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zvezdoliki
haydn
11 mars 2005

Autour du finale de la 80ième symphonie de Haydn

Crainte: on ne loue pas assez Haydn.

Axiome: il y a toujours quelque chose d'intéressant dans une symphonie de Haydn.

Illustration: prenons, hum, au hasard, enfin, presque, la 80ième symphonie.

Je ne risque pas la concurrence dans la blogosphère à son sujet; même les musicologues l'évitent, pas même une note de bas de page. Rosen, mon idole, l'ignore superbement; j'ai juste lu que Geiringer en célébrait le mouvement lent qu'il qualifie aimablement de mozartien: il est vrai que cette symphonie est de 1783, un des grands moments d'enrichissement mutuel des musiques de Mozart et Haydn. Il faut dire que la pauvre cocotte est dans un entre-deux douteux: bien qu'en ré mineur, elle n'est plus franchement Sturm und Drang (ce qui ravirait les amateurs d'émotions fortes), et puis il faut bien avouer qu'elle est moins uniformément géniale que celles qui suivent la 82ième. Je ne l'ai jamais entendue en concert. Je mets sur la radio l'enregistrement d'un orchestre australien dirigé par Sir Ch. Mackerras, le spécialiste de Janacek (tiens tiens, hum, intéressant....)


Là le grand moment de génie, c'est le finale, dont j'aimerais faire une analyse à l'écoute, en évitant de regarder la partition. C'est une musique très spirituelle, dont on comprend vite à l'oreille le secret et la saveur, mais c'est beaucoup plus difficile à expliquer par écrit. Je vais essayer (au point où j'en suis....je n'ai plus rien à perdre !).

Un petit jeu si vous le voulez bien: écoutez sans tricher les 5 premières secondes de ce finale, avec la radio, puis mettez en pause. C'est parti.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Franchement, qu'avez-vous entendu ? en laissant toute mauvaise foi au vestiaire ?

Moi j'entends un dialogue entre 3 notes longues répétées, et deux 2 notes brèves, à un autre registre. Qui semble définir une pulsation de 4 temps. Un petit dialogue, que j'entends comme cela

 

que je retranscris comme ceci:

 

 

ou éventuellement comme cela:

 

 

Vous êtes autorisé[s] à poursuivre l'écoute (et me remercier, je suis un dictateur éclairé). Vous serez d'accord avec moi, non ?, vers 8", on commence à se dire, tiens, c'est bizarre. Et ce n'est qu'à 22" que c'est bien sûr, on comprend (après avoir compilé comme un vieil ordinateur de 1988): la figure du début que nous croyions être une figure stable s'appuyant sur les temps forts, est en fait une figure en contretemps, en syncopes, une figure d'accompagnement, secondaire,
comme ça:


Ce qui arrive...et ce que l'on attend, en somme.

 

 

-C'est tout zvezdo ?

-Et bien oui, c'est tout. C'est très exactement le genre de petit jeu qui m'excite en musique....

- (flop)

Un début excentrique, à la manière du finale de l'opus 76 n°5 dont j'ai déjà parlé et qui traîne dans la radio. Mais aussi un carburant qui irrigue tout le mouvement, et qui se résoudra comme toujours dans le style sonate, canalisé définitivement à l'extrême fin.(*) Je ne développe pas, c'est très simple, il suffit d'écouter, on entend les syncopes et le petit jeu de dialogue dans tout le mouvement.

Il m'émeut ce petit tortillon de rien poétique. Et il m'amuse aussi, car au fond, c'est une blague d'orchestre, très pratique, très concrète (à la manière de la fausse entrée du cor dans l'Eroica): voir des instrumentistes jouer à contretemps par rapport au chef, vérifier que le bloc des instrumentistes qui fait les deux brèves saura les caser au moment idoine, sans retard. Une blague sur la quelle on construit un mouvement. Un peu à la manière des Mikrokosmos, cet autre feu d'artifice poétique sur des éléments simples du langage.

Haydn: le contraire du papa Haydn dont on nous rebat les oreilles (le drame des gens d'esprit jeune qui meurent vieux); un galopin qui joue, le sourire aux lèvres, des ressources d'un langage tout neuf qu'il explore avec appétit (104 symphonies). Le Klee de la musique moderne.

(*)Idée[s] de définition de la forme sonate, ce grand cachalot blanc, ce maudit bic (parce qu'au fond, ça ne sert à rien de donner le topoguide d'une forme sonate, ça n'explique rien, pourquoi c'est là, à quoi ça sert ):
une forme sonate est un fil qui cherche son double pour former une corde. (Haydn marin)

une forme sonate est une façon de faire passer une crampe (Haydn kiné)

une forme sonate est une flamme dont on canalise l'énergie (Haydn électricien).

une forme sonate est la reconstitution d'un frigo à partir de tortillons dispersés dans la stratosphère (Zabriskie Haydn)

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