en émotions et en révélations - j'ai enfin compris que je connaissais depuis longtemps Faustin Soglo - mais c'est que j'y ai cru, oui Monsieur, à ce masque africain)

 

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jeudi 22 septembre 2011

Encore l'ONF au Châtelet

Encore un concert de proximité. A mon âge, traverser tout Paris le soir, c'est trop et en plus au Châtelet, il reste de la place à la dernière minute, et même mieux, DES places - je peux envoyer promener une aimable créature qui dans le hall me propose 30€ une invitation qui n'a pas dû lui coûter bien cher. Au programme, un merveilleux tube, Iberia, et deux übertubes, l'Apprenti sorcier et le Boléro. Comme j'ai pu être replacé au troisième rang à droite, je suis sous les chaussettes des seconds violons, ce qui me permet de revivre presque de l'intérieur deux oeuvres que j'ai jouées en orchestre il n'y a pas si longtemps. Etre placé là me permet aussi de repérer un des ingrédients clé du moment verroterie du Boléro: le célesta. Au programme aussi, une curiosité, la Symphonie concertante de Enesco (pour violoncelle). Musique parfois dangereusement chromatique, parfois très française (on se croirait dans la Sicilienne de Pelléas et Mélisande de Fauré, dans l'un des mouvements enchaînés). Le finale m'a rappelé le concerto d'Elgar. Le tout a l'air très difficile pour le violoncelle. 

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mardi 15 juin 2010

Pelléas à l'Opéra Comique (Braunschweig Gardiner)

Je donne encore une fois ici dans le rapport de police (à ne pas lire, donc, si vous allez voir le spectacle, je ne fais ici que spoiler)

  • Premier choc: Golaud (Marc Barrard). Dans la première scène, il frappe par son élégance et sa jeunesse – et c’est important pour la suite de comprendre qu’il puisse y avoir un lien entre Mélisande et lui. (Exactitude géométrique : l’entrée dans le château… à l’intersection de deux droites.)
  • Scène 2. Tiens (ce n’est pas une surprise), Stutzmann fait une magnifique Geneviève – timbre (poste) très doux pour la scène de la lettre, sans la rugosité à la Electre que mettent certaines contraltos. Définition : on définit le lieu d’Yniold comme une ellipse inclinée, de proportions modestes, dotée d’un petit phare.
  • Deuxième choc : l’apparition de Pelléas dans la 3ième scène. Choc amplifié par la mise en scène, avec le dévoilement du phare, version géante (un lieu d’Yniold dilaté), enfin de l’espace, premier moment de grand air, l’orchestre aussi change de dimension. Pelléas (Philip Addis) voix jeune, puissante, avec une belle amplitude (de beaux graves et des aigus pas gueulards). Dramatiquement parfait. Je serais Mélisande, je le laisserais tomber, ce bouquet.
  • Acte II scène 1 : la fontaine, encore le lieu de l’acte I scène 3. Exactitude topographique du dispositif : "mes mains ne touchent pas l’eau".
  • Acte II scène 2 : la scène Golaud-Mélisande avec ses ruptures de tons. Subtil Golaud : il chante pianissimo subito sur sang dans « Je suis fait de fer et de sang ». Est-ce la bonne lecture de ce passage ? Pas sûr, c’est l’orchestre qui est noté pianissimo, sur une musique qui commente déjà l’intervention de Mélisande. Mais l’effet obtenu est incroyable : on sent que le sang sera sa perte.
  • Acte III scène 1 : l’idée de génie est de mettre cette scène de la chevelure dans le lieu d’Yniold, celui de l’enfance… l’ellipse mineure de l’acte I scène 2. Du coup, le jeu des deux jeunes gens apparaît comme un jeu d’enfants (« Vous êtes des enfants ! »), un jeu dangereux (la strangulation n’est pas loin). Braunschweig reste, encore une fois, littéral, fidèle au texte (« Mes cheveux sont aussi longs que la tour ») sans sombrer dans le ridicule.
  • Acte III scène 2 : le cri de Pelléas au sortir des souterrains, complètement bouleversant….. Debussy n’aurait pas aimé, mais oui bien sûr, c’est Fidelio ! magnifiques lumières… un des sommets de cette production.
  • Acte III scène 3 : là encore, la mise en scène est exacte : Golaud n’est pas assez grand pour arriver à la fenêtre, mais G+ Y, oui.
  • Acte IV : là, ce qui change tout, c’est de montrer une femme enceinte (idée géniale, littérale, pourquoi donc personne ne respecte ?) : dès le début de l’acte, on comprend que tout va être fichu, que l’horizon se rétrécit. Première scène agitée (Gardiner est à fond de train, Braunschweig fait cavaler Pelléas). Dans la scène 2 (Absalon, Absalon), Golaud manque un peu de folie à mon goût. A la fin de la scène 3, il ne reste plus de l’espace d’Yniold (celui des jeux d’enfant des amants) qu’une ombre, et un ballon rouge, que Pelléas prend en main pour le liquider. Logiquement, Braunschweig place l’action de la grande scène finale dans l’espace de l’acte II, scène 1. Ciel rouge de sang, qui disparaît derrière un rideau noir (« on ferme les portes, nous ne pouvons plus rentrer »)), avant que n’arrive la mort (couleur verte d’hôpital). Aucun contact entre Pelléas et Mélisande, dans toute cette scène, sauf, littéralement, sous la pression de Golaud, qui les pousse à s’embrasser (« Ta bouche…. »)
  • Acte V. Incroyable moment a cappella de Golaud dans l’aigü (Mélisande ! ……). Souvenirs sélectifs de Mélisande.

 

J’ai du mal à rendre compte (ceci est un rare moment de lyrisme de ma part) de l’intelligence et de la richesse de la mise en scène  - c’est beau, c’est cohérent, ça fonctionne avec peu de choses.  Pour le reste, très haut niveau à quelques réserves près (on ne sent pas vraiment en sécurité avec tous ces pains aux vents, et je ne suis pas complètement emballé par Mélisande – diction parfaite mais un timbre un peu trop fade à mon goût).

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mercredi 17 mars 2010

Denk, Adams et le LSO à Pleyel

* Trop riche (limite écoeurant): l'orchestration de deux préludes de Debussy par Colin Matthews - la recréation de quelque chose d'assez simple, en plus compliqué. (un peu comme si un savant fou utilisait le CERN pour recréer une fraise (et une seule)) (Sentiment de trop plein exaspéré par les hochements de tête rapprochés de ma voisine, lancée comme une machine à vapeur). (Un peu la même impression avec les Valses nobles et sentimentales, de Ravel, qu'on programme trop souvent à mon goût).

* Trop bien: le concerto pour piano et vents de Stravinsky (il y a aussi des contrebasses et des timbales). C'est néo classique à fond, agaçant comme il faut et ça décrasse bien les oreilles après toute cette débauche de moyens. 1er et 3ième mouvements très rythmiques, avec changements de mesure partout, pleins de swing. 2nd mouvement: chorale avec trompette et timbales, magnifique et un peu vulgaire. Je peux enfin applaudir avec enthousiasme Jeremy Denk (qui est un grand pianiste mais aussi un merveilleux blogueur que ce blog a pillé sans vergogne, ici et ), qui joue cette musique avec beaucoup de naturel....

* Trop peu nécessaire: la dernière oeuvre d'Adams, City Noir. Une évocation de Los Angeles, la capitale du film noir. Deux parties, l'une plutôt dominée par des solos (saxophone, trombone, cordes à l'unisson, et même un petit solo d'alto); et l'autre, plus courte, finissant en apothéose dyonisiaque, où l'orchestre est traité comme une grande masse sonore. Tout cela est très séduisant mais n'ajoute pas grand chose à la gloire d'Adams, cet orchestrateur de génie.

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vendredi 6 février 2009

le concert EIC de ce soir


Ce soir, concert EIC... sous le thème assez vague de la danse.

  • Debussy: Danses avec harpe. Dans une version dégraissée (à un double quatuor à cordes + harpe).
  • Unsuk Chin: Double concerto pour piano (préparé), percussion. C'est toujours bien, conceptuellement, de castrer un piano en lui collant des punaises dans le fion (bien fait), mais là du coup, on l'entend vraiment très peu. Toute l'oeuvre donne l'impression d'un machin torrentiel, très spectaculaire. Si j'ai bien compris, les deux solistes tiennent la superstructure de l'oeuvre et donnent des impulsions qui se transmettent aux autres instruments. Par exemple, au violon solo qui transmet derrière aux cordes graves- et ça finit en catastrophe! Rhaaalovely. Un peu avant la fin, il ya un beau moment avec un canon de glissandi descendants. C'est souvent très beau, très fin, très sensuel (si j'osais, j'écrirais qu'on se rend tout de suite compte que ce n'est pas de la musique de compositeur allemand mâle).
  • Herrmann (Arnulf, pas Bernard): Fiktive Dänze, deuxième cahier. Pour vents, limite orphéon bavarois; il ya un tuba wagnérien qui fait des poumpoums de patapouf et un contrebasson qui donne plutôt dans la clouterie. C'est de la musique pure; pas de chichis, tout pour l'idée; ça marche très bien parce qu'on a vraiment l'impression de comprendre ce qui se passe, ce qui est toujours agréable. Au début, une danse floue (Unscharfer Tanz - j'aime bien ces titres - c'est un recueil d'humeurs, comme des pièces de Couperin ou de Schumann - faire sobre en matière de titres permet d'aller tout de suite à l'essentiel, à la musique) commence par une giration au cor, très délicieusement foireuse, à la fois en hauteurs (ya du quart de ton) et en rythme; toute cette danse est très ... flottante. La troisième danse (Spiralförmiger Tanz) est à base de gammes fusées (à la clarinette, par exemple, évidemment). La dernière des danses (Breiter Tanz) a une période de base plus longue, et ressemble à une grande passacaille (le tuba wagnérien délimite chaque période, la flûte en occupe l'espace, au début); ça finit par de beaux unissons. Tout cela est excitant comme du Ligeti. Je réécouterais vraiment bien le tout, d'autant que j'ai déjà oublié (mon côté blonde) ce qu'il y avait dans cette Danse grossière (la n°2).
  • Stravinsky: Ragtime et Renard. Content d'entendre Renard. Deux ténors et deux basses font tous un peu la poule, le coq, le renard, le chat et le bouc. Musique à mi-chemin entre Noces etl'histoire du soldat. Il y a un moment où le violoncelle s'excite vraiment beaucoup à glisser vers le bas. C'est vraiment très bien.

 

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vendredi 30 novembre 2007

En blanc et noir

Une oeuvre de Claude Debussy, en 1915.

 

Sans doute l'un des Debussy que je préfère, c'est difficile d'écire dessus, cette musique file plus que toute autre entre les doigts.

Plein de fausses pistes: En blanc et noir suggère quelque chose de tranché(e), alors que cette musique est indécise, pleine d'humeurs, schumanienne, gongorienne, baroque en diable: le gris de Vélasquez plutôt qu'un blanc et un noir bien contrastants. La dédicace au lieutenant Charlot (" tué à l'ennemi "), la frénésie chauvine de Debussy à l'époque de la composition pourraient laisser imaginer que c'est une oeuvre de guerre, une machine contre les Boches (comme la bataille du lac Peipous dans Alexandre Nevsky de Prokoviev), mais même le second mouvement où l'on trouve directement le théâtre des opérations est traversé de moments hédonistes; et ce tombeau est entouré de deux caprices, l'un solaire, l'autre lunaire. Les citations épigraphes laissent imaginer une musique à action, à programme, mais quel programme ? (1- la Belle Epoque; 2- la Guerre; 3- l'après guerre ?). Le Debussy de cette époque est travaillé par le retour au XVième siècle, et on entend de la monodie, de la chanson française ancienne dans En blanc et noir, mais c'est aussi une de ses musiques les plus modernes, l'une de celles où il renouvelle le plus complètement la notion de forme. Une musique écrite par quelqu'un qui se sent au bout du rouleau (“Alors j’ai écrit comme un enragé, comme quelqu’un qui doit mourir le lendemain matin” écrit Debussy dans une lettre du 14 octobre 1915) alors que ce qu'on l'entend est tout neuf, plein d'énergie vitale.

Premier mouvement dédié "à mon ami A. Kussewitsky" (en fait c'est bien Serge, le chef d'orchestre). La citation de Barbier & Carré "Qui reste à sa place / Et ne danse pas/ De quelque disgrâce / Fait l'aveu tout bas" renvoie au théâtre (des opérations) et à la danse; ça valse ! La musique sonne comme une étude sur les hémioles (la division de deux mesures à 3 en 2+2+2) et les accords de sixte (comme dans les Etudes: ces accords sont partout, on ne s'en rend pas compte car ça ne fait pas système). J'aime la première apparition des appels de cor qui prolifèrent partout (à 2'50"); le moment où les deux pianos sont à l'unisson, comme une bombarde bien ethnique (à 1'53"); le tuilage avec ce qui suit (très décadent) et ce qui précède (une valse qui s'essouffle) est particulièrement succulent. Tout le mouvement baigne dans un do majeur euphorique, dans une atmosphère de tourbillon Belle Epoque.

Second mouvement (à 3'58" dans l'enregistrement ci-dessus); dédié "au Lieutenant Jacques Charlot tué à l'ennemi en 1915, le 3 mars". C'est à ce même lieutenant Charlot, le cousin de l'éditeur Durand, que Ravel dédiera le Prélude du Tombeau de Couperin, plus tard. Le début est une musique inouïe: on tend l'oreille, on perçoit un tortillon en tierces, chromatiques, pianissimo qui descend, interrompu par un glas, un do asthmatique, rythmique qui jure affreusement mais pianissimo, puis un grand accord dissonant qui fait clash et n'empêche pas le glas sur do de continuer. Il se passe ensuite des tas de choses dans cette première partie très calme, on entend entre autres un chant populaire, mais complètement décoloré, tout blanc, en do majeur sur un fond de sol#, puis une séquence qui évoque la Terrasse des audiences au clair de lune (en ré, à 5'27") .... A 6'58, changement de climat, c'est la guerre qui approche (en mi bémol): le do rythmique du début envahit tout, au-dessus on entend un thème agité, en secondes (comme un bruit de ferraille mat), puis la lutte entre des bribes du choral Ein Feste Burg ist Unser Gott et un motif plus gallican. A 8'25", ça tourne bien, on passe en mi majeur. A 8'45", Debussy signale le retour du mouvement du début. La musique se calme, cite les épisodes de la première partie, dans un écrin monumental qui m'évoque Stravinsky, avec ce sol-do-mi-mi-do de monument aux morts, sur des accords acides, un soleil d'hiver, de désastre.

Troisième mouvement (à 10'32") dédié à Stravinsky (celui de Zvezdoliki, sans doute) un caprice, une musique lunatique ("Yver, vous n'este qu'un vilain"). J'aime particulièrement toute la fin, et notamment ce passage à 14'16'' où un air diatonique se superpose à un trille cafardeux, en gamme par tons. Il faut vraiment un effort d'imagination pour comprendre que l'on est en ré mineur....

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samedi 23 juin 2007

Pelléas au TCE


A chaque représentation de Pelléas, j'ai des attentes faibles ou inexistantes: je me doute que la mise en images va m'exaspérer et que les chanteurs ne seront pas à la hauteur de ceux des enregistrements par lesquels j'ai plongé dans l'oeuvre, le Désormière de référence amélioré en remplaçant Jansen/ Joachim par Maurane /Danco....

Au fond, la seule chose que je demande, c'est de pouvoir comprendre le texte pour suivre. De ce point de vue, la soirée d'hier peut faire date.

Naouri est un Golaud subtil, jamais ridicule, d'une grande violence. Le metteur en scène le fait chanter la réplique du Berger (Ce n'est pas le chemin de l'étable). L'effet est terrifiant, d'autant que Golaud se lève à ce moment là, après avoir été prostré sur scène pendant le babil d'Yniold, sous une fourrure, comme un mouton; cela marche impeccablement avec la musique. Kozena n'est pas toujours complètement compréhensible (Mélisande l'est-elle ?) mais elle est scéniquement parfaite et elle a un timbre qui convient, chafouin et mystérieux..... L'excellent ténor québecois Lapointe campe un Pelléas dangereusement hétérosexuel (on aura tout vu, ces metteurs en scène osent vraiment n'importe quoi...). C'est à mille lieux des voix transparentes que j'aime en Pelléas. Ce Pelléas est avant tout élan vers Mélisande. Son je t'aime sonne comme la sortie d'un bouchon de champagne et contraste efficacement avec le je t'aime aussi de Kozena. Le reste de la scène était merveilleux vocalement. Au fond, j'ai beaucoup aimé: diction parfaite, élan irrésistible.

Quant à Arkel.... un timbre magnifique, la prestance d'un François Joseph (d'un Renaud Camus ?). Ses âneries pontifiantes ("Il n'arrive peut-être jamais d'événement inutile" et autres calembredaines) étaient (heureusement ?) inintelligibles. Frappé par le contraste à l'acte I de la musique d'Arkel avec celle de Geneviève et sa scène de la lettre: au fond Arkel est peut-être le seul personnage d'opéra traditionnel, loin du parlé/chanté des autres personnages.

Un mot de la mise en scène. Quelques trouvailles à l'acte IV: le "on a cassé la glace avec des fers rougis" sur une levée de rideau; cette coque qui tournoie en spirale, une idée qui rend bien justice au lyrisme de la scène (et oui, Titanic était un beau film lyrique). Oui, la sensualité vient avant l'aveu de la passion; je ne crois pas que ce soit un contresens, ce sont deux choses différentes, pas nécessairement synchrones.... et la 1ère scène de l'acte III est incroyablement érotique, davantage peut-être que la fin de l'acte IV, juste une histoire de lumière et d'ombre, de portes refermées ou entr'ouvertes.

Aussi: ici, ici, et .

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