dimanche 8 octobre 2017
Le Concert de la Loge
Concert dans le goût de ceux de la Loge Olympique, presque dans les mêmes lieux (l'auditorium du Louvre pour une salle du Palais des Tuileries....) et dans le même esprit. Le programme commence par les deux premiers mouvements de Haydn 82, clôture par les deux derniers mouvements; le chef demande au public (inquiet à l'idée d'avoir oublié sa perruque) d'applaudir après les solos du thème et variations de Devienne.... Dans Haydn 82, orchestre particulièrement bondissant et élastique. Magnifique insistance dans I sur cet accord beethovenien dissonant où sol et la bémol (la sixte napolitaine) frottent, dans l'exposition pour amener la dominante, dans le déevloppement pour ramener la tonique. Sublime IV: cet ours est en fait un bourdon, qui monte des violoncelles à l'aigü des violons: une pile d'électricité. Coda de folie (après un long silence et la marquetterie des hoquets). Aussi: 17ième concerto de Mozart (K453 en sol). Dans le finale la variation tragique, en mineur, n'est pas la moindre des pitreries.
dimanche 17 septembre 2017
La Clemenza de Currentzis
Comme à chaque fois chez Currentzis (voir ici), une proposition parfois hors sujet (les tempos dans l'ouverture....) mais toujours excitante et stimulante. Les meilleurs moments de cette Clemenza ont été de mon point de vue les extraits de la messe en ut - Kyrie et Qui tollis en particulier - tension continue, densité du choeur - (poils dressés....) et la musique funèbre maçonnique K427 à la fin, même si elle et assombrit et dénature le sens de la fin de l'opéra.
Après réécoute, j'ajouterais à ma liste de 2011:
- Le n°2, air de Vitellia qui va de la douceur et la séduction (flûtes et cordes, sol majeur) à la menace (Alletta ad ingannar). Hautement virtuose.
- Le n°7: (seul) grand duo d'amour de l'opéra, en la majeur, Annio-Servilia. Musique purement apollinienne.
- Le n°9, l'air de Sesto au 1er acte avec clarinette. Harnoncourt: "Il me semble que la clarinette représente la Vitellia idéale à laquelle Sextus obéit constamment. Elle l'entraîne au plus haut des aigüs, au plus bas des graves. Cela ressemble à la stratégie d'un hypnotiseur, que Vitellia soit fixée dans l'esprit de Sextus sous la forme d'une clarinette. L'hypnose totale par la clarinette". Immenses silences, vendredi soir, entre d'Oustrac et la clarinette.
- Le trio n°10 à l'acte I: musique déchiquetée, prise à un tempo extrême par Currentzis (parfait pour satelliser les chanteurs)
- Le trio n°14 à l'acte II: après le moment Sesto, on discute ici finement le pont, l'entrée de cette s****e de Vitellia, mais la fin de l'exposition - et de l'air - (avec les Vieni de Publius qui vient arrêter Sesto) est très marquante aussi.
- Le n°23, air de Vitellia au second acte. Faussement aimable, avec une excitation qui s'accumule par la virtuosité croissante des cordes et du cor de basset. Bon exemple de la complexité des sentiments dans cet opéra.
dimanche 4 septembre 2016
Bruckner / Mozart à la Philharmonie
Programme ut mineur/ mib majeur: 24ième concerto de Mozart et 4ième symphonie de Bruckner.
Gros Gänsehaut sur
- la coda du 1er mouvement de Mozart (12'58''): le piano déploie des doubles-croches comme des essuie-glaces, qui effacent ce qui reste de combat thématique, aux hautbois et aux bassons, sous l'oeil détaché des flûtes qui planent. On ne bouge plus de do, la messe est dite. Le programme dit joliment que la coda laisse l'idée initiale s'éloigner dans un flou poétique, comme un problème résolu et reporté à plus tard. C'est exactement ça et c'est sublime.
- la coda du 2nd mouvement (8'01''): là, c'est le tictac du basson, relayé par le piano pour conclure, qui est sublime (mécanique du temps qui passe?). Le reste de l'orchestre est un souple et moëlleux matelas rythmique. Un genre de moment parfait, qui s'évapore vite.
- côté Bruckner: à H dans le 1er mouvement (7'54"): au début du développement, dans une atmosphère de détente, les mécaniques déviantes lancées par les appels du cor: ce n'est pas les bons instruments qui répondent, et ils répondent à côté.
dimanche 19 octobre 2014
l'Enlèvement au Sérail, à Garnier
On retiendra:
- Deux airs du trouble amoureux: le premier de Belmonte ("Es glüht mir die Wange...." l'imagination de Mozart est inépuisable dès qu'il s'agit de décrire l'excitation amoureuse, avec palpitations et manifestations somatiques) et le premier air de Konstanze (la tenue des vents au début de l'air, comme le souvenir persistant du bonheur ancien; l'exposition de la forme sonate qui épouse l'histoire -agitée - de l'héroïne; l'hétérogénéité classique et non baroque du discours, et, une fois encore, l'imagination sans limites de Mozart)
- Le plus beau des airs sérieux de cet opéra, Martern aller Arten. Bonne idée de faire monter sur scène le quatuor chambriste, violon, violoncelle et hautbois (quintette si l'on inclut la chanteuse, à la virtuosité instrumentale).
- L'air de Pedrillo, avec son mélange bizarre de bravache militaire et de tremblements (en triolets). Jordan impose de longs silences et fait très bien ressortir les points d'orgue, un ingrédient-clé du portrait d'un froussard.
- La longue et magnifique séquence de la fin du second acte: joie des retrouvailles, puis mise à l'épreuve par une série de changements de tempos, de tonalités.
samedi 24 mai 2014
Voiture balai
Pour mémoire, vu:
un concert Currentzis (Dixit+Didon) en 3D (pas sûr que la 3D soit un progrès, mais on a l'impression que tout ce qu'on avait entendu jusque-là est raplapla) avec un bis mémorable, a cappella (Indian Queen)
un Platée très drôle (Carsen/Agnew),
la générale de la production Sellars/Viola de Tristan (qui m'a hanté pendant les 15 jours qui ont suivi),
une Flûte enchantée Carsen/Jordan avec un beau Tamino,
un Stravinsky/de Falla de l'Opéra Comique oubliable,
un récital catastrophe de Michael Volle (opus 35 + 24, Beshazzar et Der arme Peter). Moins catastrophe qu'un récital mémorable de la sublime Fassbaender à Gaveau; mais je n'ai pas aimé, même en faisant abstraction des problèmes de voix, cette façon de surscénariser les piques des lieder de Heine (der arme Peter, Tragödie); très loin du voile merveilleux que met Goerne, par exemple dans l'opus 35 n°2.
... et une création de Julian Anderson, Thebans, à l'ENO. Trois tragédies pour le prix d'une (une aubaine; mais c'est peut-être un peu court pour un projet d'une telle ampleur, on a juste le temps de suivre les grandes lignes de l'action). Acte I: la chute d'Oedipe (qui correspond à Oedipe roi), "le passé" (50'). Acte II: Antigone ("l'avenir"), acte II (20'). Acte III: Ila mort d'Oedipe (qui correspond à Oedipe à Colone), "le présent" (30'). L'(unique) coup de force du livret est de placer l'histoire d'Antigone avant la grande scène de la mort d'Oedipe dans la forêt sacrée. Musicalement, les actes II et III sont les plus facilement caractérisables, le II par un flux de noires régulières figurant l'Etat policier de Créon, à laquelle échappe Antigone (une idée simple.... trop simple?), le III par une séquence des bruits de la forêt (je lis dans la note d'intention que c'est l'accélération de la musique du début de l'acte I).... mais le reste de l'acte est assez hétéroclite (la fin, avec l'aigü d'Antigone, n'est pas très convaincante). La musique de l'acte I est plus difficilement caractérisable, il y a beaucoup de texte. Oedipe est souvent associé à des volutes de clarinettes; le choeur intervient dans des chorals impressionnants. La musique de Tirésias (une basse qui ressemble à une vieille femme) est associée à des bois très graves. Un des moments réussis est une musique en microintervalles en descente lente, donnant une impression de délitement. C'est globalement une musique non thématique (ça nous fait des vacances). Au total, je suis moyennement emballé. En revanche, la salle de l'ENO, le London Coliseum, quel confort et quel rapport qualité-prix....
dimanche 26 janvier 2014
Biennale 2014
A la Biennale, trois concerts cette année:
- les Borodine jeudi, à décongélation lente. Mozart congelé et soporifique (le ré mineur; à part le 1er mouvement, ce n'est pas ma tasse de thé avec son côté comte-qui-fait-la-gueule; dans le 1, j'aime beaucoup la façon dont les triolets investissent et contribuent à liquider la fin du développement et la fin du mouvement). Tchaïkovsky à température ambiante, rare et pas trop passionnant (à part un choral pas vibré, très blanc). Pour finir, Borodine cuit à point: souple, vivant et chaud. Il faut dire que Borodine n'a pas son pareil pour escagasser le point G de l'auditeur (avec, par exemple, le ré suraigü du 1er violon à l'extrême fin: retour à la vie civile, liquidation précipitée des affaires du quatuor ?) (ou, dans un autre genre, le retour du thème du Notturno, à ***, les deux violons en canon, l'alto en frotti-frotta et le violoncelle en pizz: effet irrésistible sur nos nerfs déjà grandement ébranlés par le duo violon/violoncelle, juste avant)
- les Arcanto, dimanche. Avec Queyras et Zimmermann, je m'attendais à de beaux graves, mais ce que fait la 1er violon est d'une élégance et d'une intelligence incroyables. Au programme, deux Schubert (le magnifique Quartettsatz et le quintette, que je crois avoir trop entendu et qui m'intéresse moyennement, comme je suis peu porté sur l'aérobic et/ou la mystique). Et surtout le KV464 de Mozart, qui est décidément une des oeuvres les plus intéressantes de Mozart (je suis sidéré par les pianissimos des Arcanto, par exemple dans le menuet, très contrapunctique, qui tend parfois vers le silence)
- pour finir, le quatuor de Jerusalem. Mozart, KV589 (celui en si bémol avec le violoncelle en vedette; avec le trio du menuet au pouls qui s'emballe, comme à l'opéra). Janacek: le 1er quatuor (celui avec le finale au thème de Katia Kabanovna). Et, ce pour quoi on était venus, le Smetana de ma vie. Voilà un quatuor en pleine possession de ses moyens (qui sont immenses....)
vendredi 16 mars 2012
Don Giovanni à la Bastille
Une série d’éblouissements
1- L'air de Donna Elvira (Mi tradi, avec arabesques de clarinette) chanté par Véronique Gens. Un timbre merveilleux et une puissance qui m’a soufflé.
2- Le Don Giovanni de Peter Mattei, grand seigneur, une présence et une voix idéale alliant la puissance à la souplesse (les scènes de séduction avec Zerline: mazette...). Un Don Giovanni qui, presque plus que par un viol et meurtre un peu irréels, nous choque ici par ses atteintes répétées au code du travail : il envoie au casse-pipe sans vergogne son employé Leporello (les surtitres parlent de patron et d’employé) et commet abus de pouvoir sur abus de pouvoir envers Masetto. Dès la fin du premier acte, il est déjà mort dramatiquement, la couenne plus que grillée; il erre comme un zombie au deuxième acte, où son double Leporello subit une réplique de la mise à mort symbolique du premier acte. Et la rencontre avec le Commandeur est une entrevue entre deux morts-vivants; c’est presque trop d’honneur que d'offrir à un tel voyou une mort en ré mineur avec trombones.
3- Les couleurs parfois inattendues des tonalités : le do majeur bourrelé d’inquiétude de Masetto; le ré majeur de la vengeance qui répond au ré mineur de la transgression ; le mi bémol majeur sublime, à clarinettes, du trio des masques ; le fa majeur de l’intrigue théâtrale (Masetto et les paysans) ; le sol majeur de la confiance enfin trouvée (magnifique Don Ottavio, Bernhardt Richter) ; l’instabilité tonale dans le finale du premier acte.
4- Le mélange des genres : les grands airs d’opéra seria avec introductions pointées, roucoulades puis coda frétillante; les grands ensembles (le sextuor fou du deuxième acte avec ses cadences rompues) ; mais aussi les collages de musique, la musique sur la scène (avec commentaires du spectateur et commanditaire), la fluidité de l’action où un mot fait tourner l’atmosphère, bref le flux ininterrompu des idées musicales de Mozart….
mardi 27 septembre 2011
La clémence de Titus à l'Opéra Garnier
Première fois que je vois cet opéra (que je ne connais qu'au disque). En deux actes, l'un qui embrouille tout, jusqu'à un noeud tragique; l'autre qui dénoue les tensions (mais achève l'empereur). C'est réussi car la méchante l'est vraiment (et bien toxique en plus). C'est cette créature ravagée par la passion, davantage que le clément empereur, qui rafle les plus beaux airs, avec son sextoy Mondamoiseau âme damnée de Sesto. La musique est moins riche que celle d'Idoménée, plus apollinienne, dégraissée. Il est de bon ton de taper sur les récitatifs de Süssmayr, mais le moment de la confrontation entre Sesto et Tito est extraordinaire (les deux scrutent sur la même musique le visage de l'autre...). J'ai envie de réécouter:
- l'air de Sesto au premier acte (en si bémol, célèbre à juste titre, avec cor de basset solo)
- toute la fin du premier acte, magnifique
- l'air de Publio au second acte (il veut faire douter Tito, et l'ostinato des cordes reprend la trace du chien des Saisons de Haydn: une nouvelle piste à suivre, truffe à l'air. Incidemment, c'est une des plus petites formes sonate de l'opéra; centrée sur une idée unique -et fructueuse)
- l'air de Sesto au second acte, peut-être le plus mystérieux de toute l'oeuvre. Sesto veut parler à son ami Tito, mais ne peut rien dire. Impassibilité (la bémol très étale), mais tension (intervalles acrobatiques) et chromatismes à la fin de l'exposition sur "se vedessi questo cor". Fin à étages multiples.
- l'air de Vitellia au second acte (encore avec le cor de basset, en fa, pendant de l'air de Sesto au premier acte. Virtuose et un peu fou)
Belle production dominée par le couple vocal Vitellia / Sesto (Hibla Gerzmava/ Stéphanie d'Oustrac). Mise en scène intelligente mais parfois négligente et inutilement bouffonne (1/ Vitellia faisant tomber des fleurs en plastique sur du béton: bruit énorme, grotesque au possible, à la Deschiens 2/ Publio se cassant la figure du monument à Titus pour ramasser sa couronne: rires irrépressibles dans un amphithéâtre chauffé à blanc).
dimanche 19 juin 2011
Idoménée, au TCE
J'ai déjà beaucoup écrit sur cet opéra qui est un de mes préférés. J'aime l'abondance des affects musicaux, qui coïncident parfois bizarrement avec les affects dramatiques (la merveilleuse prière d'Idoménée à Neptune, avec le choeur d'hommes et les pizz: c'est une musique édénique pour un moment de grande détresse intérieure d'Idoménée). On a pu vérifier hier soir qu'il est très difficile d'applaudir après les airs, tant l'intégration entre airs et récitatifs est forte. N'en déplaise aux hueurs, je reste un fan absolu des mises en scène de Braunschweig; cet Idoménée me rappelle un Fidelio mémorable et déjà ancien au Châtelet (avec une même science des volumes et des lumières) .... le décor est peut-être (peut-être, hein) moche, mais il est intelligent et éclaire l'action (je n'ai aucun souvenir d'image forte de l'Idoménée de Garnier, tiens). Beau et fort troisième acte, avec entre autres l'apparition de la Voce, pile là où se tient le chef d'orchestre (non content de dénouer l'action, il se tourne vers le public en chantant: "E premiata l'innocenza..." d'un air ravi). Idoménée (Richard Croft) magnifique dans l'air haendelien du second acte. Dans le rôle d'Elettra, la plus réussie des méchantes de Mozart, Veronica Coku est d'une belle présence scénique mais pas toujours au mieux vocalement. J'ai eu un faible pour l'Idamante de Kate Lindsey. Je suis sûr que Klari aurait aimé les applaudissements: ambiance de fin de festival, jeunes chanteurs émus d'avoir participé à une aventure et s'embrassant, passage de témoin réussi entre la vieille garde (Croft) et les trois jeunes (Ilia/ Idamante/ Electre). Exactement le sujet de l'opéra.
mercredi 25 mai 2011
le COE à la CDM
Concert-plaisir hier avec l'Orchestre de chambre d'Europe, dont j'ai beaucoup de disques à la maison (Beethoven/Harnoncourt notamment) mais que je crois bien ne jamais avoir entendu live. En l'absence de Pierre-Laurent Aimard, ils jouent ce soir sans chef, se fiant au panache mouvement de tête de la 1er violon (et ça marche très bien). Merci à l'instigatrice de cette soirée dont je comprends mieux le youpisme enthousiasme. Au menu, que du classique:
- Mozart: 29ième symphonie (la majeur). celle avec les groupes fusée dangereux dans le finale (là, rien à dire: nickel).
- Mozart: concerto en sol majeur n°17. Celui avec le premier mouvement qu'on pourrait définir comme "la musique en sol majeur la plus solmajeuresque jamais écrite" ou bien "la musique correspondant la plus à la définition la plus communément admise du bonheur". Celui avec le mouvement lent à bouffées de chaleur (des grands vlam des cordes et du piano). Celui avec un finale à variations ressemblant à une symphonie complète (avec mouvement lent plus drama queen tu meurs et presto finale en éclats de rire)
- En bis: une délicate attention pour notre instigatrice, un beau Schumann (c'était le n°2 des Davidsbündlertänze, non?)
- Bach: double concerto en ré: avec les deux magnifiques premiers violons solo, Lorenza Borrani et Marieke Blankenstijn. (mais celui-là, je l'ai trop joué, je l'ai trop entendu)
- et last but not least, la symphonie classique de Prokoviev.
Pour ceux qui sont restés après le concert, un petit test grandeur nature a permis de mettre en lumière de façon incontestable et parfaitement scientifique l'étendue des ravages de la wagnéromanie chez notre jeune et innocente KlarrHülde instigatrice. (Elle est grave, je vous dis)