Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
zvezdoliki
26 décembre 2007

Mais que font les harpes dans Les Harpes ?

 

 

C'est la question qui m'accable en ce moment, à laquelle je ne suis pas sûr d'avoir de réponse. Je veux parler du 1er mouvement du quatuor opus 74 en mi bémol de Beethoven (un de mes morceaux préférés, depuis longtemps), et du petit moment magique où deux instruments relaient des pizzicati sur une grande amplitude, donnant l'illusion d'un gigantesque instrument à cordes en train de jouer comme une harpe. Ce petit moment magique, qui a tant plu aux contemporains qu'ils ont fini par donner à ce quatuor le surnom des Harpes, revient quatre fois:

- d'abord dans l'exposition (à 35), une séquence en deux phrases, la première aux cordes graves, stable harmoniquement (affirmant clairement mi bémol), la deuxième aux cordes aigües, modulante: on file vers si bémol. Déjà là, problème, ce moment dont on aimerait pouvoir dire que c'est le thème principal de la forme sonate manque de sa caractéristique principale, la stabilité. On se demande quel est le statut de ce passage des harpes par rapport aux dix mesures qui précèdent, qui sont elles aussi en mi bémol majeur, mais marquent moins l'oreille, comme c'est souvent le cas chez les classiques (en fait c'est tout cet ensemble y compris les harpes qu'il faudrait appeler premier thème, mais c'est une autre histoire).

- Ensuite, à la fin du développement (à 125). La réapparition des harpes fait suite à une raréfaction du discours (sur fond d'agacement chromatique). Les harpes reviennent, cette fois-ci sur trois instruments, donc avec une amplitude accrue, sur fond stable et tenu: c'est comme une regénération du discours, un renouvellement qui mène à la récapitulation. Effet maximal.

- Occurrence suivante, dans la récapitulation (à 153): c'est comme la première fois, mais deux fois plus long; on reste cette fois dans l'instabilité, le détour est long pour revenir en mi bémol majeur.

- Dernière apparition à partir de 221, la plus bouleversante, à la fin du morceau. Beethoven aurait pu arrêter le mouvement quelques mesures plus tôt, mais il reste des choses à résoudre et un accord crée le drame. Sur fond de profil batailleur du premier violon (qui entretient l'émotion), les harpes apparaissent, en vraie diva d'opéra. Et accompagnent une des mélodies du premier thème (celle avec levée instable, qui se duplique). La dernière occurrence des pizz intervient à la toute fin, dans un mouvement convergent et non plus divergent. Tout est résolu.

Alors, ce passage des harpes ? Sans doute pas LE geste central du mouvement (qui est riche de matériaux très variés dont le fil unificateur est peut-être quelque chose d'aussi ténu que cette sixte descendante que l'on retrouve à la fois au début de l'introduction lente, dans le thème à levée du violon à 27 ou dans le motif des harpes) mais un levain transformateur qui souligne les moments-clé d'une forme sonate vivante, l'instrument du barde au sommet de son art......

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité