Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
zvezdoliki
mozart
4 octobre 2006

Un air électrique qui donne le mal de mer

Je connais mal Idomeneo (je n'ai jamais rien compris à l'histoire et je n'écoute pas tout) mais j'aime depuis longtemps la grande scène de fureur d'Elettra, une fureur qui déchaîne les éléments et un grand choeur d'hommes, dans la grande tradition wagnéro-schönbergienne. C'est aussi un air d'un style classique très pur, presque abstrait.

Pour mieux suivre ce qui risque d'être un topoguide aride, la partition est ici (désolé, il faut se fader les parties vocales en clé d'ut 1ère); j'ai mis l'ensemble récitatif + air d'Electre + choeur d'hommes à la fois en mp3 ci-dessous (il faut attendre 4'45" de récitatif avant d'entendre Elettra passer à l'action) et dans la radio (là, il est facile de sauter le récitatif mais la qualité sonore est moins bonne).

C'est un air très court: 3'27" (de 4'45" à 8'12"); introduction 22", 1ère partie 1'21", 2ième partie 1"27" et transition vers la suite 17". C'est plus long de lire cette note que de l'écouter. Employons les grands mots, c'est une fome sonate très intégrée, très ramassée, très concise, en deux parties (comme dans certains mouvements lents chez Haydn), peu conforme aux schémas appris au conservatoire (on nous cache tout on nous dit rien).

L'air commence à 4'45" par une longue pédale de la, avec le tictac des basses (on accumule la tension) et les volutes des flûtes (comme de l'eau froide sur de la pierre chauffée). Quand le tictac s'arrête (au bout de 3X4 mesures), la pulsation cardiaque s'accélère (4 fois un accent toutes les trois notes) et on atterrit en ré mineur, la tonalité de la forme sonate (et on comprend que ce qui précède n'était qu'une introduction).....

Il y trois séquences dans le vrai début de l'air, une première période en ré mineur (c'est à dessein que j'écris 1ère période et pas 1er thème comme on dit au conservatoire (on nous cache tout on ne nous dit rien)):

  1. Sur quatre mesures, un grand crescendo orchestral (au fond, c'est ça le thème: un grand crescendo) doublé d'une montée de la voix, sur un rythme caractéristique (a): qui aboutit sur....
  2. ... un bloc tout en rupture, en tension: deux mesures piano en descente suivies de deux mesures fortissimo, avec un intervalle dramatique, le tout répété deux fois (donc 8 mesures), sur un deuxième rythme caractéristique (b):
  3. Sur le rythme initial (a), une séquence un peu geignarde , qui prépare la suite....

Suit un pont sur une pédale de do (à 5'35"). C'est toujours le rythme (a) du début, mais de plus en plus désamorcé: la ligne tourne sur elle-même au lieu de se lancer comme une fusée, elle est accompagnée par les volutes de flûte comme dans l'introduction....

Cette pédale de do amène logiquement en fa majeur (5'46"), où on se maintiendra jusqu'à la fin de l'exposition. Là encore, trois phrases

  1. une première, très agitée, avec des coups de corne des brumes (enfin, des cors), sur un do dominante, contredits par des accents aux cordes; où la voix chante les rythmes a et b, successivement;
  2. une phrase plus stable, où fa est solidement assis mais où des chromatismes sèment le doute: va-t-on en mineur ou en majeur ?
  3. une dernière phrase, avec les coups de cloches, les coups de boutoir des cordes et des fusées aux vents: c'est très agité, mais pour assurer sans équivoque que l'on va conclure en fa majeur; les rythmes (a) et (b) sont aussi complètement désamorcés, domestiqués, servant à chanter la victoire de fa.

Mais comme c'est un air électrique qui donne le mal de mer, on retrouve l'accélération cardiaque de la fin de l'introduction qui mène à la deuxième partie (réexposition) à 6'28". C'est à peu près la même séquence d'événements (ce qui va m'épargner des bavardages).

