Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
zvezdoliki
31 octobre 2006

Cosi à Garnier: des expériences existentielles en rafale

Il y avait eu quelques papiers élogieux dans la blogosphère (dont on ne soulignera jamais assez les ravages sur des esprits faibles comme le mien). Il y avait la perspective irrrrésistible d'allercontempler écouter les progrès de l'organe étonnant du jeune-chanteur-français-qui-monte. Et surtout - goutte d'eau qui a fait déborder le vase - MaCopineN avait réussi à avoir des places in extremis pour Cosi vendredi soir. Bref: j'étais chaud-bouillant-remonté-comme-une-pendule-prêt-à-tout pour aller voir ce soir Cosi à Garnier.

Enfin, prêt à tout, entendons-nous: j'étais à 19h15 dans la queue pour prendre une place de dernière minute, à 7 euros. Une véritable expérience existentielle, cette queue: l'occasion de vérifier l'existence de bourgeoises suffisamment impudentes (ou fort opportunément sourdes aux cris d'oiseaux venant justement sanctionner leur comportement) pour ignorer ce qu'est qu'une queue, quelles sont ses lois (et oui chère madame, on se met en fin de queue et on attend que la queue avance, on ne pousse pas un petit cri de perruche en disant: ah mais moi c'est pour ce soir et ça commence dans 10 minutes).

Enfin bref, j'ai eu ma place à 7 euros en troisièmes loges de côté, mais au prix d'un bouillonnement intérieur qui ne s'est résorbé que longtemps après le début du spectacle, au moment où l'expérience existentielle de Cosi démarre vraiment, quand les deux jeunes hommes reviennent déguisés en pyjama. Plus précisément, quand les deux jeunes hommes en pyjama, très émus, déclarent des choses tendres aux deux jeunes femmes, en sachant que c'est du flan puisqu'ils jouent à ce qu'ils ne sont pas, mais c'est un récitatif en sol mineur, avec des plaintes des violons à fendre le coeur, et c'est la réponse héroïque de l'une des deux jemmes femmes (sans doute celle qui résiste), en un si bémol majeur martial, qui semble convenue et trop brillante pour être honnête (alors qu'elle est censée être spontanée). C'est à ce moment qu'on se dit, ça y est, nous sommes vraiment au théâtre, nous les spectateurs comme eux les chanteurs; les lumières ont suffisamment baissé; ça va être un jeu existentiel, sérieux, ludique, cruel, et on va y laisser, ils vont y laisser (juste) quelques plumes.

Quelques notes pour se souvenir tant que c'est frais (je rajouterai plus tard de la musique pour maintenir la flamme allumée):

  • la symétrie entre les deux grands ensembles qui concluent chaque acte: à l'acte I, celui avec le faux empoisonnement des deux hommes (qui commence en ré, en voit de toutes les couleurs -notamment un ténor vautré au-dessus d'un baryton (sans doute pour des raisons acoustiques)- et culmine dans le plus beau sextuor du monde, une musique d'une énergie et d'une tension fulgurantes); pour conclure l'opéra, celui avec la fausse cérémonie de mariage où ce sont les deux femmes qui sont sur le grill (de do à do).
  • à l'acte II, la sérénade maçonnique des vents en mi bémol majeur, une musique sévère pour le duo des hommes masqués (que Chéreau tire justement vers le cérémonial, avec une pointe d'ironie).
  • Guglielmo (le baryton) a un air en sol majeur qui rappelle Papageno, joyeux et terrien; alors que Ferrando (le ténor) a un air en la majeur qui rappelle don Ottavio (sublime mais nunuche).
  • l'air où la farouche et quasi-indomptable Fiordiligi finit par céder aux avances de Ferrando est une forme sonate typique en la majeur. C'est elle qui chante le thème dans l'exposition, c'est lui, tiens donc, qui chante la réexposition et maintient le la majeur (au lieu d'aller bifurquer bêtement en do majeur ou je ne sais où)

Ne me demandez rien sur la mise en scène de Chéreau, je n'ai vu que le quart extrême gauche de la scène (où on voit passer souvent du monde). Même sans rien voir, c'était enthousiasmant.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité