vendredi 20 décembre 2013
Grisey/Schubert
Hier soir, concert crépusculaire avec Vortex Temporum de Grisey et l'Inachevée de Schubert.
* Vortex Temporum - pas la première audition pour moi, mais c'était il ya plus de 10 ans si j'en crois ce blog. L'introduction chaleureuse de Boffard ("une oeuvre qui a toujours été là"). Les dédicaces à Zinsstag, Sciarrino puis Lachenmann. Le matériau de départ: les arpèges de Daphnis, les sons filés crescendo aux cordes. La cadence de piano véhémente à la fin du 1er mouvement. Le mouvement lent, très lent, coeur mystique de l'oeuvre, qui part de rien, monte du très grave à l'aigü avant de redescendre, où l'on entend beaucoup des 4 notes désaccordées du piano. Le 3ième mouvement est deux fois plus long que chacun des autres, plus touffu et complexe qu'eux. L'extrême fin, beau comme du Lachenmann (le battement de coeur, la musique détimbrée).
* L'Inachevée, jouée très vite par les Dissonances. Le sublime conduit des cordes a cappella à la fin du 2nd mouvement (qui mène à deux chorals des vents, aventure extrême. Suivi des 12 mesures du scherzo (ce sera tout). En bis le mouvement lent de la 7ième de Beethoven (étonnamment en cohérence avec le 1er mouvement de Schubert).
dimanche 15 décembre 2013
Résumé des derniers épisodes
* Les Puritains à la Bastille. Un livret que l'invention des téléphones portables aurait ruiné (avec un SMS du type "chérie, je sors trois minutes sauver la reine, attends-moi, on ira se marier après", on n'aurait eu qu'une petite demi-heure de bel canto). Apothéose du plateau tournant (oh! un gorgonzola! oh! un parmesan! oh, un provolone piquant). Au second acte, ça tourne, mais à vide: il ne reste que les chanteurs immobiles sur le plateau tournant dans une lumière froide, c'est vraiment Holiday on ice. La musique n'est ni déplaisante ni mal chantée, mais il ne m'en reste aucun souvenir (sauf peut-être cet air au 2ième acte, qui forme un contraste saisissant avec ce qui précède).
* Quatuor Keller au Musée d'Orsay. Un quatuor de Kodaly que je ne connaisais pas (beau 1er mouvement, le reste est impressionnant mais très décousu); le 1er de Ligeti (un château de Barbe-bleue à 16 portes, dont certaines claquent plus que d'autres; je suis toujours inconditionnel du moment Enfant et sortilèges); plusieurs des duos de Bartok (peut-être le moment le plus fort de la soirée); le 4ième de Bartok (celui aux deux scherzos; je retiens que l'altiste fait les pizz solo avec le pouce et les pizz d'accompagnement avec l'index). Un brin déçu par rapport aux Kelemen.
* Les espaces acoustiques, de Grisey, à la Cité de la Musique. Un projet ambitieux, six pièces allant du solo d'alto au très grand orchestre, avec de nombreuses correspondances entre les pièces. Pas vraiment emballé par les 3 premières pièces (trop long, le solo d'alto; trop potache, le théâtre musical de la fin de Partiels). La magie opère plus sûrement avec les pièces à grand orchestre, notamment Transitoires (avec les incroyables coups de boutoir de la contrebasse solo!), et l'épilogue avec 4 cors. Add: ceci sur Partiels
* Dialogues des carmélites, au TCE. Olivier Py a eu deux belles idées de mise en scène pour les scènes d'agonie. Celle de la fin, un nocturne d'une grande douceur, est au sens premier la concrétisation de l'étrange songe de Constance (avec sa musique de sauts d'octave descendants). L'autre scène avec madame de Croissy (pas idéale vocalement) rappelle autant la crucifixion que la guillotine. Petibon et Devieilhe (qui remplaçait Piau) ont été magnifiques, mais je n'ai eu d'yeux et d'oreilles que pour Véronique Gens en madame Lidoine. La voix de l'amour.... l'envers aimant de cette mère Marie de l'Incarnation, orgueilleuse et dure, qui manque à l'appel, à la fin.
mardi 2 octobre 2012
2e2m au Goethe Institut
Si je résume ce qu'a dit la modératrice, il y avait au programme de ce concert 2e2m deux "valeurs sûres"....
* Henze avec des pièces inspirées du folklore styrien (Neue Volkslieder und Hirtengesänge, pas inoubliable) pour petit ensemble
* Grisey avec Anubis et Nout, une pièce pour saxophone en deux morceaux, l'un plus rythmique, l'autre cool et prophétique, avec des multiphoniques)
... deux "petits jeunes" ....
* Simon Steen-Andersen avec History of my instrument pour harpe seule. Une pièce comme on en voit rarement au concert, avec peu de musique mais des effets vidéo très drôles jouant sur la surface de la harpe (et il y avait aussi une petite harpe en plastique rose Hello Kitty, qui m'a bien fait envie).
* Fabien Lévy avec Dr B, une pièce pour baryton et basson, d'après le Joueur d'Echecs de Zweig. Là aussi une pièce "impure", qui joue sur l'antagonisme entre les deux personnages (hoquets, déplacements sur l'échiquier et pantalons blancs et noirs). Ce n'est pas faire injure au musicien que de préférer A propos.
.... et un fil conducteur, die Zeit rennt, une pièce électroacoustique d'Adamek jouée entre chaque morceau, à partir d'éclats de voix (c'est une pièce qui n'a fait tousser personne mais qui a libéré la parole dans le public, qui avait sans doute des tas de choses à dire)
lundi 20 février 2012
20 ans de Court-circuit
- Christophe Bertrand: Sanh (P°, Vc, Cl.b)
- Gérard Grisey: Talea (P°, Vn, Vc, Cl et Fl)
- Tristan Murail: La Mandragore (pour piano seul)
- Philippe Leroux: Continuo(ns) (encore P°, Vn, Vc, Cl et Fl)
- Philippe Hurel: Pour l'image
Un concert avec beaucoup de notes, beaucoup de microintervalles et de modes de jeu (on a un peu mal pour le violoncelle d'Alexis Descharmes). Surtout aimé la pièce de Leroux (très vive, une série de petits jeux très volubiles avec des séquences de petite mécanique rythmique très délectable) et la pièce de Murail (avec ses pédales insistantes et ses harmonies très modales sonnant comme du Messiaen, un Messiaen qui serait plus botaniste qu'ornithologue). Talea, de Grisey, le début sonne comme "1, 2, 3, soleil!" (il se passe des trucs ahurissants en un très court laps de temps, puis on laisse résonner) et après ça se complique (le motif qui monte et celui qui descend, leurs réseaux, que vont-ils devenir.... un développement de particulièrement grande ampleur au violon dans l'aigü, sur la fin). Dans la pièce de Hurel (pour un ensemble beaucoup plus vaste), il y a un moment étrange de contrebasse solo qui dialogue avec le trombone, et ça sonne comme un bruit d'avion au loin.... la fin est très marquante, avec ses accords répétés. Rétrospectivement, la pièce de Christophe Bertrand était l'une des plus sages de ce concert, avec ses textures en hoquets et son passage de bravoure.
mardi 19 mai 2009
Rameau/ Grisey, à la Cité
Rameau: ouverture de Zaïs et assortiment d'airs et de danses extraits de Hippolyte et Aricie. L'ouverture de Zaïs est une figuration du chaos, encore plus distendue qu'un des airs équivalents, dans les Boréades:
Accessoirement c'est une plaisanterie à la Haydn, où l'auditeur se demande où sont passés ses repères. Dans l'assortiment qui suit, un peu trop fourni à mon goût, je retiens un bel air avec hoquets des flûtes. Grisey: Modulations et Partiels (deux épisodes des Espaces acoustiques). Emballé par Partiels: musique chambriste, mais avec des effets violents et contrastés. Début mémorable, avec les coups de boutoir de la contrebasse, qui se transmettent au tuba, aux bois puis aux cordes; un complexe de sons extraordinaire qui se transforme lentement. Beau moment ourlé à deux flûtes (prolongeant une dentelle des violons): Mälkki compte avec les mains, j'imagine la difficulté de mise en place. Comme souvent chez Grisey, on entend l'orchestre ronfler, grogner, respirer, comme un grand corps agité. La pièce finit sur des accords énigmatiques auxquels se superposent des bruits aléatoires des instrumentistes (comme un orchestre amateur dissipé, suivez mon regard). La lumière tombe et se concentre sur le seul percussioniste, armant ses cymbales (sans les faire sonner, contrairement à la fin de Modulations), comme un Christ déployé dans sa niche. Moins séduit par Modulations, une musique pour 33 musiciens. Le début est aussi agressif que du Messiaen des années 60, et la suite m'a rappelé le Ligeti que je n'aime pas, celui des nappes sonores des années 70.
jeudi 5 juin 2008
Grisey à Saint-Eustache
Hier, Le noir de l'étoile, de Grisey. Musique inspirée par la captation des signaux émis par les pulsars (toi aussi amuse toi en allant écouter ici ce que les pulsars ont à te dire). Le spectateur plongé dans le noir voit apparaître successivement six percussionnistes, disposés en hexagone autour du public et énonçant un matériau très simple (une alternance de fréquences lentes et très rapides). Assez rapidement cela se corse ! la musique de Grisey est à la fois simple à comprendre, mais riche d'un point de vue perceptif et puissamment évocatrice (quel feu d'artifice....). Placé juste devant le 3ième precussioniste, j'ai eu tout loisir de voir celui-ci tourner la main sur une peau (émettant un ouah-ouah du plus bel effet), frotter les cymbales avec un archet ou donner des coups de massue affolants sur des timbales. La pièce finit de façon magique, l'un des percussionistes faisant tourner un disque dont le son (de cloche) s'évanouit dans le silence. Enfin un concert qui tire parti de cette acoustique un peu impossible de grand vaisseau à Saint-Eustache.... Un concert de fête !
samedi 29 septembre 2007
Ligeti Jodlowski Puumala Grisey à la Cité
Vendredi soir à la Cité de la musique.
Quatre morceaux, quatre esthétiques très différentes....
Mélodien de Ligeti, je me faisais une joie de les découvrir en concert; c'est une musique d'une période de l'oeuvre de Ligeti avec laquelle j'accroche peu et c'est un rendez-vous raté, sans doute parce que j'étais trop fatigué pour en goûter les subtilités.
Drones de Jodlowski: esthétique de musique de jazz, petit ensemble avec cordes amplifiées (je déteste), prépondérance du batteur, écriture verticale, une musique virtuose et sans doute plaisante à jouer. Qui ne me pas empêché de piquer un petit roupillon à la Raymond (c'est toujours mauvais signe).
Chaînes de Camenae, de Puumala. 19' pendant lesquelles je ne me suis pas ennuyé une seule seconde: le discours est très lisible, c'est l'enchaînement parfois tuilé de petits moments musicaux à l'orchestration bien caractérisée, mais d'un style pour le moins... éclectique. Vers la fin, en entendant une espagnolade un peu lascive et d'unn goût douteux, je me prends à réévaluer l'ouverture du morceau qui m'avait fait forte impression, une marche funèbre à haute densité de grosse caisse.....
Le temps et l'écume, de Grisey. Encore une partition où il est impossible de s'ennuyer, et qui répond complètement à notre envie d'entendre enfin quelque chose d'inouï. On est frappé par l'habileté avec laquelle Grisey agence une multitude de petits événements sonores en donnant l'impression de quelque chose d'organique. Par exemple, au début, avec toutes ces percussions, on a l'impression d'une tempête de sable; dans la deuxième moitié, on entend l'orchestre ronfler ! oui oui, c'est comme une respiration suivie d'un ronflement; à la fin, c'est comme une catastrophe avec l'écroulement d'un mur. La pâte sonore est d'une richesse exaltante (qu'est-ce que c'est que ces yoyos que font tournoyer les percussionnistes, frôlant l'accident du travail ?), d'une beauté sans concession....