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zvezdoliki
schumann
18 mars 2007

Goerne à Pleyel dans Schumann et Brahms


Vendredi soir.

Goerne (saurez vous le reconnaître sur la photo ci-dessus ? un indice: il est pourvu d'une glotte): une voix de velours, souple et chaude, des grumeaux et de l'air. Pas un poil d'afféterie: c'est plus Prey que Fischer Dieskau. On ne comprend pas nécessairement tout le texte, mais on s'en fout, tant c'est la ligne qu'on écoute. J'étais un peu comme un lapin médusé dans un champ magnétique (tous poils dressés), surtout quand Goerne confie à l'auditeur des douceurs comme Wie bist du, meine Königin(pour lequel il serait sans conteste une de mes voix d'Eros). C'était bien aussi de le voir bouger car on le voit bien dessiner la ligne musicale avec tout le corps (S. n'était pas d'accord).

Au menu, que du bon.... De Schumann, des lieder sur des textes de Heine (trois lieder isolés, dont le sublime mein Wagen rollet langsam, plus le Liederkreis op.24). De Brahms, les lieder op 32 et les quatre chants sérieux op. 121. Dans les Schumann (résolutions toujours retardées, révélations contenues dans les postludes du piano, alors que la voix s'est tue), j'ai été impressionné cette fois par le dernier chant du cycle, Mit Myrthen und Rosen (l'écriture du poème puis sa réception, au futur antérieur). Dans les Brahms, le texte souvent plat de von Platen (hum) ne vaut pas Heine. Mais ça redécolle avec l'Ecclésiaste et les trois premiers Chants sérieux (le dernier du cycle reprend les Epîtres aux Corinthiens, autre monde, autre tonalité). Le sommet du cycle, c'est ce troisième chant, où la musique (deux parties, l'une en mineur, l'autre majeur; ce thème en tierces descendantes, préparé dans le lied précédent, qui est renversé dans la deuxième partie - un cryptogramme qui s'entend très nettement, je trouve) se marie génialement avec le texte (la mort amère/ douce).

J'ai mis une petite sélection dans la radio Lied: dans le désordre, Fischer Dieskau dans l'opus 32 de Brahms et l'opus 24 de Schumann; Goerne dans Belshazzar (et d'autres lieder de Schumann, plus bas dans la radio); Fassbaender dans les Chants Sérieux.

 

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9 mars 2007

Schumann Poulenc Ravel à Pleyel


Hier soir, une envie pressante de 3ième symphonie à 3 temps et trois bémols à la clef, histoire de vérifier la solidité de la chaîne qui unit la 39ième de Mozart - l'objet de toute mon affection, en ce moment - aux 3ièmes de Beethoven et Schumann, voire à celle de Brahms (même si elle a un bémol en trop à la clé). Doncques: ce concert de l'Orchestre de Paris à Pleyel.

- 3ième de Schumann: un premier mouvement qui se souvient certes de ses glorieux ancêtres mais quand même très schumannien, avec ces interruptions exogènes du discours. Par exemple dans ce long développement (qui peine à retrouver ce mi bémol si sûr de lui; en attendant que ça jouisse la musique a des poussées de clarté laiteuses qui ne débouchent sur rien) on entend le fil d'Ariane .... de l'introduction de la 4ième symphonie. Tout ce mouvement est une apothéose de l'hémiole, ressassée jusqu'à saturation comme souvent chez Schumann. Les trois mouvements centraux sont des scènes de genre, très réussis chacun dans leur style. J'attends toujours avec impatience le complot des cuivres dans ce second mouvement de plein air, le retour du surmoi avec les trombones dans le quatrième mouvement Feierlich. J'aime toujours autant les subtils décalages rythmiques du finale. Même si je n'ai pas retrouvé mon coup de foudre de l'été 198x, je trouve toujours qu'il y a plus de fraîcheur (théorème) et d'invention musicale dans les symphonies de Schumann que dans celles de Brahms.

- Poulenc: concerto pour orgue, cordes et timbales. Du faux Bach (toccata et fugue), du faux Tchaikovski (sérénade), du faux Montand (A bicyclette). Et aussi.... du vrai Poulenc: de la tierce à gogo, surtout aux timbales, comme dans Dialogues des Carmélites). Tout ça sonne très bien, on ne s'ennuie pas une seconde. Et puis tant de conviction dans le mouvais goût ne peut qu'emporter l'adhésion. Dans le bis de l'organiste, une sorte de Noël canaillou, ethnique et sautillant, le dosage entre conviction et mauvais goût était moins optimal; j'ai eu du mal à contenir mon hilarité (comme certains musiciens de l'orchestre, je ne vais pas balancer).

- Autant la 3ième de Schumann était terne, autant Daphnis (qui n'est pourtant pas mon Ravel préféré) en version light était réussi (notamment le solo de flûte.... chapeau)

 

1 septembre 2006

Prom 63

 

Vu le Prom 63 (écoutable ici) dans un Royal Albert Hall vide aux trois quarts. Une musique parfaitement dépressive. Les espèces de cachets roses géants suspendus au plafond du Royal Albert Hall m'ont tout de suite évoqué des neuroleptiques.... leur fonction acoustique m'a en revanche échappé. Un progamme pour choeur : les Songs of Despair and Sorrow de Kurtag (engendrant efficacement les sentiments décrits dans le titre), les doubles choeurs op 141 de Schumann (du RSch proche de l'asile) puis Rothko Chapel de Feldman.

Des trois oeuvres, c'est le Kurtag qui était de loin le plus intéressant. 6 pièces à effectif variable (sur scène, en plus du choeur, un quintette de cuivres, un sextuor à cordes, quatre bayans- des accordéons chromatiques russes, plus des percussions diverses et variées), mais personne ne joue en même temps. Je retiens le n°2 d'après Aleksandr Blok (très lent, avec des nappes de sons au choeur accompagné par les cuivres, avec le mot noch -la nuit- qui ressort), le n°5 - Crucifixion(Akhmatova), contrapunctique, passionné et très chargé quand il s'agit de Madeleine, puis brutalement hiératique quand il est question de Marie; et enfin et surtout le n°6, Pora (It's time) (Tsvetayeva), à base de percussions (cloches, cymbales, toms dans une ronde à trois temps), un adieu au monde finissant dans des chuchotements, du très grand Kurtag. Cette oeuvre sera redonnée à Paris dans le cadre du Festival d'automne (n'est-ce pas Pascal).

Rien à dire du Schumann (qui fait s'effondrer une théorie que j'aime à soutenir, à savoir qu'il y a des choses passionnantes même dans le dernier Schumann). Quant au Feldman.....ma théorie sur la question (puisque Rothko Chapel est souvent joué) c'est que c'est une musique qu'aiment des gens qui n'aiment pas la musique. Qui s'intéressent à la chapelle commandée par les DeMenil à Houston, par exemple. Mais j'ai trouvé qu'il y avait pour le moins un hiatus entre ce qu'annonçait le programme (une musique "expressive, subjective") et ce que j'ai entendu, une musique très pauvre - des percussions hiératiques, un choeur bouche fermée et un alto qui joue inlassablement les mêmes figures de septième. Le pompon étant cet air élégiaque vers la fin, dont Feldman dit que c'est le souvenir d'une pièce écrite quand il avait 14 ans..... Effectivement.

******************

Demain, on peut écouter le prom 65 en direct en attendant un éventuel compte-rendu ici.

 

20 mai 2006

Mein Wagen rollet langsam


Je découvre avec éblouissement ce lied, que Schumann avait placé dans la première moûture desDichterliebe juste avant Ich hab' im Traum geweinet. Il a fini par être publié plus tard, isolément, comme n°4 de l'opus 142. Je ne crois pas que le lied a été retiré des Dichterliebe pour cause de baisse de régime par rapport aux autres lieder du cycle. Au contraire, c'est un condensé de ce qu'il y a de mieux chez Schumann : qualité du vagabondage harmonique, autonomie de la partie de piano, stratégie subtile d'évitement des temps forts et des basses (je laisse le soin aux psychanalystes de délirer sur ce point).

Mieux, cette carriole cahotante, au rythme persistant jusqu'au postlude, est une sorte d'emblême de la trajectoire de Schumann lui-même (de l'amour qui emplit cette année 1840, celle de la belle floraison de lieder, aux hallucinations puis à la folie). Comme l'écrit justement Stricker, aucun coup de théâtre, donc ; le sens caché du poème est dit par la musique : penser à la bien-aimée fait apparaître des visions fantomatiques.

Hoplageiss ! dans la radiolied (ce n'est pas bien lourd....)

 

24 avril 2006

les Dichterliebe de Fassbaender

L'autre jour, je vois ceci à la FNAC

Quelle n'est pas ma stupéfaction quand je me rends compte que ce CD reprend l'essentiel d'un des rares disques dont je sois réellement tombé amoureux, et qui bien entendu n'a jamais été réédité depuis 20-25 ans. Je m'en souviens parfaitement, c'était un 45 tours que j'ai dû emprunter avant 1985 à la discothèque municipale à Nancy, à l'époque où elle était encore dans les combles de la mythique Bibliothèque municipale.

J'ai du mal à me souvenir de la façon dont j'ai entendu, adolescent, ce disque, mais je me souviens d'un triple choc : la découverte des Dichterliebe, de l'univers du lied plus généralement, et enfin de la voix de Fassbaender. Dichterliebe, c'est la quintessence de l'oeuvre vocale de Schumann, une oeuvre très dispersée sur le plan émotionnel (comme Carnaval ou l'Humoresque) un cycle plus dense et plus varié que l'amour et la vie d'une femme. L'ironie cruelle de Heine combinée au sens du non-dit de Schumann (les postludes du n°16 évidemment mais aussi du n°10 ou du n°6) permettent l'exploration de toutes les nuances du dépit amoureux, de la catatonie à l'insulte en passant par le sarcasme.

Je pense que ce cycle convient particulièrement à Fassbaender. Dans cet enregistrement de 1983, elle est au mieux de sa forme vocale, avec la variété de timbres qui la caractérise (du velours au métal, en restant à la lisière de la fêlure), une diction à la fois intelligible et hallucinée. Fassbaender est aussi l'une des grandes mezzos à s'être appropriée tout le répertoire des lieder pour voix d'hommes : elle va jusqu'aux quatre chants sérieux (pour basse !) de Brahms. Cette longue intimité avec ce répertoire provient sans doute d'abord des leçons de son père. Le remplacement de l'homme par la femme dans le lied romantique est bien plus troublant que l'usage du travesti dans l'opéra baroque, à mon sens : il accroît la distance entre la chanteuse et l'objet de son chant. Je ne suis pas sûr qu'elle aimerait cette description, mais il me semble que Fassbaender a incarné de façon convaincante, que ce soit au lied à l'opéra - je pense à Geschwitz ou Brangäne - le dépit amoureux poussé jusqu'au métaphysique, l'amour monstre, passez moi l'expression, transgenre...

L'appropriation par une voix de femme du répertoire masculin est féconde mais ne va pas sans problèmes. Là où les chanteurs passent en force (ils sont tous à trompetter dans Im Rhein, im heiligen Strome, par exemple), Fassabender pallie le manque de puissance dans les graves par un tempo lent. Le tempo lent donne quelque chose de très étrange dans le n°1, le mois de mai où "alle Knospen sprangen" ; quelque chose comme une méduse qui se déploie, des volutes un peu lourdes d'une fumée capiteuse : elle fait planer le drame là où il n'est pas encore dans le texte. Ou bien dans le n°4, première manifestation d'ironie amère dans le texte (Doch wenn du sprichst: ich liebe dich! So muß ich weinen bitterlich, pris très lent, dans un silence sépulcral). Ou enfin dans le n°15, quand on comprend, moment déchirant, que la bacchanale quasiment satanique du début du lied n'était qu'un rêve, que du rien (Zerfließt's wie eitel Schaum).

J'aime aussi cette façon hallucinée qu'elle a de faire sonner la langue allemande (son schauern und beben, dans le n°5; l'incroyable série de verbes du n°9 (ein Klingen und Dröhnen, ein Pauken und ein Schalmei'n et puis après schluchzen und stöhnen), ou encore dans le n°3 cette façon qu'elle a de rebondir sur Taube. Un des sommets du cycle reste pour moi le n°13(Ich hab' im Traume geweinet) où elle est terrifiante de douleur rentrée.

Je mets dans une nouvelle radio Lied tout le cycle, pour que vous puissiez juger sur pièces. J'ai vidé ma radioblog canal historiquede tout ce qui allait du lied à la mélodie en passant par la chanson française, hors opéra et musique religieuse (il y en a pour tous les goûts...je viens de réécouter Annie Anna de Trenet, où Bratislava rime avec refaire ma vie).

 

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11 décembre 2005

de la musique de vieux


C'est fou ce qu'une remarque stupide peut vous pourrir la vie. Depuis que *** a dit, mi-sur le ton de la boutade, mi-sérieux, que Schumann c'était de la musique de vieux, et bien même si je la trouve stupide cette remarque, le ver est dans le fruit. J'en rêve la nuit, je rumine dans le métro, au cinéma, etc... je retourne le problème sous tous ces angles. Voici le résultat de mes ruminations (une sorte de baygon anti-"Schumann c'est de la musique de vieux" qui devrait enfin m'apporter la libération):

  1. j'aime Schumann depuis longtemps,
  2. ça ne me dérange pas d'avoir des goûts de vieux;
  3. ce que j'aime chez Schumann (les sautes d'humeurs, l'énergie, le côté obessionnel, les voix intérieures, les absences, le surmoi vieil-allemand, la révérence à Beethoven) n'est ni jeune ni vieux.

C'est bon là ?

 

20 novembre 2005

Deszö Ranki au Théâtre de la Ville


Un programme de rêve, comme toujours avec Ranki. Je me suis replongé dans les partitions (ça tombe bien, j'avais tout en stock)

  • La sonate en do majeur n° 58 (H 48) de Haydn(1789). Deux mouvements: un lent puis un rapide.

le premier: une musique à la fois impériale (c'est un 3/4, grandiose)...et brindezingue, comme souvent le dernier Haydn. Formellement, c'est un thème avec 3 variations et une coda. Le thème fait 2 fois 26 mesures=10*2+(7+9)*2 (pour mémoire: l'opus 109 ou l'opus 111= (8+8)*2, tout bêtement) (comment ça ? ça ne s'entend pas ? mais bien sûr que si ça s'entend !!!! il s'est amusé, le père Haydn, avec cette délicate asymétrie). Les variations (j'ai vérifié): 1 mineur, 1 majeur, 1 mineur modulante et foutraque (11+12 mesures et pas 26) et une coda qui reprend la dernière séquence, seule, (9 mesures) puis un sublime bonus. D'un point de vue perceptif, je m'y suis un peu perdu à l'écoute car le thème est très long, troué de silences (très beaux avec Ranki) ; par ailleurs, son coeur (les 7 mesures du début de la deuxième mi-temps) est en mineur, tout comme deux des variations (hiérarchie enchevêtrée, on dit ailleurs ?), ce qui fait qu'on ne sait plus si on est dans une variation en mineur ou dans le centre de la variation en majeur. Tout le mouvement peut être aussi vu comme un grand damier oulipien où Haydn dose des intensités (distribution des forte et des piano jamais au même endroit !), et des frivolités (groupes-fusée en gerbe d'eau, rythme pointé à la française; on ne peut se repérer que par le schéma harmonique). La forme sonate est là, c'est fatal; mais c'est le thème lui-même qui en est une (et gravement moniste: tout est issu de la première mesure....) La fin est d'une élégance incroyable (cette façon de prendre congé sur la pointe des pieds...).

Le finale: c'est une joie sans nuages, débridée. Mon passage favori: ces marches qui se courent l'une après l'autre, à une seconde d'intervalle. Total brindezingue.

  • Les Davidsbündlertänze de Schumann: du très grand R Sch. Un kaléidoscope d'humeurs. Florestan et Eusebius (la phrase dolente en si mineur, qui n'arrive pas à décoller). Un sublime postlude.
  • Les Valses nobles et sentimentales de Ravel: je n'aime pas beaucoup, sauf la fin: une pédale de sol, avec des réminiscences: on se débarrasse enfin de la quincaillerie de la valse. Ouf: enfin seuls.
  • Des extraits du 5ième cahier des Mikrokosmos, de Bartok. Chef d'oeuvre absolu. Bartok=Klee: un univers poétique créé avec trois bouts de ficelle ; l'esprit de l'enfance retrouvé. Amusant de voir comment les notations techniques et poétiques peuvent s'intervertir. Canotage est une étude sur les quartes; Quartes sonne comme une petite pièce percussive (les quartes sont dans des accords, on ne les entend pas (ricanement)) ;Changement de mesures s'entend comme une étude avec des couleurs primaires intenses.
  • La sonate de Bartok: une excellente façon de terminer dans l'hystérie un beau concert. Le premier mouvement est irrésistible ; mais c'est sur le deuxième (très dissonant et déceptif - qui aime à prendre l'auditeur à rebrousse-poil) que j'ai eu la révélation cette fois-ci. Je ferai une note dessus.

En bis Ranki a joué le Doctor Gradus ad Parnassum à toute vibure - délicate attention pour les mamies du Théâtre de la Ville, qui, bien que plus branchouille que celles du TCE, ont aussi des voitures au parking et des dindes au four. En papotant avec l'ami blad à la sortie, j'ai découvert qu'on prononçait geek guique (et non pas comme la JIC). Dingue.

(MAJ: en lien les billets de bladsurb et de Concertonet)

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J'ajoute dans la radio la sonate de Bartok, et un assortiment de Mikrokosmos joués par le compositeur en personne (beaucoup moins bien que Ranki) ; aux pièces déjà citées j'ajoute De l'île de Bali (un de meschiffres) et Syncopes. Par ailleurs je mets dans la radio-Haydn, pour la réveiller, les deux mouvements de la sonate dont vous avez le topoguide ci-dessus.

 

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