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zvezdoliki
31 janvier 2013

Merci, Madame Taubira

Vous pouvez continuer à refuser de voir, à refuser de regarder autour de vous, à refuser de tolérer la présence, y compris près de vous, y compris, peut-être, dans vos familles, de couples homosexuels. Vous pouvez conserver le regard obstinément rivé sur le passé et encore, en regardant bien le passé, y trouverez-vous des traces durables de la reconnaissance officielle, y compris par l’Église, de couples homosexuels. 

Vous avez choisi de protester contre la reconnaissance des droits de ces couples; c’est votre affaire. Nous, nous sommes fiers de ce que nous faisons. Nous en sommes si fiers que je voudrais le définir par les mots du poète Léon-Gontran Damas : l’acte que nous allons accomplir est « beau comme une rose dont la tour Eiffel assiégée à l’aube voit s’épanouir enfin les pétales ». Il est « grand comme un besoin de changer d’air ». Il est « fort comme le cri aigu d’un accent dans la nuit longue ». 

(j'ai enlevé les cris d'oiseaux du compte-rendu de séance; j'en profite pour signaler que j'ai aussi beaucoup aimé ceci)

Quant à nous, nous sommes allés fêter les 19 ans d'une union inféconde dans un restaurant de la rue de l'arbre sec (ça ne s'invente pas).

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19 janvier 2013

David et Jonathas à l'Opéra Comique

Médée puis ce David et Jonathas, quelle aubaine: ce qui restera pour moi l'année Charpentier se prolonge avec ce bel opéra que je ne connaissais pas du tout, et que je ne peux pas tout de suite réécouter: il n'y a plus d'enregistrements à ma FNAC du coin et je ne le trouve pas davantage sur Spotify. Ce que je réécouterai quand j'aurai l'enregistrement:

  • "Non, non le reste de la Terre N’eust point couté plus d'efforts à son bras". les choeurs du 1er acte, proprement somptueux.
  • les airs de l'humeur noire, l'une des spécialités de Charpentier: le plus beau est sans doute celui de Jonathas, acte IV, mais l'air de David, acte I est aussi poignant.
  • l'extraordinaire scène de l'acte III où David essaie de fléchir Saül (avec les flûtes par deux, sans doute l'attribut de l'innocence - ou une couleur pastorale pour évoquer l'ancien berger, aux antipodes de ce qu'on imagine d'un guerrier).

Il y aurait beaucoup à dire sur le talent de coloriste de Charpentier, la façon dont il utilise les hautbois, les bassons, les cordes graves (qui accompagnent l'oracle de Samuel); la caractérisation des personnages par les couleurs de voix: la voix à la fois virile et aigüe de David (magnifique Pascal Charbonneau, un engagement dramatique comme on en voit peu et une belle prise de risques), celle, cristalline et encore un pied dans l'enfance, de Jonathas (Ana Quintans, très bien aussi).

Ce qui rend Charpentier si vital par rapport à Lully ou même Rameau, c'est sa façon d'aller droit au but, de ne pas biaiser avec le noeud tragique; comme chez Monteverdi, les (nombreuses) scènes de genre sont contaminées par l'action (comme le beau choeur final).

Cette production a fait le choix de placer le prologue (la prédiction de Samuel) au centre de l'action. Cela met au centre deux actes marqués par la folie (la fureur) de Saül, un personnage submergé par une haine qu'il est incapable de contrôler, enserrant deux fois deux actes plus centrés sur David et Jonathas, version ascendante puis descendante (dont l'histoire de Sevrais et Souplier sera un écho lointain). Le choix (*spoiler*) de faire de la mort de la mère de Jonathas le noeud du drame m'a semblé gratuit, mais je ne vais pas bouder mon plaisir tant la direction d'acteurs était vivante et en phase avec la variété sans cesse renouvelée de la musique de Charpentier.

15 janvier 2013

Le coming-out de mes parents

Je n'arrive pas à comprendre comment j'ai pu être aveugle à ce point. Quand ma soeur m'a appris, par SMS, jeudi, qu'elle et mes parents iraient à la manif du 13, je suis tombé des nues. J'avais bien trouvé suspect que mes parents prévoient 15 jours à l'avance d'être "à Paris à la mi-janvier", alors que jamais ils ne sont fichus de réserver un train ou de s'astreindre à un calendrier un peu fixe. Ils m'avaient juste dit qu'on trouverait bien le temps de se voir mais je n'avais pas vraiment fait le lien, en me disant que sur ce sujet chaud, ils adopteraient une neutralité prudente, comme à Noël où nous avons évité les sujets qui fâchent.

Je ne sais pas si mes parents y sont allés, finalement, mais peu importe. J'ai eu un échange de mails avec mon père, j'ai commencé par lui écrire que j'étais consterné qu'ils y aillent et lui suggérais quelques bonnes lectures. Il m'a répondu avec un message très affectueux, dans lequel il m'expliquait qu'ils iraient manifester, ma mère et lui, si le pied de ma mère allait mieux et si elle n'était pas trop fatiguée; qu'il était contre le projet de loi et que sa démarche n'était pas dirigée contre moi; qu'il me remerciait de ces bonnes lectures mais que lui aussi avait lu des anthropologues, des psychiatres et des rabbins, que sa conviction était faite.

J'ai renvoyé un message un peu plus agressif, dans lequel je commençais par lui faire remarquer qu'il avait peut-être lu des anthropologues, des psychiatres et des rabbins mais qu'il avait juste oublié de parler du sujet avec son fils et le garçon avec lequel il vit depuis 19 ans; que ce garçon et moi-même soutenions activement ce projet de loi; qu'il avait peut-être "oublié" ce qu'il sait pourtant depuis 19 ans, à savoir que je vis avec un garçon; qu'il s'apprêtait à manifester directement contre l'ouverture de droits à une minorité à laquelle j'appartiens; qu'il était hors de question de prétendre qu'il n'allait pas manifester contre moi. Je lui ai aussi raconté quelques unes des réponses que G a reçues de sa famille après avoir envoyé un message un peu analogue, lui disant que sur un échantillon large il y avait un partage très net entre les idéologues abrutis et ceux qui se souciaient vraiment de lui.

Nous en sommes là. J'ai fait passer à ma soeur le message qu'il était mieux pour la sérénité de tous que nous évitions de nous rencontrer en vrai ces jours-ci (je suis peut-être aveugle mais je sais aussi que je suis aussi soupe au lait qu'eux, et pour cause). Elle m'a fait passer le message qu'ils vont sans doute faire profil bas, concéder une rencontre qui s'annonce protocolairement aussi complexe que celle du Camp du Drap d'Or, dans des conditions "acceptables pour les deux parties". Il a été très facile de dissuader ma soeur d'aller à cette manif; elle voulait y aller pour des raisons qui n'avaient pas grand chose à voir avec le sujet du jour.

L'essentiel n'est pas là. Ce week-end, il m'est enfin devenu clair que mes parents sont des militants actifs de la discrimination. Des militants actifs, en train de faire leur coming out. Pas comme je le croyais, des parents perturbés par la révélation de l'homosexualité de leur fils, qui préfèrent se voiler la face sans assumer et qu'il faut ménager et traiter avec humanité et délicatesse. Non, ils sont cohérents dans leur défense active du sacrement du mariage comme seule réalité sociale digne de reconnaissance et dans leur rejet de l'homosexualité. Oui, c'était important pour eux d'aller se déplacer pour crier qu'un couple homosexuel, ça ne vaut pas et ça ne vaudra jamais un couple hétérosexuel. C'est cohérent avec tout le reste; cette façon qu'a ma mère de détourner la conversation dès que je parle de G; le fait qu'ils ne l'ont jamais invité, qu'ils ne se sont jamais intéressés à lui; ces efforts permanents déployés pour gommer son existence, auprès de mes neveux, auprès du reste de la famille, au nom de la protection de l'enfance, au nom de l'homophobie qui est partout là, vous serez tellement mieux dans le placard, hein bien sûr. Mais bien sûr à leurs yeux ce n'est pas de l'homophobie; c'est la seule attitude compatible avec la protection de la seule réalité sociale digne de reconnaissance, la famille et les enfants. J'irai défiler le 27 janvier pour une autre idée du mariage, comme je l'ai fait le 16 décembre. Et j'en informerai l'ensemble de la famille.

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