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zvezdoliki
27 avril 2005

Mon premier Tristan (et quelques autres aussi, Isolde, Bill, Peter, Esa-Pekka)

(C'était dimanche dernier, Tristan et Isolde à l'Opéra-Bastille dans la production Salonen/ Sellars/ Viola).

Tout d'abord j'ai trouvé qu'il y avait un vrai problème d'équilibre perceptif entre la mise en scène, le discours musical, le texte du livret, la vidéo (qui sur très grand écran sidère, capte toute l'attention). C'est un problème habituel à l'opéra, où si l'on veut se concentrer sur la musique, il faut parfois faire abstraction d'un des autres paramètres....Dimanche, j'ai fait une croix sur le texte du livret de Wagner (placé où j'étais, je n'ai pas vu un seul surtitre) et sur la mise en scène de Sellars (très éloignée de sa signalétique habituelle, rien à voir avec ses mémorables Grand Macabre ou Rake's Progress au Châtelet).

Donc, Viola. Il m'a semblé que la vidéo, avec toutes ses qualités, était vraiment loin de l'opéra de Wagner, dont elle n'a conservé que quelques symboles forts: l'eau, le feu. Surtout au premier acte que Viola réduit à un rituel de purification impliquant un homme et une femme face à la caméra (c'est bien ça le facingness?) et en écran séparé (c'est bien ça le split-screen ?). La vidéo gomme tout ce qu'il y a de conflictuel dans cet acte, évacue toutes les manigances d'Isolde. Et pourtant, du conflit, il y en a, notamment au moment de l'entrée en scène de Tristan à la 4ième scène, avec cette musique tendue de grands fauves qui rôdent.

 

 

J'ai trouvé gênant, pour ne prendre qu'un exemple, de perdre complètement le fil du récit d'Isolde (qui raconte que Tristan, qu'elle avait guéri d'une plaie inguérissable, l'a trahie pour la livrer au roi Marke: c'est un grand moment d'ironie féroce et de haine, tellement fort que je le mets dans la radio, hop) pour rester sidéré par le spectacle du déshabillage lent et hiératique d'un genre de couple d'universitaires crades entre deux âges de Berkeley. Justement, les plaies qui suppurent, Viola ne s'y intéresse pas davantage au troisième acte, qu'il peuple toutefois d'images marquantes: le vent qui souffle, des flux variés qui balaient l'écran et qui rendent tangibles le redémarrage du temps après la nuit de l'acte II; et à l'arrivée tardive d'Isolde, le triomphe de l'eau sur le feu. Pour finir, le Liebestod illustré avec la neige qui tombe, comme chez Adamo; mais au risque de passer pour un abruti, j'ai aussi toujours trouvé un peu toc cette musique avec ses scintillements.....

C'est une expérience forte que de suivre l'opéra dans sa continuité, avec son sous-texte musical si riche de sens, si complexe par rapport au discours musical des classiques qui fonctionnent à l'économie à partir d'un nombre limité de petites cellules. Evidemment on sort de là en proie à un délire interprétatif carabiné. En étymologiste allumé (d'ailleurs, fève et haricot ne viennent-ils pas de la même racine, via favaricus ?), je me perds en conjectures pour retrouver tout ce qui, de ces motifs proliférants, relève du versant Tristan et du versant Isolde. C'est la faute à Siegfried, le bibliothécaire de l'abbaye bénédictine de St Ottilien près d'Augsburg, (où, digressons, on s'intéresse, ces jours-ci, à un autre ténor bavarois), qui met le ver dans le fruit en mettant sur son site un bottin des leitmotivechez Wagner. En fait, je me demande si c'est Wagner lui-même qui a donné des noms à ces thèmes, ou si c'est l'invention diabolique a posteriori de musicologues fanatiques. Je reste perplexe sur ces noms, rien qu'à la première mesure de l'opéra je me demande

 

 

pourquoi chez Kobbé a est Tristan, b Isolde, alors que dans la liste de Siegfried a est l'amour, b la souffrance....

Toujours victime du haut mal, j'ai tendance à soupçonner une intention de Wagner lui-même si le thème dit du jour (que l'on entend un nombre de fois incalculable au 2nd acte, en cascade ou très lentement):

 

 

s'entend comme un renversement du Liebestod

 

 

tout en ressemblant très fort, évidemment au thème a (Tristan). J'arrête là car l'ambulance approche.

Sinon, qu'est-ce que qui m'a marqué cette fois ?

- J'ai accroché avec l'acte III, que j'écoute moins spontanément que les 2 premiers. Notamment son prélude (radio), qui part de l'extrême grave avec le son chaud et métallique des violoncelles et ses gammes avec secondes augmentées. Et puis tout le travail de réminiscence des motifs des actes précédents qui irrigue les scènes de délire de Tristan.

- Toujours au rayon des musiques dépressives, je réévalue celle du roi Marke, à la fin de l'acte II et de l'acte III, aussi désabusé et inapte à l'action qu'Arkel dans Pelléas. J'y ai beaucoup pensé à Pelléas, notamment l'acte IV avec ses "je veux qu'on me voie": comme dans Tristan, se mettre en pleine lumière, c'est aller au-devant de la mort.

- Windgassen sur mon disque est bien fadasse à côté de Ben Heppner, qui rappelle Vickers, en grand fauve, mais à qui j'ai trouvé des défauts (quelques dégueulandi douteux dans l'acte II, sacrilège). Rien à dire du reste de la distribution, de premier ordre.

-Il faudrait écrire une note sur le schtounk des 25 contrebasses dans le prélude de l'acte I. C'est à 1'35" du début dans la version Böhm (hop dans la radio), on ne peut pas le louper, après ça, la musique devient diatonique, optimiste et tout et tout. Ce pizz fait absolument un effet boeuf et, si j'osais, c'est lui qui met le feu au lac. On retrouve le même effet au moment de la scène du philtre où il déclenche la suite de l'action. Et bien évidemment à la fin de l'acte II, reprise de la musique du prélude (au cor anglais), mais là plus de pizz...le désespoir. Un peu comme sur ma gazinière quand le bidule ne marche plus.

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12 avril 2005

indicateur des chemins de fer

Longue et délicieuse investigation sur différents sites de chemin de fer nationaux. Le plus excitant de tous est sans conteste celui de la CFF suisse, rien à voir avec l'horrible site des trains italiens ou celui de la SNCF qui ne sait que répondre: "vous avez trop de correspondances pour ce trajet", alors que les Suisses, braves bêtes, répondent crânement par un itinéraire qui les snobe totalement.

Ainsi doncques, la solution la plus raisonnable pour aller de Paris (France) à Dobbiaco/ Toblach (Italie) semble être d'éviter absolument la Suisse (hum, une telle proposition est-elle compatible avec le théorème de Rolle ?) et de prendre l'itinéraire suivant:

22:55 Paris Gare de l'est

08:58 München Hbf

09:32 München Hbf

11:21 Innsbruck Hbf

11:26 Innsbruck Hbf

12:48 Fortezza/ Franzensfeste (tiens, les Italiens se sont débarrassés de -Ferdinand ou de -Joseph)

14:20 Dobbiaco/ Toblach

Et de là, prendre le bus Steinertouring jusqu'à Lago di Braies d'où démarre la randonnée.....

Et si finalement, comme d'habitude, on allait dans les Pyrénées chasser le Grothendieck ?

11 avril 2005

une histoire de fenêtres

Un sketch d'anthologie samedi; le sentiment, qu'à 36 chandelles, on put encore être un gros ballot.

(désolé, ce blog va faire ce soir tribune du type 50 millions de consommateurs)

ça fait un certain temps que je réfléchis à changer les fenêtres des WC et de ma chambre, et quand vendredi il y a 10 jours on m'a démarché par téléphone pour un devis gratuit pour des fenêtres, j'ai dit oui sans trop me poser de questions.

Vendredi dernier, 1ère mauvaise surprise: la téléopératrice me prévient que la visite du commercial chargé du devis, prévue pour samedi matin 11 heures, durera une heure. Bon. Samedi matin, le deviseur arrive avec une demi-heure de retard. Bon. Assez vite, je comprends que cette entreprise (dont je vais dévoiler sans trop de scrupules l'identité, parce que après discussions il se révèle que mon cas n'est pas si isolé: c'est Isorama) est spécialisée sur du haut de gamme. Le commercial chargé du devis, après m'avoir demandé deux verres d'eau, me détaille toutes les performances techniques de ses fenêtres: elles sont capables de résister à des ouragans deux fois plus rapides que la tempête de 1999. Très bien, pas forcément très utile pour des fenêtres de WC. Au passage, comme je fais la moue quand il me dit qu'il est obligatoire que les pouvoirs publics reconduisent la TVA à 5,5% et la ristourne fiscale de 15% sur ses produits (qui je le comprends aussi assez vite, vont m'être intégralement répercutées dans la facture), il me demande si je suis fonctionnaire; il est ébahi quand je lui dis que je suis dans le privé (et même dans le privé privé): manifestement, ça le dépasse qu'on soit dans le privé et soucieux de l'intérêt général. Un indice supplémentaire sans doute pour lui qu'il a affaire à un imbécile du type des bestioles abruties qui pendent chez le volailler (qu'on plume, quoi).

