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zvezdoliki
8 février 2005

autour d'un trio des Noces

A ceux qui croient encore, naïfs hirondeaux nourris au lait du Conservatoire, que la forme sonate est ce carcan académique dont les vaillants novateurs des XIXième et XXième siècle ont su s'émanciper, on conseille d'aller écouter sur la radio le merveilleux terzetto de l'acte I des Noces de Figaro de Mozart: tout le contraire de l'académisme, de la forme en action, toute vivante et palpitante. En un peu moins de 5', c'est une forme sonate aussi complexe qu'un premier mouvement de symphonie qui surgit, qui souligne finement une histoire tragico-burlesque de double sortie d'un placard. Une forme sonate, c'est cela: exposer des tensions, des dissonances, puis les résoudre, après les avoir révélées.

La situation est la suivante: à la scène précédente, Basile, manoeuvrant pour le Comte, essaie de faire chanter Suzanne en insinuant qu'elle se laisse courtiser par Chérubin. Au tout début de la scène qui nous intéresse, le Comte, qui a tout entendu, sort de sa cachette, furieux, jaloux et dominateur, prêt à tout pour confondre l'impudent Chérubin (qui, en fait, rêve à la Comtesse). Basile cherche à renforcer son avantage, à sa manière torve. Mais la scène se corse : le Comte, en racontant et mimant comment il a démasqué Chérubin, quelque temps avant, finit par le dénicher...sous un autre fauteuil. A la fin de la scène, Suzanne est catastrophée, Basile triomphe et le Comte tonne. Vous suivez ? sinon, le livret est ici..

Toute la scène fonctionne musicalement sur des idées très simples, comme toujours chez les classiques, tellement banales qu'on risque de ne pas les repérer..... Comme principaux ingrédients de la scène, j'entends la cadence fa-si bémol (qui ouvre la scène), un rythme modulant caractéristique qui revient aux moments cruciaux (associé à l'idée de manigance, on le voit sur la partition ci-dessous), un rythme pointé, plus martial et moins crucial, qui est associé au Comte (c'est juste avant).

Et maintenant, le topoguide, avec les dénivelés et tout et tout:

Exposition: du début à 1'25''. Première note: un fa.... qui est une dominante, en fait. On est en si bémol. Comique du style classique: le thème initial n'est qu'une cadence (comme le finale de l'opus 76-5 de Haydn, aussi dans la radio), pire encore, pas même une cadence parfaite. Une décadence. Je signale juste en passant (ça servira plus tard) que cette cadence intervient à la première sortie de placard (introducing le Comte)

à 2": le voilà, le comte, en si bémol, avec son rythme pointé (c'est un seigneur qui tonne, et dialogue avec les violons)

à 20": le rythme de Basile, dont je parlais, modulant, très repérable;

à 28": musique dramatique et bouffonne à la fois: Suzanne se lamente en do mineur (qui annonce fa, évidemment)

à 55": musique de conclusion en fa majeur (très romantique avec ses accents, ses chromatismes et les violons qui s'excitent, on y retrouve le rythme de Basile).

Développement

1'21": on module en ré puis en mi bémol; sur la musique de la conclusion, puis le rythme de Basile, qui nous mène en fa (fatal).

Réexposition

2'05": c'est la musique du début, mais qui prend tout son sens avec les voix (et plus seulement le Comte et les cordes). Un savoureux "quoi quoi quoi" suspensif de Suzanne, sur fa, mène à une....

2'30" ...extraordinaire cadence (à tous les sens du terme, comme dans un concerto....). Temps suspendu; le temps du récitatif est celui de la narration, du souvenir, mais celui-ci reste en cohérence avec la forme sonate: le thème rythmique cette fois-ci nous ramène à bon port, sans galéjer avec des chromatismes.....sur une cadence, qui coïncide avec la sortie de Chérubin de sa cachette (comme le Comte au début de la scène). Cosa Veggio, chante le comte, effaré: la bête est dans la nasse (en si bémol).

3'21": On est bien en si bémol, tout est résolu: Le rythme initial se retourne contre Suzanne (le Comte lance un ironique "Onestissima Signora") Suzanne est une menteuse confondue, le Comte est décidé à punir Chérubin.

Cette note est un essai, à tous les sens du terme....un peu bâclé, mais je voulais parler différemment d'une musique qui est à la fois plus primesautière et complexe qu'il n'y paraît. Je ne recommencerai pas, c'est promis. Evidemment en misérable ver de terre, je dois tout au plus beau livre jamais écrit sur la musique, le Style classique de Charles Rosen (mon idole), qui ne parle pas de ce trio mais analyse le sextuor de l'acte II, avec ses "Ciel ! Maman ! Ciel ! Papa !".

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