mercredi 13 avril 2016

Messiaen Bruckner 8 par le LSO

Deux aérolithes catholiques:

Messiaen: Couleurs de la cité céleste. Piano + percussions à clavier + percusssions résonantes (cloches et gongs), cuivres et clarinettes. Court, clair, très impressionnant, et plus prenant qu'au disque. Les chorals de cuivres (très lents, succession d'harmonies froides). Trois coups très violents et très rapides. Figures de résonances. Hoquets. Fusées de chants d'oiseaux.

Bruckner 8: retrouvé un peu de tout cela mais aussi quelques moments: Le I. Le mi bémol majeur du développement (le "moment Fassbinder"): merveilleux de calme, c'est ce qui rend la récapitulation si impressionnante avec le retour d'ut mineur. La fin du mouvement est géniale d'amertume; la voisine de derrière décrète que c'est fini et commence à faire du bruit alors que les altos continuent à liquider le roulement de tambours, pianissimo. Le II: dans le moment central du scherzo, c'est la timbale qui est le fil rouge (le thème dépecé aux bois, les cordes s'affolant pianissimo). Etonnant trio, chaleureux solo des violons sur des pizz de parade de chevaux. Ce sont les harpes qui concluent (dans une de leurs rares interventions, particulièrement marquante). Dans le III: l'intervention des harpes et le tournoiement harmonique qui s'ensuit: UN REVE (mon royaume pour ces trois mesures). Le B= thème de violoncelles. Le moment où deux musiciens se lèvent (cymbales + triangle): deux interventions (je n'en vois qu'une dans la partition de 1892, mais Rattle a joué Haas 1939), un sommet puis une cadence rompue (catastrophe). La fin de ce mouvement, après la rupture - chaloupes et ré bémol majeur - est magnifique. Le IV: le début est tellement fort qu'il a tendance à tuer le reste; la coda est sans doute là pour rééquilibrer le mouvement en intensité (ça ne la rend pas aimable pour autant).

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vendredi 3 octobre 2008

Une Turangalila à Pleyel

  • c'est un peu comme retrouver une vieille maîtresse - j'étais vraiment très amoureux de cette musique quand je l'ai découverte, il ya longtemps; maintenant à vrai dire, elle me casse un peu la tête, la vieille maîtresse.
  • le joueur de cloche, obligé de réparer son radiateur (les cloches ça ressemble à un radiateur), détraqué après Développement de l'amour (pas compris le problème, la cloche de la était fêlée, panique à bord)
  • la fin du n°5 et du n°10: penser à apporter un casque de chantier, la prochaine fois. Près de moi, un monsieur parle très fort alors que la musique vient de s'interrompre, il est peut-être sourd après avoir souvent entendu la Turangalila.
  • un manque évident de mouvements lents..... le n°6, suave et pépiant, est un peu longuet (c'est long, l'éternité). Aimé la Turangalila III (une musique joueuse, complexe et énigmatique).
  • La découverte du jour: la ritournelle de la Joie du Sang des Etoiles (tellement annonciatrice de la musique liturgique post-Vatican 2) ressemble fort au thème dit de la statue (à tierces zigzaguantes aux cuivres)

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samedi 27 septembre 2008

Messiaen Saint Saëns à Pleyel


Un concert kitsch (Messiaen- Saint Saëns) que j'ai écouté un peu sonné (l'effet des trois antibiotiques que je me coltine en ce moment)

Messiaen: Hymne. Me suis endormi pendant la monodie des violons- sirupeux et douceâtre comme un excipient.

Messiaen: Concert à quatre: une oeuvre concertante avec flûte, hautbois, violoncelle et piano.Entrée: le plus beau des 4 mouvements, qui m'a rappelé le tableau de l'Ange voyageur. Un dyptique parfait (chacune des parties - succession de séquences improbables - finissant sur un coup de timbale incisif). Vocalise: un genre mouvement lent sublime de concerto de Mozart, assaisonné de ce que j'ai cru être des sonneries de portable (mais non, c'était juste un marimba pour épicer). Cadenza: mouvement à chants d'oiseau (dont l'un, sauvage, bizarrement au violoncelle). Rondeau: sur un thème qui sonne comme une musette à 6/8, mi 18ième siècle, mi Messiaen; la musique s'en éloigne beaucoup, jusqu'à une superposition virtuose et jubilatoire de trois solistes, jouant des musiques incompatibles.

Saint-Saëns:Troisième Symphonie, en ut mineur: Encore une resucée de LA Cinquième, mais ce n'est plus la lutte entre la Lumière et les Ténèbres, c'est la lutte de diablotins et de nonnettes en costume néo-Moyen Age, modèle production années 50 du Faust de Gounod: personne n'y croit, mais il faut faire semblant de trouver ça irrésistible. Le premier mouvement, mi-Franck mi-Mendelssohn, et le scherzo, avec ses violons fauves sur le sol et ses coups de timbale, ne sont pas mal, mais le mouvement lent et le finale ! Le début du finale ! Le triomphe de l'orgue et l'apothéose des nonnettes suscitent bien un début de fou rire (ces violons qui font les cabots avec leurs accords sur 4 cordes) mais surtout étrangement un alourdissement de la bajoue, de la ventrière, du lorgnon dans son gousset: étonnant pouvoir de la musique. Il ne manquerait plus qu'on joue ça à l'orchestre pédé (mais heureusement c'est trop difficile pour nous).

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samedi 26 avril 2008

Les trois petites liturgies de la présence divine, à Pleyel


La 40ième de Mozart a servi ce soir de faire-valoir (un peu longuet, Chung ne nous épargnant aucune reprise) au grand chef d'oeuvre incontestable, au plat de résistance que tout le monde attendait, lesTrois petites liturgies de la présence divine. C'est du meilleur Messiaen, celui des années 40, un Messiaen qui sait qu'il a trouvé sa voie, une voie absolument unique et originale, en cohérence avec sa foi, sans le moindre souci de l'environnement intellectuel ou musical du moment. Cela donne une oeuvre habitée, qui fait osciller le spectateur entre extase et transe, une sorte de Noces avec une bonne dose de saccharine - arrêtons tout de suite, c'est une oeuvre d'une fraîcheur et d'une puissance qui découragent le sarcasme.

Le dispositif est moins monstrueux que celui des oeuvres qui ont suivi: un ensemble à cordes, un piano et un célesta, des ondes Martenot pour siffloter, des percussions pour résonner et un choeur de femmes chantant à l'unisson. Les trois liturgies ne durent que 35mn pour 3 mouvements; c'est une oeuvre d'avant l'inflation galopante (Turangalila, 10 mouvements puis Saint François, cinq heures). La découpe est d'une grande clarté, de même que le langage musical; je suis sûr que même le spectateur le moins formé perçoit intuitivement que ces grandes plages avec des modes à transposition limitée et des rythmes non rétrogradables participent d'un temps étale conforme au projet de l'oeuvre (mais si, mais si).

Le 1er mouvement commence par une sorte de jardin des délices, avec un chant extatique accompagné des cordes interrompu par des chants d'oiseau au piano (puis, à la reprise au piano et au célesta). Bravo au choeur pour le "Mon Dieu" final (la aigu-mi) chanté magnifiquement ce soir, pianissimo et non pas crié comme dans mon disque. Le deuxième mouvement est cette musique de "négresse lubrique" qui avait choqué le critique du Figaro en 1945. Une musique de transe, hystérique (avec ces ouah-ouah d'onde en folie et ces trilles aux violons) et irrésistible (notamment la montée finale, sur Pour nous Pour nous Pour nous....). Le dernier mouvement commence par une séquence de maternelle en folie (j'imagine bien des marmots de cinq ans scander en classe de théologie, 1ère année: Tout en-tier En-tous-lieux Tout-entier-en-chaque-lieu etc....). L'enchaînement d'accords qui clôt l'oeuvre est l'une des plus belles choses que je connaisse en musique (et la bifurcation inattendue sur mib alors qu'on est en la me met vraiment en état de choc).

