Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
zvezdoliki
1 février 2005

J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne, de Jean-Luc Lagarce

Vu samedi avec N et le chat (inconditionnel de JLL) la pièce de Lagarce à l'affiche à la Cité U. La pièce, l'une des dernières de l'auteur qui est mort du sida en 1995, est davantage de la musique de chambre que les Prétendants, cette comédie grinçante du monde du travail, et plus un psychodrame bergmanien que Derniers remords avant l'oubli qui était souvent très drôle et dont j'ai un souvenir très ému. Elle montre cinq femmes d'âges divers face au retour du fils de la famille, à l'agonie et absent de la scène, dans la maison familiale dont il a été chassé, il ya longtemps, par son père. Mais elle est aussi une chronique de la vie de province, de la campagne de l'est de la France. Lagarce est du Jura et la pièce a été montée au théâtre du peuple à Bussang, ce beau théâtre à l'allemande qui ouvre sur la forêt, dans les Vosges (....je rêve d'y voir la bataille d'Arminius). La langue est belle, toute de ressassement, presque du Thomas Bernhardt, en moins tendu. Elle supporte assez mal une mise en scène qui en fait trop. Pas vraiment emballé par Cécile Garcia-Fogel dont le personnage est pourtant bouleversant: celui d'une femme de 35 ans qui s'est fait à des amours de passage avec des hommes mariés qui ronflent avec leurs chaussettes. Mais je me souviendrai d'une grande scène de théâtre, au milieu, quand Catherine Hiegel rugit pour rétablir la vérité, et se défend comme une lionne contre la benjamine qui provoque ses aînées en leur reprochant de ne pas avoir su prévenir le drame.

Publicité
12 septembre 2004

Rue de Babylone de Jean-Marie Besset

Besset, saint patron de ce blog (la citation obscure en épigraphe, c'est lui !), est depuis longtemps un auteur dont j'essaie de ne manquer aucune pièce. Son dernier opus, Rue de Babylone, met en scène le patron d'un journal "social" et un SDF, dans le hall d'entrée de l'immeuble bourgeois où habite le patron de presse. Ce face-à-face hésite entre plusieurs pistes, avec une conclusion un peu improbable. On peut y voir successivement la culpabilité des nantis face aux SDF (où ressort l'habituel côté catho- ancien de Ginette de Besset), un conflit de cultures qui est vite désamorcé vu que ce SDF-là est quand même un brin atypique (il connaît le loup et le chien), la rivalité de deux hommes qui se flairent et se jaugent, et enfin une intrigue plus policière et boulevardière centrée autour d'un tiers absent. L'assemblage de tous ces éléments n'est pas vraiment convaincant. Il reste des bons moments de Besset, les répliques mordantes, l'humour un peu caustique, et un jeu d'acteur étonnant, celui de Robert Plagnol, grand danseur de tango et SDF de grande classe.....Pour la chronique mondaine, je crois ne pas me tromper en écrivant que Besset était samedi soir dans la salle à côté de André Téchiné. 

1 mars 2004

Derniers remords avant l'oubli, de Jean-Luc Lagarce

Dernier remords avant l’oubli m'a complètement ébloui; cela faisait longtemps que je n'avais pas autant vibré au théâtre (telle une cloche: dong, donc), en spectateur d'une pièce drôle, rageuse, jubilatoire et profondément pessimiste.

C'est une pièce de chambre, à six personnages. Hélène et Paul viennent à la campagne rendre visite à Pierre, dans la maison où ils ont vécu un ménage à trois, autrefois, et où Pierre habite encore, seul. Hélène souhaite vendre sa part de la maison. Hélène et Paul ont refait leur vie, chacun de son côté; deux pièces rapportées, à fort potentiel comique, sont là ainsi que la deuxième fille d'Hélène (et de qui ? on ne le saura pas), à fort potentiel sarcastique.

Le contenu informationnel est amaigri, à dessein. Ce que le spectateur ne sait pas est presque aussi important que ce qui lui est donné à savoir. L'essentiel est ailleurs, réside dans ces rapports de force qui se nouent avec des phrases très simples. Ainsi, après le début de la pièce (une succession de Tu vas bien ? Vous allez bien ? Est-ce que vous allez bien ? sur tous les tons, avec un effet comique garanti), Pierre entame une tirade longue, dont le contenu informatif est en substance: je ne dirai rien, c'est à vous de commencer de parler. A cela, Hélène répond, folle de rage, en deux mots, que Pierre est taciturne et compliqué ...(le spectateur ne comprend plus trop qui est taciturne et compliqué...) et suscite, en représailles, une nouvelle avalanche de dénégations de la part de Pierre.

Toute la pièce est une série de duels avec des phrases assénées à bout portant : je dois te dire que tu n’es pas quelqu’un de bien répété 15 fois de suite, sans qu'on sache vraiment pourquoi. C'est Pierre, qui résiste à la liquidation du passé, qui s'en prend le plus, et qui se réfugie dans le silence. Il n'y a pas de rémission, la pièce finit par une impasse et un aveu d'échec.

A ce titre, les scènes impliquant la fille d'Hélène sont particulièrement saignantes et savoureuses. Paul et sa femme projettent sur cette fille qui n'en a rien à cirer, l'un le souvenir heureux du passé, l'autre la rancune contre ce même passé dont elle est exclue. L'un et l'autre se font rembarrer sèchement par celle qui résume au public avec ironie l'histoire du trio:

Ils ont un peu tout fait : ils sont assez représentatifs, famille de la bourgeoisie naissante provinciale et commerçante. Poitiers, Dijon, Rouen, le triangle terrible, études larvaires, revendications diverses postadolescentes, montée vers la capitale, tentatives artistiques, littérature allemande et cinéma quart-monde, revendications multiples préadultes, fuite de la capitale, descente, l'air pur, la "vraie vie", alternatives artisanales, mauve et rose tyrien, le bonheur, le paradis, cette maison-ci, puis éclatement encore, chacun pour soi. (c'est mieux bien joué qu'écrit).

Voilà, j'ai insisté sur le côté noir, je n'ai peut-être pas dit l'ironie, l'élégance....le plus beau lapsus, c'est quand même, C'est moins grave que nous ne pouvions l'espérer.

<< < 1 2
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité