La façon la plus sûre de savoir si un village suisse est occupé par des extraterrestres....
....c'est de voir si ceux-ci n'auraient pas par hasard déposé des crottes blanches vernissées à faible distance des maisons (c'est un critère infaillible)
St Moritz
Dernier jour en Suisse, nous passons voir St Moritz. Beaucoup moins agréable que Zermatt ou Saas Fee, la ville est envahie par la bagnole. Le musée Segantini. Dans le train, "Un homme assassina sa femme et en fit de la saucisse" (éternelle histoire suisse).
S-chanf et le parc national suisse
Nous passons en territoire romanche; on croise des gens sur les sentiers qui ne disent ni Gruetzi niBuon giorno, mais Allegra. S-chanf est un village agricole, aux belles maisons engadinoises à l'air d'un coffre fort sorti d'un film expressionniste. L'hôtel-bar-restaurant-cordoneria Scaletta, tenu par l'inénarrable Mario. Pourquoi cordoneria? (je crois avoir compris que c'est parce que la spécialité locale est le cordon bleu). Balade vers le Parc national suisse. Enfin de la nature vierge, depuis 1905, certifiée sans bancs privés ni publics et sans ajustement à la tondeuse. Val Truptchun, un tout petit gamin me dit, très excité, très vite, en allemand, qu'il a vu à l'oeil nu 18 cerfs (18 Hirschen; je ne comprends rien et me demande pourquoi il me parle d'une église du 18ième siècle). Après la balade traversante - déjà passablement longue-, nous montons vers la Fuorcla locale (qui donne sur la vallée de Livigno en Italie), mais je me dégonfle vers 2300m devant un névé en pente, que je refuse de traverser avec l'air buté d'un jeune ânon. Nous redescendons. Le lendemain, tour par Zuoz et sentier en balcon avec vues sur la crête nord de l'Engadine (Piz Kesch et le col du Val Susanna qui mène à Davos), puis descente par le val Chachanna (il y aussi un val Chachanella). Incidemment, j'apprends que chasse se dit chatscha en romanche.
Val Roseg-Morteratsch
Petit déjeuner avec les nombreux (!) employés de la cuisine; ça commente sec, en italien, l'histoire de fraude fiscale chez les Agnelli. Patrons d'hôtel allemands, employés italiens. Descente dans les sapins à Pontresina (Puntraschigna nous dit le balisage, obligatoirement en romanche ici). Le cimetière. Beaucoup de vieilles et belles tombes (on retrouve les noms de famille des fondateurs des principaux hôtels de la ville, par exemple Sarnatz). Beaucoup de prénoms italiens associés à des patronymes allemands, et des petits mots en romanche. Beaucoup de tombes de guides de montagne, jeunes. Morterartsch: 1) un glacier (qui recule); 2) une gare (désertée le soir); 3) un hôtel (bien rénové même s'il ressemble à une station service). Montée trop tardive au refuge Boval; le temps est incertain, nous croisons le ventre (assez mou) de la gaussienne de ceux qui sont allés manger en montagne; au retour, nous ne croisons que quelques rares groupes d'alpinistes qui montent à la fraîche. Magnifique balade sur une moraine. Du refuge, un panorama de glaciers à 180°, de la Diavolezza au Piz Morteratsch. Orgie de Läckerli (c'est l'émotion). Retour à Morterartsch. Je tombe sur un article sur l'industrie du tourisme pour les Juifs orthodoxes en Engadine; ça a marché très fort au début du siècle, ça s'est tari ensuite (cf Rosetta Loy) et ça a repris récemment (Brooklyn Tel Aviv). La fonction mariage marche moins bien car les jeunes sont plus orthodoxes, ce qui limite les contacts entre sexes.
Sils- Val Roseg.
1000m de montée pour arriver vers 2750m à la Fuorcla da Surlej. Le début est particulièrement délicieux, avec vues sur le lac de Sils et celui de Silvaplana. La fin de la montée est plus pénible, on retrouve des mamies italiennes en tong et des japonais faisant du jogging (le téléphérique de Surlej arrive sur une courbe de niveau, 100m sous le Corvatsch). Des saucisses (wienerli) dans la soupe; je mange tout. La fille du refuge qui râle parce que les gens ne finissent pas leurs spaghetti. Vue exceptionnelle sur tout le massif, Bernina, Morteratsch et le fond du Val Roseg. La double moraine qui ressemble à une piste d'atterrissage pour extraterrestres (décidément! ils sont partout chez eux, en Suisse). Suite de la balade vers le refuge Coaz. Longue descente vers l'hôtel du val Roseg. Chambre en sous-sol, glaciale (évidemment! elle n'a pas chauffé comme nous).
Maloja-Sils
Au bord du lac de Sils; incursion dans le Val Fedoz puis le Val Fex (et non pas le Dalflex). L'invasion des VTT (il y en a partout! ils déboulent sans bruit). Beau sentier en corniche avant de redescendre sur Sils, entre deux lacs. Les crottes d'extraterrestres. La maison où Nietzsche a passé ses étés 1881 à 1888. Au loin, la tour de Maloja. J'ai 41 ans. Sur le menu, Grappillon c'est bon. J'avance bien dans La Peau (il fallait me dire que c'était agencé comme un roman de Kundera, j'aurais eu tout de suite eu envie de le lire)
Maloja
Dans le train (Rhetische Bahn), plein de juifs orthodoxes, version Brooklyn. Etrange. Maloja, plus fort que Toblach: c'est l'intersection (unique) de trois bassins hydrologiques -le Danube (les sources de l'Inn), le Pô et le Rhin (de l'autre côté de cette crête de montagnes qu'a peinte Segantini). Drôle de col à 1800m, gorge très ravinée du côté du val Bregaglia qui file en Italie, très faible déclivité du côté vallée de l'Inn, qui est ici très près de sa source mais s'étale dans trois longs lacs, une vallée très large et en altitude: la Haute Engadine. Première balade vers le val Forno (la Pornohütte), avec deux beaux lacs - celui de Cavloc (Cavaloccio) et celui de Bitabergh. L'inflation des bancs (pas publics, privés, offerts, par exemple, par Elizabeth en souvenir de ses merveilleuses vacances de l'été xxxx). Viande des Grisons, le soir: avec un filet de citron et du poivre, c'est très bon. Maloja est sur la commune de Stampa, d'où est natif Giacometti - du coup, tout y est Giacometti, du garage au marchand de vêtements de ski, mais, curieusement, pas la crèmerie (latteria) d'à côté. A Maloja (commune de Stampa), la langue la plus utilisée est d'abord l'italien.
Bâle
L'hôtel est à côté de la BRI, qui est toute petite, moi qui attendais une cathédrale néogothique à piliers multiples. Tram vers Riehen et la fondation Beyeler: les nymphéas, la collection d'art océanien (il faut vraiment que j'aille explorer le quai Branly), quelques très beaux Picasso. L'exposition Giacometti - souvenirs de famille et de la montagne (Maloja!), période surréaliste, figures d'hommes qui marchent et de femmes immobiles. Rencontre avec F. (théorème de Rolle, Tokyo-Metz croise Paris-Maloja à Bâle). Le Kunstmuseum: beaucoup de monde pour l'exposition van Gogh (F comme un chien fou à entendre tous ces gens parler français, partout! aaaah), personne pour trois magnifiquesHolbein, un émouvant dyptique de Gerard David (deux fois mère et fils). Euler et Bernouilli. Le marathon de Bâle. Le quartier Saint-Alban, nature et vieilles maisons, comme à Cologne, douceur de la vie dans la vallée du Rhin... Rive droite du Rhin, un autre quartier agréable, plus urbain et alternatif, avec une schwule Buchhandlung. Le passeur qui traverse le Rhin, grâce au (fort) courant et un fil (il suffit d'accrocher le câble à la barque en théta à l'aller et en pi moins théta au retour; ça marche tout seul).
Retour à Vallouise
Cela faisait cinq ans déjà que nous n'avions pas mis les pieds dans la maison sympathique mais crade. Il se trouve - hasard - que le chat comme moi avons passé nos premiers étés dans la même vallée, en Vallouise ... et que nous y sommes tous deux attachés, même si nous commençons à avoir fait le tour des balades accessibles à un non-alpiniste (plutôt mollasse de surcroît). Par rapport à il y a cinq ans nous avons vu les ravages de la dernière bulle immobilière (qui a notamment suscité la floraison à côté de Puy-Saint-Vincent 1600 d'un archipel de chalets brunasses, qui ressemblent à des touffes de champignons), mais la vallée reste plutôt calme et typique (avec ses beaux clochers lombards et son agriculture de montagne - ah, les salades de montagne). Nous avons refait les balades classiques (photos ici), mais comme il a fait très beau, j'ai découvert des tas d'aspects qui m'avaient échappé jusque là (par exemple, je ne crois bien avoir toujours fait la balade des Bans par mauvais temps, comme elle est très facile et sans danger; et je crois bien que c'est la première fois qu'à la place d'une épaisse purée de poix, je vois un magnifique cirque glaciaire). To do list pour la prochaine fois: aller au col de l'Eychauda, au refuge du Sélé, à Dormillouse et dans le Fournel, et tester la nouvelle boucle sur la Blanche que l'Office du Tourisme met en avant pour rentabiliser le téléphérique de Pelvoux.