Haydn à l'Epau (24h au Mans (et ailleurs))
Ce week-end, petite balade au Mans pour découvrir le festival de l'Epau, consacré cette année à Haydn. L'Epau: un festival à la programmation impeccable, plus gommettes que paillettes, dans le beau décor d'une abbaye cistercienne, en banlieue du Mans. Le hasard du calendrier a voulu que nous assistions, les deux Philippe et moi, à la soirée rigolade de ce festival: dans le dortoir des moines, un programme de vendredi saint, avec la météo qui allait avec..... Oratorio en treize numéros d'un Haydn qui en 1767 n'a pas encore sauté le pas du style classique. Une musique contemporaine des grands Stabat italiens, pas vraiment passionnante. Il faut bien convenir que sur un texte aussi mauvais, c'est difficile d'écrire une belle musique. L'intérêt de l'auditeur se porte surtout sur chacun des douze excellents choristes du choeur Bernard Têtu, que l'on a l'occasion d'entendre chacun séparément ou par petits ensembles. J'ai aimé les deux airs de basse (complètement Sturm und Drang et Dieu sait pourquoi moins gnangnan que le reste) et les morceaux avec choeurs, surtout le n°7, juste au centre. Grand concert, magnifique interprétation du quatuor Ysaÿe que je n'avais jamais vu aussi en forme. Chacune des paroles du Christ en croix était commentée par Michel Serres (une lecture au plus près des textes) et illustrée par des photographies de Gérard Rondeau. De quoi laisser respirer chacun de ces mouvements lents particulèrement denses. Pas évident de mettre en lien le texte et le commentaire, parfois aussi étrangers l'un à l'autre que les deux textes de W. Néanmoins, jubilation intense quand Serres explique que "Aujourd'hui, tu seras avec moi au paradis", c'est la croyance que la vie du bon Larron, une vie encore plus ratée que le naufrage social complet que représente la vie du Christ, peut être transfigurée in extremis par une parole. Et bien la musique de Haydn c'est exactement ça : dans cette forme sonate, le second thème succède sans transition aucune au premier thème, dont il reprend exactement la musique, mais en majeur, aussi héroïque et beethovénienne que le début était désolé et catatonique. J'ai aussi un faible pour "J'ai soif" et ses pizz étranges. Il faudrait citer les beautés de tous ces mouvements lents météoriques. Et aussi