J'ai l'impression qu'on programme moins ces Trois petites liturgies que, mettons, Chronochromie que j'ai beaucoup entendu ces dernières années. C'est vraiment dommage.

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jeudi 3 avril 2008

Ives, Messiaen, Kurtag, Benjamin et Fujikura à la Cité


Hier soir, encore un concert où je suis allé après avoir assuré comme une bête en ne laissant pas une question sans réponse (oui! comme une bête !).

Ives: La question sans réponse. Très grand moment de musique. Sur un tapis moelleux de quatuor à cordes, la phrase incongrue d'une trompette solo puis le commentaire des bois, qui modifie imperceptiblement la façon dont on écoute la question posée par la trompette. Incroyablement simple et efficace. Beaux éclairages. Direction discrète (il ne faut pas casser la magie) de Susanna Mälkki qui fait signe à la trompette et les bois, satellisés dans les balcons, pour leurs interventions.

Kurtag: Scènes de roman, pour soprano, violon, cymbalum et contrebasse (deux instruments sourds, feutrés et deux dessus virtuoses). L'amour et la vie d'une femme, un roman russe (et pas hongrois malgré le cymbalum). Parfois magnifique, parfois décevant. Je veux retenir le n°3, une prière avec glissandi symétriques du violon et de la basse; le perpetuum mobile du n°12 (la série infinie des dimanches) avec ses arpèges d'une violoniste du dimanche qui s'exerce ad nauseam; le n°14, peut-être mon préféré ("Et chez toi dans ton jardin/ pousse/ l'herbe/ de l'oubli" avec une mise en musique saisissante: tictac implacable du cymbalum, arpèges du violon, pizz Bartok de la contrebasse); enfin, le n°15, beau comme la passacaille de Didon avec des trémolos sur chaque note chromatique descendante.

Benjamin: Trois inventions pour orchestre de chambre. Je trouve la première pièce (dédiée à Messiaen) lumineuse et sublime; la deuxième déjà moins et je disjoncte pendant la troisième. C'est un problème récurrent chez Benjamin - peut-être sa musique est-elle trop complexe ? Réveil brutal avec les gongs tout à la fin.

Fujikura: ...as I am.... La création du jour. S'entend avec plaisir. Texte un peu raccoleur (la logorrhée d'une amoureuse délaissée), mais non dépourvu d'humour et de légèreté, ce qui ne gâche jamais rien. Calm sea no boat sans Felix (on n'est pas chez Edward). Musique bien articulée en plusieurs sections clairement repérables; la chanteuse profite des transitions pour se déplacer et faire travailler ses jolies bottines. A propos de cabotinage, moment "amusant" de "mal chanté" d'autant plus "pénible" que la chanteuse est sonorisée.... (je laisse les guillemets pour donner au lecteur la liberté de décider si j'écris au premier ou au second degré).

Messiaen: Sept Haikai. Haikai, haikai, tu parles Charles, c'est bavard comme du Messiaen, oui ! Du Messiaen des années 60, aimable comme une table en formica (mais on s'en fout que ce soit une musique malaimable, hein). Comme chez Ives (ou Ignace), la rhétorique alimente la mystique. Et Dieu doit se cacher quelque part entre l'ouverture du panneau mobile (l'Introduction) et sa fermeture (la Coda). Un moment de pure beauté dans le Gagaku central (je n'arrive même pas à détester la sonorité aigre des violons). Les mouvements intermédiaires, qui vont par paires, sont plus arides, avec force chants d'oiseaux et percussions métalliques, et l'intervention de Pierre Laurent Aimard, qui joue tout cela avec un naturel confondant (des années de pratique religieuse, sans doute).

Aussi: ici.

 

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dimanche 18 mars 2007

la générale du concert des 30 ans de l'EIC


Samedi 10h: c'était la générale du concert d'anniversaire des 30 ans de l'Ensemble Intercontemporain (où est allé bladsurb, le soir). 6 oeuvres, trois chefs: Eötvös (pour Boulez), Susanna Mälkki (pour Ligeti) et Boulez (pour le reste).

Messiaen: Couleurs de la Cité céleste. Une pièce pour cuivres, trois clarinettes et plein de percussions très résonnantes, dont un piano, des cloches de vache qu'on appelle cencerros, je crois, sans oublier des poêles à frire suspendues (dont on m'a dit le nom mais j'ai oublié, je suis vraiment gigablonde). Magnifique. Boulez a fait répéter des passages avec dong résonnants, justement, pour que le dongrésonne comme il faut (ni trop ni trop peu !).

Manoury: Passacaille pour Tokyo. Une longue pédale de mi bémol qu'on n'arrive pas à quitter. Passablement ennuyeux....

Ligeti: Concerto de chambre. Date de 1970, une période de l'oeuvre de Ligeti que je trouve difficile, mais au concert c'était magnifique, il n'y a pas un seul moment d'ennui. Une oeuvre monstrueusement virtuose.... et de plus en plus hystérique, un peu comme la Suite Lyrique. Le premier mouvement commence en sons flûtés, très doux, mais les contrastes s'accusent vite, mélange à la Janacek de noirceur et de lumière crue; de tenues blafardes et de coups d'éclat. Vers la fin du deuxième mouvement, les cordes entonnent en choral une musique populaire, dans l'aigü, très criarde, alors que les cuivres chantent. Le mouvement suivant est une machine infernale, très spectaculaire, avec des pizz arrachés, à la Bartok. Le finale est écrit avec des arabesques très très rapides que jouent tous les instruments, même le contrebassiste... qui s'éclate comme un petit fou.

Boulez : Dérive 2 et Mémoriale. Vraiment en plein dans l'esthétique baroque: que des trilles et de l'ornementation. La musique française aurait-elle oublié d'évoluer depuis Duphly ?

Schönberg: le Lied de la Waldtaube, même en version dégraissée, sonne avec une ampleur étonnante, surtout après Mémoriale, sa flûte et ses cordes avec sourdine de plomb..... Boulez dirige très lentement. Je flippe à mort, comme à chaque fois, pendant le tocsin (Sonne sank indeß, die Glocke Gradgeläute tönte.) Schönberg ou l'émotion !

Add de lundi soir: j'ai mis dans la radio-Ligeti le concerto de chambre et dans la radiotout court le Messiaen.

 

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dimanche 19 novembre 2006

Cambreling dans Messiaen Ferneyhough Debussy Varèse à Pleyel


Un programme plus Festival d'automne tu meurs.

Messiaen: Chronochromie. Pas mon Messiaen favori. Très années 60. Mais séduisant par ses timbres. Comme je n'ai pas révisé avant, je suis largué et ne parviens pas à distinguer une Strophe d'une Antistrophe (les boules). De retour chez moi, je comprends enfin avec le disque: les Antistrophes sont les zones de discours habituelles chez Messiaen (phrases bien découpées, alternances de chants d'oiseau et de chorals aux bois), alors que les Strophes sont des zones régies par les séries de 32 durées qui ont tant contribué à la renommée de la pièce (en clair, à l'écoute, les zones de bordel absolu). Je retombe sur mes pattes, soulagé comme un veau à l'étable, quand on arrive à la monstrueuse Epode pour 24 cordes solistes.

Ferneyhough: Plötzlichkeit. Le Gongora de la musique contemporaine. Très spectaculaire, monstrueusement virtuose. Tout le bric-à-brac de la préciosité fin-de-siècle: les glissandi de cuivres, les percussions en folie.....Plus, comble de l'inouï, trois voix de femmes (!) perdues dans une scène bondée et se raccrochant à leur diapason comme les noyés à la bouée (mais on les entendra assez distinctement). C'est localement très beau, mais, mais, mais.....Le texte du programme (by B.F. himself) est un candidat assez sérieux à la convoitée palme d'or du charabia le plus obscur sans être automatique. Croyons en les vertus du copicollage (fiat lux):

En élaborant un agencement qui puisse frustrer constamment notre capacité acquise à inscrire un laps de temps perçu dans l'objet musical lui-même, notre capacité de synthétiser de manière satisfaisante, de faire se recouvrir intuitivement le temps écoulé et la substance pouvait peut-être être subvertie au point que le temps serait translittéré, tel quel, en une prise de conscience de son inadaptation à jouer le rôle qui lui était normalement assigné.

Debussy/Zehnder: 5 Préludes. On est très loin de la suggestion debussyste, avec cette orchestration qui ne recule devant aucun effet.... (pouet pouets pour la Danse de Puck).

Varèse: Arcana. Le grand tube que nous attendions tous. Oh oui, oh oui, plus fort, ENCORE plus fort !!!! La référence au Sacre (Add: d'ailleurs le thème de violoncelles d'Arcana me rappelle surtout celui de la la danse infernale de l'Oiseau de Feu avec son insistance sur trois notes) n'est évidemment que superficielle: le matériau n'est pas développé du tout dans le Sacre alors que Varèse cogne dessus, le tord et le développe dans une pièce longue et élaborée de 18 minutes.

(A part ça, ce serait bien que Mademoiselle Artefact reprenne son blog, non ?)

Add: Au même concert, Pascal a vu un envol de couscoussières géantes et bladsurb de la chrysoprase et du sardonyx.

 

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mercredi 1 février 2006

Messiaen Machaut (et non pas méchant macho) à la Cité de la Musique


Beau programme pour inaugurer le cycle Extase et transe. Avec les Visions de l'Amen, on était tout de suite au coeur du sujet. Ce cycle est plus court et plus concentré (comme du chocolat à 90% de cacao) que les 24 Vingt Regards sur l'enfant Jésus qui datent de la même époque. Le premier Amen (Amen de la Création) prend tout de suite aux tripes: un grand choral cosmique, avec crescendo, avec le thème de la Création aux basses. Note pour moi: réécouter le n°2 (Amen des étoiles, de la planète à l'anneau : une danse sauvage et brutale, ludique au possible) et le n°6 (Amen du jugement: Trois notes glacées comme la cloche de l'évidence. "Maudits, retirez-vous de moi" écrit Messiaen). La dernière pièce (Amen de la consommation) est la glorification du thème de la Création, dans une débauche de cloches et de fusées. Tout cela est du Messiaen de 1943, avec beaucoup de saccharine et de couleurs modales. Très impressionnant à voir (d'où j'étais): Madame Jude - la voix du bas - arpégeant des accords sur 4 octaves! Respect (pendant que Monsieur Beroff - la voix du haut - pépie et sort la verroterie).

Arpèges

En bis: changement complet d'ambiance avec la transcription du Prélude à l'Après-midi d'un faune.

Deuxième partie: Messe de Machaut avec quelques motets intercalés, chantés par le Hilliard Ensemble. Le Gloria et le Credo sont homophoniques, le reste est d'une complexité rythmique redoutable (tiens: le Ite Missa est est chanté). A la limite du fou rire avec C*** (qui s'est trissé discrètement entre deux motets, le bougre), notamment dans l'Amen conclusif du Gloria (et ses hoquets en folie). J'ai eu du mal avec les deux contreténors: celui de gauche ressemble à Rosswell et a vraiment une voix d'extraterrestre, l'autre a un air de comptable de la City; très agité du bocal, il est doté d'une voix étrangement nasale. Persiflage mis à part, l'ensemble des cinq voix sonne très juste, c'est vocalement très beau tout en préservant l'individualité des voix.

Ah j'oubliais le plus important: croisé Gaël Morel au métro Blanche à 23h20. C'est un signe, mais de quoi ?

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mercredi 20 juillet 2005

l'étonnante synthèse : Huelgas et la Rochelle

...je continue à picorer dans mes disques Huelgas et je tombe sur leur subliiiime disque Claude Lejeune, le Printans, que j'avais complètement oublié. Tiens, Claude Lejeune, un parpaillot qui s'est réfugié à La Rochelle en 1589, pendant l'un des âges d'or de la ville, avant le siège de 1628 et le retour à la couronne royale. Ce cahier célèbre dessine une des portes de sortie possibles au grand bain lustral (ou la grande bouillie, comme on voudra) de la Polyphonie Renaissante, pas la plus empruntée assurément. Lejeune adopte la scansion des Anciens et abandonne la mesure fixe, se calant complètement sur le texte de de de de Baïf qui est remarquablement intelligible, de de de ce fait. Comme le dit sauvagement le texte de la pochette (je n'oserais pas opposer homophonie à mélismes, moi, c'est sûr), Lejeune "opte sans compromis pour un style purement homophone, exempt de mélismes". Accessoirement, Lejeune était l'un des compositeurs de Messiaen, à cause des rythmes non rétrogradables (ou palindromiques, si on veut) et de l'écriture modale, je crois ....Hop, dans la radio (il faut bien pouvoir s'isoler de ses petits collègues, de temps à autre).

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vendredi 26 novembre 2004

Saint François d'Assise: sacré Messiaen ! (1/2)


Désolé, je dois avoir attrapé le virus, pas plus que Messiaen, je n'ai su faire court.

SFDA et moi en 1983. Saint-François d'Assise, l'opéra de Messiaen, c'est une longue histoire pour moi. J'en ai vu des bouts à la télé dans les années 80. A l'époque j'étais au Conservatoire et en classe d'analyse on travaillait sur les Trois petites liturgies: j'adorais ça et, toujours prêt à tout, je sautillais dans les couloirs en chantonnant: "il est venuuu le bien aimé, c'est pour nous, POUR NOUS !" et en secouant mes couettes. A l'époque, j'aimais tout Messiaen jusqu'à Chronochromie inclus. De St François, en 1983, le consensus, enfin, ma prof d'analyse, qui était le centre du monde du moment, disait le plus grand mal: " il n'y a rien de nouveau par rapport aux grandes oeuvres des années 40, c'est ennuyeux, c'est irreprésentable, c'est mystique". Donc fermons le ban, je n'avais pas vraiment fait l'effort de m'y intéresser.

Messiaen est mort. Aujourd'hui, Messiaen est mort depuis 12 ans. Avec un peu de recul on peut réévaluer l'oeuvre, que je vois dans son intégralité pour la première fois. Il faut se rendre à l'évidence: ma prof vénérée d'analyse avait parfaitement tort (jalouse, va !), ça tient très bien le coup. Comme le dit justement Cambreling c'est une oeuvre facile d'accès pour le profane tout en étant d'une complexité redoutable pour le musicien (ce qui est un bon cahier des charges, de mon point de vue). J'ai eu en fait le déclic en écoutant l'oeuvre dans sa continuité; ça m'était déjà arrivé avec les Troyens, opéra auquel je ne comprenais rien avant de l'avoir vu in extenso. Oui, c'est très long... mais après tout moins que la Tétralogie. Et puis, au fond, c'est une succession de très petites formes, pas une série de mouvements lents à la Bruckner; la preuve, j'arrive à faire tenir en 4' le chant de l'ange dans la radioblog. C'est Boulez, je crois, qui disait avec son impayable humour à froid que Wagner était un champion de la petite forme; et bien Messiaen c'est un peu pareil.

Oui, c'est une musique avec des répétitions. Mais c'est un ingrédient de base, en musique, la répétition. Comme chez Wagner, on peut aller à la pêche aux leitmotivs: par exemple, sur laradioblog, a et c démarrent avec le motif, associé à François. De même, le rythme dochmiaque (frappant, si j'osais) avec lequel l'Ange frappe à la porte est réutilisé, tel quel, au moment où François reçoit les Stigmates. Mais Messiaen va plus loin: à la différence des classiques, par exemple, il répète de façon quasi littérale des séquences assez longues, très fragmentées; hétérogènes. C'est un véritable plaisir (comparable à la mémorisation du montage/remontage de la 12-7) de reconstituer la précieuse mécanique de l'enchaînement de ces petites cellules, comme si on répétait des phrases très complexes qu'on ne comprend pas. On a ce phénomène dans la scène des laudes, où les répétitions suivent les strophes du texte. Mais c'est aussi très net dans la scène de l'ange voyageur. Cette scène, très vivante chez Nordey, représente l'ange sans ses attributs d'ange (ses ailes dans un coffre à roulettes) qui vient frapper à la porte du monastère, se fait éconduire, et revient à la charge: à ce moment là on redéroule toute la scène, comme s'il ne s'était rien passé, d'où le comique de situation que j'évoquais avant-hier.

Un retable....mais une gradation dramatique En somme, c'est une musique sans transformation, avec que des aplats, en phase avec la peinture de l'époque de François. Ce qui me frappe, c'est que Messiaen décrit l'approfondissement d'une expérience, pas la conversion. Pour reprendre une lecture récente, rien à voir avec Bobin qui évoque en détails le moment où François tourne le dos aux richesses. Rien à voir non plus avec le monde de la forme sonate, où le matériau est transformé, ici c'est un système clos: le matériau musical, somptueux, richissime, est donné, comme un trésor et n'évolue pas (enfin, je ne crois pas). Cela n'empêche pas qu'il y ait une gradation dramatique : le premier acte est tendu vers le baiser au lépreux, avec un premier trajet de l'ombre à la lumière; le deuxième acte est centré sur l'ange et les oiseaux, le troisième introduit les choeurs pour les épreuves, les stigmates et la mort, avant la joie de la vie nouvelle. Nordey a organisé de façon très intelligente à mon sens le passage de l'horizontal au vertical: on passe d'un petit carré sur terre (les fondations de l'Eglise ?) à une porte qui est aussi une question, à un mur de cathédrale avec deux statues, à un triptyque de couleurs pour aboutir à un retable en cinq panneaux qui reprend tous ls éléments.

Gros naïf, va. Ce qui est beau aussi, c'est la volatilité des humeurs de cette musique, qui bouge tout le temps, sans illustrer mécaniquement le texte. Un mélange de naïveté et d'hénaurme, qui tend vers la joie. C'est naïf comme Pelléas l'est, comme Siegfried l'est : excusez du peu. Les scènes kitsch (il n'y en a pas chez Debussy) ne sont jamais longues- en tous cas elles sont beaucoup plus courtes que les moments d'extase chez Wagner. Un ami que je ne vais pas griller ici dit que la différence entre la musique contemporaine allemande et la française, c'est que les Allemands refusent absolument le kitsch, moyennant quoi leur musique oscille entre le presque-beau et l'horrible; alors que les Français refusent absolument le laid, moyennant quoi leur musique oscille entre le beau et le kitsch. Héhéhé.

Et la croix dans tout ça ? où elle est la croix ? Un dernier mot: je crois avoir dit tout le bien que je pensais de la mise en scène de Nordey, je n'ai pas de problème avec le fait qu'un incroyant s'approprie cette oeuvre. Mais tout de même, ne pas représenter du tout la croix dans une oeuvre où elle est présente du tout début à l'extrême fin frise le contresens. Surtout quand on remplace la lumière de la croix par ce qui est en train de devenir un des pires clichés des mises en scène d'opéra récentes: une rampe de scène aveuglant le public.

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