Mais le schéma harmonique est différent, et c'est aussi cela qui est beau. Mozart débute la réexposition en do mineur, jusqu'à la fin de la première période (avant le pont). Ce qui est très beau dans cette réexposition en do mineur, c'est tout en étant un faux plancher pour l'air d'Electre (en ré mineur), elle est aussi le vrai plancher du choeur qui va suivre, en do mineur: un peu comme un plancher qui s'enfoncerait, définissant un nouveau niveau zéro. On a eu déjà du mal des difficultés perceptives au début de l'air: sommes nous en ré ou en la ? C'est décidément un air électrique qui donne le mal de mer.

Le pont a lieu sur une pédale de la et mène à une deuxième période en ré majeur (au lieu du fa majeur de l'exposition), comme il est habituel dans une forme sonate. Ce qui est moins habituel, c'est que l'indécision que j'avais signalée à propos du centre de la deuxième période se résout cette fois en ré mineur (et pas en majeur), ce qui ajoute en âpreté à l'air dans son ensemble.

Un mot de la conclusion (à 7'55"); elle reprend comme à chaque transition l'accélération cardiaque déjà mentionnée deux fois et les volutes de flûtes, que l'on retrouvera abondamment dans le choeur qui suit (que je ne commenterai pas car j'ai déjà été horriblement long).

 

Publicité
12 juillet 2006

Giusiano à Bagatelle

Avec N et son petit mari (qui a l'insane ambition de faire un tour du Mont Blanc en 45 heuresquand je pense que j'en ai fait les deux tiers en huit jours), vu à l'orangerie de Bagatelle le concert de Philippe Giusiano (le lauréat de l'édition 1995 du concours Chopin de Varsovie, une année où un jury particulièrement revêche a refusé d'attribuer un premier prix).

On peut être assommé par l'ambiance ultra-XVIème mais il faut reconnaître qu'un concert à Bagatelle allie le plaisir du plein air à des conditions acoustiques favorables. L'endroit où se produit le pianiste est saturé de fleurs et ressemble au choix à un magasin de fleuriste ou, avec l'éclairage une fois la nuit tombée, à une crèche....

Au programme:

  • Mozart KV547 : mon premier (mouvement) sonne comme du Haydn (c'est un compliment), mon second n'est pas le meilleur thème et variations de Mozart, mon finale est un Mozart simple et miraculeux;
  • Beethoven opus 22 (dans la radio) : un premier mouvement gai, frais et tout fou (avec des hoquets potaches)

....puis, après le coucher du soleil, une partie de magie noire Chopin culminant sur les trois terrrrrrrribles dernières études de l'opus 25 (on ne plaisante plus).

6 février 2006

Un Requiem de Mozart à la Madeleine

Vu comme Pascal le concert de l'Académie de Musique de JP Sarcos, jeudi soir. Pour un orchestre semi-professionnel (d'après ce que j'ai compris le résultat d'une scission du COGE, avec un encadrement de haut niveau), c'était d'une très bonne qualité; et le choeur, parfois un peu bas, avait de très belles couleurs et une vraie pêche.

Et (bouffée de jalousie) c'était plein ! En partie grâce au programme (bateau à souhait: Ecossaise de Mendelssohn + Requiem de Mozart). Mais aussi (et c'est à méditer pour nous qui cherchons de façon hystérique à attirer le chaland) grâce à un réel effort de réflexion pour mieux organiser et présenter le concert, conçu comme un véritable office funèbre. Avec des partis-pris forts: intervention du glas au début et à la fin, recentrage sur les parties originales écrites par Mozart (en remplaçant les parties de Süssmayr par du grégorien), arrêt du Lacrymosa au moment où Mozart aurait arrêté la composition, intervention cataclysmique du grand Cavaillé-Coll dans le Rex, coupure entre les morceaux avec des improvisations à l'orgue, lecture d'une lettre de Mozart. Résultat: le spectateur écoute avec plus d'attention, persuadé qu'il assiste à un événement exceptionnel. Et moi qui étais sorti exsangue de l'année 1991 en jurant qu'on ne m'y reprendrait plus, j'ai écouté avec plaisir ce Requiem (qui n'est pas et de loin mon Mozart favori).

En revanche j'ai copieusement somnolé dans le Mendelssohn, que j'aime pourtant énormément - précisons - à la fois pour l'introduction du 1er mouvement, pour ce beau mi mineur qui est la marque de fabrique du compositeur, pour le bijou rythmique du scherzo (une forme sonate miniature), pour l'énergie du thème du finale avec ses snapshots. Mais l'acoustique n'était vraiment pas adaptée à l'exécution d'une symphonie. En dépit de cela j'ai été très content de voir un concert à la Madeleine, en rêvant sous ces lampadaires à acétylène qui auraient pu être ceux d'une gare, à ce que Contant d'Ivry aurait fait de l'église, aux transformations voulues par Napoléon, aux funérailles de Chopin (le30 octobre 1849) et à celles de Marlène Dietrich en 1992....

22 janvier 2006

Le dernier concert du cycle Lachenmann Mozart à la Cité de la Musique

Lachenmann c'est relaxant comme du Varèse: sans hauteurs, il n'y a ni analyse thématique ou harmonique, le compilateur interne peut se mettre au repos et se concentrer sur quelque chose qui s'apparente ....à la musique. Kundera a écrit quelque chose de très beau sur pourquoi il aimait écouter Varèse dans les années 70 en Tchécoslovaquie, je ne retrouve pas cette interview au Monde de la Musique mais je ne crois pas déformer sa pensée en écrivant que c'était à cause de son absence totale de psychologie ; ça pourrait aussi s'appliquer à Lachenmann, sans doute. C'est la deuxièmefois que j'entends du Lachenmann en concert, ses oeuvres orchestrales sont plus spectaculaires que sa musique de chambre.

Donc, hier, il y avait:

  • Accanto (1977): une sorte de concerto pour clarinette, parsemé d'extraits très fugaces de celui de Mozart. Je n'ai pas écouté l'oeuvre comme si ce lien était central. Au début, on a l'impression que le clarinettiste répète à blanc une partition imaginaire; on n'entend que les bruits de clés. Suit un moment ostinato : tout l'orchestre scande la même pulsation, les cordes jouent en pizz : au deuxième pupitre d'altos, il y a un petit blond qui utilise sa carte bleue (une Gold) comme capodastre (il a raison, c'est mauvais pour les doigts tous ces pizz). Il y a aussi un beau moment prouts : il s'agit d'appuyer l'archet comme un boeuf en remontant sur la touche (petit plaisir régressif pour les violonistes qui ont tous fait ça quand ils avaient moins de 8 ans), avec une accélération subite qui fait un peu mal au coeur: chaque instrument le fait en solo, et à un moment ça s'affole, comme un troupeau de vachettes en folie. Un court extrait du Mozart déclenche le foutoir: les tubas éructent dans leur instrument, le soliste crachouille tant et plus et finit par débiter des insultes tout en jouant; je crois bien avoir aussi entendu un début d'hymne américain. Le public rigole; c'est une partition qui n'est pas emmerdifiante pour un sou, il s'y passe toujours quelque chose, comme au sous-sol du BHV.
  • Mozart: la 34ième Symphonie. Magnifique premier mouvement, riche en constrates et en relief. Entrée en matière solennelle, comme un portique romain. Une variété étonnante d'émotions... un long développement en mineur avec des hoquets et des soupirs. Une symphonie de pauvre: ni flûtes ni clarinettes, pas de scherzo. Grand moment chambriste dans le 2nd mouvement, où le quatuor s'écoute.
  • Schreiben (2003): Autant Accanto est déceptif, lacunaire (une sorte de sphynge géante comme dirait RSch), autant Schreiben est opulent, plein, sonore, parfois gueulard. Les cuivres font beaucoup de bruit : les glissandi de tubas font - eux aussi - un peu mal au coeur. Il arrive aux violons de jouer des notes. On entend même un quatuor à cordes jouer un accord parfait de do majeur. C'est l'empire des signes : les basses font des triangles avec l'archet (comme dans Salüt für Cauldwell): un coup perpendiculairement à la corde (la voie normale), un coup dans le sens de la corde, un coup en biais. Beau début, avec le bruit du vent; on se croirait dans les Boréades. Le 4ième violoncelle, un petit père d'une cinquantaine d'années, a l'air de ravi de faire "fffffff...." avec ses collègues. Belle fin, avec des bruits de tuyauteries isolés dans le silence (effet comique assuré): c'est le pianiste qui grattouille à l'intérieur du piano (impression première: tiens, le voisin fait encore des travaux chez lui), et le timbalier qui frotte à la main un instrument à percussions. Au total, j'ai trouvé ça plus fouillis et longuet que Accanto.

(Orchestre du SüdWestFunk de Baden Baden, dirigé par Hans Zender).

Add1. ouf ! bladsurb et guillaume ont entendu à peu près la même chose....

Add2 Pour illustrer tout cela, des extraits dans la radio de mon disque de chevet du moment, des airs de Mozart interprétés par Mrs Price, avec une voix large comme le Nil et un refus strict de la psychologie que ne désavouerait pas Lachenmann. Je mets le grand air de l'Enlèvement au Sérail avec sa variété étonnante d'interventions bondissantes d'instruments solistes (qui m'évoque cette chanson française que je n'arrive pas à googler, où "chantent ton nom ô ma Louison" rime avec "oursons", thons"). Et puis un grand air de concert, Resta o cara KV528.

16 octobre 2005

Les noces de Figaro au TCE

Vendredi, j'ai obéi aux ordres (qui étaient formels) et bien m'en a pris, la production du TCE des Noces de Figaro vaut effectivement le détour. Orchestre survolté, tempi rapides et nerveux, notamment dans l'ouverture qui est pourtant la seule des ouvertures d'opéra avec Da Ponte à être C et pas C barré (comme le signale Harnoncourt), mais aussi et ça c'était bien, dans l'air du Comte (le n°18, qui me plaît terriblement) à l'acte III, agressif à souhait.

Mise en scène explicite et raffinée (même en ne lisant pas les sous-titres, impossible de ne pas comprendre) poussant les chanteurs dans leurs retranchements (ils sont plusieurs à devoir chanter couchés, face aux coulisses !). Décor de musée de peinture à l'ancienne, bas de Crucifixion androgyne pour les appartements de la Comtesse, ambiance de leçon de musique hollandaise pour un Voi che sapete à couper le souffle (Chérubin à la tourne de pages et la Comtesse au clavier, interloquée par ce qui finit par sourdre du cadre de la partition), nature de peinture française du XVIIIème pour l'acte IV. Parti-pris de tableau vivant, tout pour l'action, les comédiens se figeant dans une pose statique dès que la lumière s'éteint.

Entendre l'oeuvre dans son intégralité permet aussi de repérer les grandes masses de tonalités: le changement de climat à l'arrivée de la Comtesse à l'acte II correspond à la fois à l'irruption du chant des vents et l'arrivée de mib majeur après le do majeur qui conclut l'acte I. Et de repérer les scènes de dévoilement et de retournement: le terzetto de l'acte I, le trio de l'acte II (le n°14, celui où, avant que Suzanne ne vienne retourner la situation, le Comte menace la Comtesse, avec force accords de septièmes électriques et Giudizio menaçants); et puis le sextuor de l'acte III (le n° 19), le plus beau de tous.

Publicité
9 août 2005

Le finale du KV 428

La tête farcie des quatuors de Mozart, le coffret à emporter sur l'île déserte que j'ai emmené ce week-end à ***.

La redécouverte du moment: le finale du KV428 en mib majeur. Une musique gaie, désinvolte et inventive. Il y aurait beaucoup de choses à en dire, mais ce serait moins amusant à expliquer qu'à écouter: la façon dont Mozart organise des syncopes à grande échelle, insère des phrases à 6 mesures dans des structures à 8 mesures, crée des rimes subtiles entre le thème et la zone dominante (à 1'16").

Comme souvent en forme sonate, c'est à la fin (4'46"), après des errements délici-eux (4'30"), que l'on comprend ce qu'était le début. Cette pâte à choux à farcir:

c'est à la fois une formule d'accompagnement (4'53": le violon solo qui plane, par exemple; mais on pourrait imaginer autre chose) et une formule finale (le I-IV-V-I que Mozart reproduit en boucle à la fin, comme les danseuses de la frise Beethoven de Klimt).

Sur le plan formel, je suis catégorique: c'est une forme sonate sans développement: exposition/ réexposition, directement (à 2'29"), avec zone terminale expansée conformément au programme génétique défini au début. Ce serait ridicule d'appeler un rondo une forme dans laquelle le thème ne revient que trois fois, non ?

9 juillet 2005

variations (1): où Mozart met la pilée à Beethoven 4 à 2


Je rappelle les règles de notre grand jeu-concours de ce soir, il faut:

  • avoir 29 ans
  • écrire au sein d'un quatuor en la, un mouvement à variations en ré majeur, mouvement qui fera l'ojet d'un vote du jury !

Qui ( roulements de timbales, majas desnudas, averse de gloubiboulga) de nos deux candidats de ce soir, Ludwig v. et Wolfgang A., va l'emporter ?

Alors là, j'arrête tout de suite, dans mon souvenir - car ce grand jeu a déjà eu lieu, c'est du différé, je dois bien l'avouer- le jeu était équilibré, Ludwig s'en sortait plutôt bien, le mouvement lent de l'opus 18 n°5 tenait la route par rapport à celui du KV 464. Et bien, je dois dire que, tout bien réécouté, avec mes oreilles d'aujourd'hui, je dirais maintenant que Wolfgang sort nettement vainqueur de notre grand jeu-concours.

La comparaison n'en reste pas moins très instructive sur les deux musiciens, écoutons donc.

Commençons par le Mozart: c'est le le 3ième mouvement du 18ième quatuor K464 daté de 1785.

Déjà, le thème est magnifique; élégamment asymétrique (8 +10 mesures), avec du relief, des chromatismes subtils, un équilibre rythmique étonnant avec cette formule entourée ci-dessous qui installe un contretemps qu'il faut résoudre, qui revient telle quelle une deuxième fois et crée carrément la surprise (forte subito). On la retrouvera plus tard (héhéhéhé), je n'en dis pas plus ici (teasing.....).

  1. 1ère variation (à 1'28"): c'est le 1er violon qui tricote (vite et bien) son fil rouge autour du thème. C'est une variation dite ornementale, dans le jargon.
  2. 2ième variation (à 2'56'', logique): le fil rouge passe au 2nd violon, du coup ça chante, ça respire.
  3. 3ième variation (à 4'16", c'est implacable): des dialogues, par blocs; ça se détricote, ça se détend, parce que plus tard, il faudra bien reconverger.... (manoeuvre subtile !)
  4. 4ième variation (à 5'44"): ré mineur. Des sextolets de doubles que l'on s'échange entre musiciens de bonne compagnie. Les rythmes pointés de la dignité outragée. Donna Anna, quoi. Au fond je n'aime pas beaucoup ce drame un peu factice (beurk, de l'opéra).
  5. 5ième variation (à 7'25") retour au majeur, avec une musique pleine d'effusion chromatique, chaude et contrapunctique à la fois. Je craque, je fonds de bonheur (enfin, il faudrait choisir).
  6. 6ième variation (à 8'44"): sur un rythme militaire au violoncelle, les 3 autres cocos complotent ensemble, mezza voce, à l'intérieur du chaudron.
  7. 7ième variation (coda, de 10' à la fin) : le rythme militaire s'élève progressivement d'instrument en instrument vers un la cadenciel, qui ne demande qu'à être résolu. Le thème est réexposé à 10'47", écoutez bien, on suit la phrase du début jusqu'à la formule magique que j'ai entourée dans le thème, qui se révèle être un raccourci pour conclure, en évitant le centre du thème (à caractère centrifuge si vous me permettez cette contradiction). Presque aussi énigmatique que la fin de l'opus 111 avec ses décélérations.

Passons maintenant à Beethoven avec son opus 18 n°5 en la de 1799. En fait, il a lu, aimé et recopié le quatuor KV 464, et il y a pensé, manifestement, en écrivant ce beau mouvement lent. Même s'il a moins d'expérience que Wolfie au même âge, ce n'est tout de même pas un poulet de l'année: il a déjà derrière lui des sonates pour piano, des trios.

Déjà le thème: il est tout simple, tout carré, c'est du 2*8 mesures, sans chromatisme ni relief tourmenté. Un thème-prétexte, comme souvent chez B.

  1. variation 1: Pas inconscient, Beethoven sait bien que son thème est nul et qu'il faut intéresser l'auditeur. Alors il écrit une variation avec beaucoup de caractère et d'humour, avec une succession de têtes baroques rigolotes. C'est une solution logiquement différente de celle de Mozart qui aime tellement son thème qu'il en respecte la lettre en se contenant de lui mettre du persil dans les naseaux (du moins, dans cette première variation).
  2. variation 2: le moment de bravoure (relative) du 1er violon (en sextolets; ça accélère et c'est une marque de fabrique de Beethoven de varier la pulsation de base: voir encore l'opus 111, c'est différent de Mozart qui garde son fil rouge rythmique inchangé). Rien à faire, un violon 1 qui fait le coq, ça me fout en boule.
  3. variation 3: accélération rythmique, clapotis du 2nd violon. Me touche surtout l'alto, qui, idéaliste tendance grave, chante un monde meilleur, au début de la seconde mi-temps.
  4. variation 4: variation mystérieuse, pianissimo, avec des successions d'accords qui s'animent de façon imperceptible. Ces enchaînements chromatiques frappent davantage l'imagination que ceux de Mozart car on ne les a pas entendus avant (c'est une bonne idée de Beethoven, ça)
  5. variation 5 (6'44"): Bastringue ! c'est la fête à Neuneu. M n'a pas tort, Beethoven c'est vulgaire. Mais que c'est drôle de voir ces marquises sauter sur leurs réveille-matin qui font dring....
  6. variation 6 (7'56"): bifurcation en si bémol une modulation, retour à ré.....cadence et thème déconstruit, liquidé. Ressemble étrangement à la fin du Mozart, en moins excitant je trouve.

Récapitulons: chez Mozart je trouve plus réussis le thème, la variation 2 (celle qui chante qui respire et qui palpite), la variation 6 (le complot sous contrainte militaire) et 7 (la fin, sublime). Mozart, 4 points.

Chez Beethoven, j'aime la variation 1 (son esprit "je casse tout"), la 3 pour l'idéalisme, la 4 pour les complots chromatiques. Et j'enlève un point à cause du bastringue. Beethoven, 2 points.

4 à 2 pour Mozart: c'est (presque) sans appel, non ? Enfin, dans la catégorie, thème et variations en ré majeur, compositeur de 29 ans....