Puis me lance un premier prix: 5400€ pour deux fenêtres (> 35 000 FF). Arrivé à ce stade, je plaide coupable. J'aurais dû ouvrir la bouche d'un air théâtral, débiter un oxymore du type " ha, je reste sans voix", énoncer nettement: "haha, cher Monsieur, la porte c'est par ici". Mais je l'avoue, je n'avais pas la moindre d'idée du prix d'une fenêtre, et je me suis dit que de toutes façons je ferais un autre devis, et en petit provincial bonnasse qu'au fond je n'ai jamais cessé d'être, que ce n'est pas la peine d'aller au clash. Le type, intuitif, sent assez vite qu'il est totalement hors marché et me dit: "Si je résume votre pensée, cher Monsieur, vous êtes convaincu de l'excellence de nos produits mais vous n'aviez pas l'intention de mettre autant". Ce à quoi j'opine mollement.

C'est là que le type marque une pause, me dit: cher Monsieur, puis-je utiliser votre téléphone ? et que là, insidieusement, nous rentrons dans une nouvelle dimension. Le type appelle son patron, qui est- fatalement -particulièrement difficile à joindre et finit par rappeler, toujours sur mon téléphone, cinq minutes plus tard. Sans m'expliquer le sens de sa démarche, mon commercial entame une discussion avec son patron en lui faisant valoir qu'il a travaillé sur un chantier particulièrement lourd (1275 fenêtres) au terme duquel il serait susceptible de bénéficier d'un avantage personnel qu'il ne peut exploiter car il n'est que locataire, mais dont il pourrait faire bénéficier Monsieur [moi], si toutefois son patron prenait la peine d'appeler en personne un Monsieur Trucmuche. Il raccroche, nouvelle sonnerie, je comprends que le patron a appelé Monsieur Trucmuche. Et mon commercial finit par m'annoncer triomphalement que je vais pouvoir avoir les deux merveilleuses fenêtres pour seulement 4200€, mais qu'il faut que je signe tout de suite (parce qu'il doit aller faire les plans de mes fenêtres cette après-midi à son bureau pour les intégrer à la commande Trucmuche qui doit partir lundi) et que bien entendu je sois discret (-Vous savez être discret Monsieur Z ?), parce que je vais bénéficier d'un superbe privilège.

C'est là que ça se gâte et que ça tourne à la farce. Je refuse évidemment de signer: quel que soit le prix, je veux pouvoir réfléchir et faire un second devis. Mais plus je monte le ton, plus le deviseur abaisse le prix: à ma grande stupéfaction, on tombe de 4200€ à 3800€. Puis, alors que, à quatre pattes dans mes dossiers, je découvre que j'ai payé trois grandes portes fenêtres avec isolation phonique maximale 13000 FF en 1997, et que j'explique à mon excité que l'ordre de grandeur pertinent c'est 2/3 de 13000 FF, et avec une grosse décote parce que je n'ai pas besoin d'une qualité extrême pour des fenêtres de WC, le prix rebaisse: nous arrivons à 2300€.

Comme je refuse toujours de signer, mon commercial me sort le grand jeu; - monsieur Z, mon patron veut vous parler; et l'autre m'aboie: - Oui, M.Z, à quel prix vous allez signer ? Vous voulez qu'on vous la fasse gratis cette fenêtre? Je change de stratégie (ça fait 2 heures que le type est là avec ses boniments): je m'habille en lui montrant la porte. Comme il n'y a toujours pas moyen de s'en débarrasser, je file sur le balcon avec mon portable (que l'autre ne m'a toujours pas confisqué, on se demande pourquoi) et disparais derrière le pot de fleur d'où j'appelle le chat qui, en entendant le montant des devis, me hurle: "mais fous le à la porte ! et avec un coup de pied au cul !", m'expliquant qu'il se fait fort de me trouver un devis à 900-1000€. C'est décidément une comédie: c'est ce que je dis au type, qui me répond que non, c'est très sérieux, que je suis bien bête de passer à côté d'une telle affaire. Je suis littéralement obligé de lui reprendre mon téléphone de la main et de le pousser dehors. Non mais !

7 avril 2005

concert Kagel à la Cité de la musique

Vu avec F. (merci toi) un concert Kagel, mercredi à la Cité de la musique, dans une salle vide comme j'en ai rarement vues à Paris (et encore, manifestement largement remplie avec des invitations....).

Kagel, c'était presque une découverte pour moi. Trois oeuvres au programme:

- Doppelsextett, une oeuvre assez grise, pour 2 violons, 2 violoncelles, 2 contrebasses et l'équivalent chez les bois (ie, sans alto ni clarinette, pas très schumannien, ça, Monsieur Kagel)

- Finale, une oeuvre écrite par Kagel pour ses 50 ans. Elle met en scène (entre autres) une crise cardiaque du chef. C'est gentil, sans plus, mais orchestré de façon séduisante, avec cuivres et percussions.

- Le morceau de résistance, c'était ...., den 24.XII.1931 , Nouvelles tronquées pour baryton et instruments (quatuor à cordes + piano+ percussions inventives et pléthoriques: presque tout le sous-sol du BHV.... et un peu du 1er étage aussi). Kagel a repris des extraits de journaux allemands du jour de sa naissance, à Buenos Aires, comme support au texte chanté par le baryton. L'ensemble tient remarquablement le choc: c'est à la fois drôle, poétique, puissant et d'une belle cohérence souterraine. Des idées de bricoleur de génie, qui passent bien, citons, en vrac au début de la pièce, un métronome qui démarre (normal pour une naissance), plus loin, un container d'objets qui tombe pour figurer l'effondrement du toit de la bibliothèque Vaticane.

A la fois le sujet de la dernière pièce (sur la transmission par courant électrique du signal des cloches à Noël, de Palestine à New York puis à Buenos Aires) et l'orchestration du très délicat et magique numéro 4 (une marche de Mahler cotonneuse, les instrumentistes chuchotant des "chhh" tout en jouant des harmoniques...sublime) inspiré par cette ahurissante annonce publicitaire:

Der Nationalsozialist raucht nur : Parole ! Sechs Pfennig. Mild und aromatisch. (Le national-socialiste fume uniquement : Parole ! Six sous. Léger et aromatique).

m'ont rappelé ce moment de grâce absolue chez Britten, sur:

J'ai tendu des cordes de clocher à clocher, des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse

(que je colle dans la radio, et hop; c'est Pears qui chante et Britten à la baguette)

1 avril 2005

la 6ième de Mahler, par Chung au TCE


Le moment qui me laisse à chaque fois baba dans la 6ième, c'est la musique de l'introduction du finale. En très peu de temps c'est à la fois un monde qui s'ébauche et une énigme qu'on peine à déchiffrer, même si elle revient à quatre reprises dans le mouvement.

Pour décrire brièvement on entend :

  1. un chant prometteur des violons, sensuel, qui semble émerger de la brume, sur un accord de 7ième sur la bémol
  2. changement brutal d'ambiance (la majeur puis mineur, soit très loin de la bémol): thème rythmique aux timbales, à fond les ballons.
  3. Dès lors (à 30" du début) c'est le règne du chaos, la chute vers le grave, gargouillis dans l'extrême grave, gamme chromatique descendante qui hésite. Le Mahler que j'aime (celui de la 7ième ou de la 9ième): bruitiste, perdu, à mi-chemin entre Beethoven et Lachenmann.

Ce début, il me fait l'impression d'un fruit tranché en deux. C'est aussi un geste autodestructeur: en 45", Mahler saborde son début: tout est à recommencer, la musique est devenue aphasique, déstructurée, il faut réapprendre les fonctions de base du langage.

Un mot sur ce que fait Mahler du schéma harmonique de ce début dans les 2 dernières occurrences: la reprise à la réexpo se fait 1) labM- 2)do M/m (car le retour en la aura lieu plus tard). La dernière reprise de l'introduction se fait en la, et y reste, avec un effet terrible: il n'y a pas que les timbales pour couper la parole aux violons, il y a aussi le marteau (qui revient pour la troisième fois). L'accord final, quelle douche froide !

A part ça, quel foutoir cette symphonie ! Je croyais que c'était une symphonie sérieuse, sans vaches, et bien non, des vaches, il y en a tout le temps et partout. En coulisses, sur scène, pendant les moments calmes, pendant les Höhepünkte, ça clarine de partout. Elles n'ont même pas peur du marteau, les vaches. Pauvre percussionniste, il a dû se faire un de ces tours de rein. Trois grands coups dans le finale, tout ça pour faire peur aux vaches qui n'en ont rien à braire meugler. Tant qu'on est sur scène, il y avait une femme corniste (c'est assez courant, ça) et un harpiste homme (ça c'est vraiment dingue et à la radio vous ne l'avez pas entendu; merci qui ?).

A part ça, direction très classe de Chung dans le 1er mouvement, pris avec un tempo lent, très articulé. Scherzo de luxe avec ses snapshots faussement baroques, sur tous les tempi, à tous les étages (même celui des contrebasses, qui font beuar, beuar), émietté, atomisé. Grand moment magique dans le mouvement lent: les sol qui amorcent la partie centrale: altos puis harmoniques puis flûtes. Sublime. C'était sans doute moins chic qu'à la Scala mais c'était quand même une soirée très excitante.

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