 

22 juin 2005

Autour du premier mouvement de la symphonie Haffner de Mozart

Mozart, encore Mozart, toujours ré majeur, cette fois-ci le premier mouvement de la 35ième symphonie, la Haffner. De loin la symphonie de Mozart qui me plaît le plus, pour sa tension et son énergie, son monothématisme strict à la Haydn. Cette forme sonate-ci est vraiment obsessionnelle avec ce thème guindé qui irrigue tout le mouvement.

Une cocotte-minute avec les tenues véhémentes, les rythmes pointés prêts à exploser. Chez Harnoncourt, ça sent le ragoût de mouton dès la première écriture contrapunctique (mesure 13, à 0'23"), on entend les altos bêler en contrechant (et faire scintiller les tenues, du coup, un peu comme des trilles). Je donne sans doute dans la psychologie de bazar mais il me plaît de penser que ce chaudron Ancien Régime avec ses rythmes pointés à la française a quelque chose à voir avec l'état général de fermentation pré-révolutionnaire de Mozart en 1783 et son irritation vis-à-vis de Sigmund Haffner, le commanditaire de l'oeuvre qui avait été anobli récemment.

Ce qui est très beau dans ce thème, c'est ce mélange de valeurs longues (la ronde) et courtes (des doubles croches) qui lui donne dès le début un air de musique venue de Sirius. Assez vite, la nature ayant horreur du vide, des figures rapides viennent se superposer au thème, qui change de physionomie à 30". La tentation pour un mauvais chef, je le sais d'expérience, est d'accélérer à ce moment là et d'écraser sans discernement les misérables vermisseaux qui tricotent dans la soute. C'est une des petites illusions délicieuses en musique: l'auditeur a l'impression que le discours s'anime alors qu'objectivement il n'y a pas la moindre variation de la vitesse de défilement. Soit dit incidemment, c'est aussi le ressort du quatuor Lever de soleil de Haydn (radio) et l'une des recettes de l'agogique.

Avouons-le, j'aime aussi ce mouvement à cause de son deuxième unisson qui me fait toujours un effet boeuf (à 2'05", de la à mi, pour pouvoir conclure en la; ou, à 5'08", de ré à la pour finir en ré), le pendant du thème initial à plus d'un titre. En reprenant la partition, je me suis aperçu que cette ligne qui monte vers l'aigu est le renversement de la gamme initiale (ré-do#-si-la) et le comblement, par degrés chromatiques, de l'ambitus initial (une octave et demie). Mozart comble son gap, comme un analyste chartiste. Sur un mode ironique et flamboyant, avec ses trilles et une accélération rythmique jupitérienne.

Nouvelles définitions de la forme sonate: 1) c'est ce qui comble le gap du chart; 2) c'est ce qui rattache Sirius à la terre. J'en ai une autre avec un lapin et un chasseur, ce sera pour une autre fois.

Radio: je mets aux côtés de l'allegro con spirito, le finale de la Haffner (pour les timbales et les surprises), et en radio-Haydn le début du lever de soleil (opus 76 n°4 en sib majeur).

PS: pour finir sur une note culinaire, je suis fou de la tache d'huile de la mixture violons-clarinette puis violons-flûte à 1'36" du début (la gamme ascendante).

8 février 2005

autour d'un trio des Noces

A ceux qui croient encore, naïfs hirondeaux nourris au lait du Conservatoire, que la forme sonate est ce carcan académique dont les vaillants novateurs des XIXième et XXième siècle ont su s'émanciper, on conseille d'aller écouter sur la radio le merveilleux terzetto de l'acte I des Noces de Figaro de Mozart: tout le contraire de l'académisme, de la forme en action, toute vivante et palpitante. En un peu moins de 5', c'est une forme sonate aussi complexe qu'un premier mouvement de symphonie qui surgit, qui souligne finement une histoire tragico-burlesque de double sortie d'un placard. Une forme sonate, c'est cela: exposer des tensions, des dissonances, puis les résoudre, après les avoir révélées.

La situation est la suivante: à la scène précédente, Basile, manoeuvrant pour le Comte, essaie de faire chanter Suzanne en insinuant qu'elle se laisse courtiser par Chérubin. Au tout début de la scène qui nous intéresse, le Comte, qui a tout entendu, sort de sa cachette, furieux, jaloux et dominateur, prêt à tout pour confondre l'impudent Chérubin (qui, en fait, rêve à la Comtesse). Basile cherche à renforcer son avantage, à sa manière torve. Mais la scène se corse : le Comte, en racontant et mimant comment il a démasqué Chérubin, quelque temps avant, finit par le dénicher...sous un autre fauteuil. A la fin de la scène, Suzanne est catastrophée, Basile triomphe et le Comte tonne. Vous suivez ? sinon, le livret est ici..

Toute la scène fonctionne musicalement sur des idées très simples, comme toujours chez les classiques, tellement banales qu'on risque de ne pas les repérer..... Comme principaux ingrédients de la scène, j'entends la cadence fa-si bémol (qui ouvre la scène), un rythme modulant caractéristique qui revient aux moments cruciaux (associé à l'idée de manigance, on le voit sur la partition ci-dessous), un rythme pointé, plus martial et moins crucial, qui est associé au Comte (c'est juste avant).

Et maintenant, le topoguide, avec les dénivelés et tout et tout:

Exposition: du début à 1'25''. Première note: un fa.... qui est une dominante, en fait. On est en si bémol. Comique du style classique: le thème initial n'est qu'une cadence (comme le finale de l'opus 76-5 de Haydn, aussi dans la radio), pire encore, pas même une cadence parfaite. Une décadence. Je signale juste en passant (ça servira plus tard) que cette cadence intervient à la première sortie de placard (introducing le Comte)

à 2": le voilà, le comte, en si bémol, avec son rythme pointé (c'est un seigneur qui tonne, et dialogue avec les violons)

à 20": le rythme de Basile, dont je parlais, modulant, très repérable;

à 28": musique dramatique et bouffonne à la fois: Suzanne se lamente en do mineur (qui annonce fa, évidemment)

à 55": musique de conclusion en fa majeur (très romantique avec ses accents, ses chromatismes et les violons qui s'excitent, on y retrouve le rythme de Basile).

Développement

1'21": on module en ré puis en mi bémol; sur la musique de la conclusion, puis le rythme de Basile, qui nous mène en fa (fatal).

Réexposition

2'05": c'est la musique du début, mais qui prend tout son sens avec les voix (et plus seulement le Comte et les cordes). Un savoureux "quoi quoi quoi" suspensif de Suzanne, sur fa, mène à une....

2'30" ...extraordinaire cadence (à tous les sens du terme, comme dans un concerto....). Temps suspendu; le temps du récitatif est celui de la narration, du souvenir, mais celui-ci reste en cohérence avec la forme sonate: le thème rythmique cette fois-ci nous ramène à bon port, sans galéjer avec des chromatismes.....sur une cadence, qui coïncide avec la sortie de Chérubin de sa cachette (comme le Comte au début de la scène). Cosa Veggio, chante le comte, effaré: la bête est dans la nasse (en si bémol).

3'21": On est bien en si bémol, tout est résolu: Le rythme initial se retourne contre Suzanne (le Comte lance un ironique "Onestissima Signora") Suzanne est une menteuse confondue, le Comte est décidé à punir Chérubin.

Cette note est un essai, à tous les sens du terme....un peu bâclé, mais je voulais parler différemment d'une musique qui est à la fois plus primesautière et complexe qu'il n'y paraît. Je ne recommencerai pas, c'est promis. Evidemment en misérable ver de terre, je dois tout au plus beau livre jamais écrit sur la musique, le Style classique de Charles Rosen (mon idole), qui ne parle pas de ce trio mais analyse le sextuor de l'acte II, avec ses "Ciel ! Maman ! Ciel ! Papa !".

Publicité
<< < 1 2 3
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité