La carrière criminelle d'une femme qui s'ennuie, dans le district de Mzensk. La mise en scène encage l'héroïne dans une boîte à chaussures au plancher rose chair (vite souillé), îlot sur un plateau de terre battue délimité par une palissade qu'il sera finalement impossible de franchir. Musique mi-hystérique mi-catatonique, du Chostakovitch bien vert qui agace les gencives avec 100% d'acidité. Collection de pastiches et de grotesques, avec un goût pour le brandebourgeois déglingué (sur le modèle de la 2ième symphonie) - le contrepoint strict figurant invariablement la tension érotique (pas sûr que le grand Jean-Sébastien aurait aimé). A de rares moments, la musique se calme et les personnages deviennent autre choses que des pantins de grand-guignol; pendant cette berceuse zoologique (le poulain cherche la jument) un peu triste qui revient dans au moins deux tableaux; pendant la grande déploration orchestrale qui suit le meurtre du beau-père; pendant une scène d'amour un peu calme (en fa# ?) juste avant que le mari ne revienne; et surtout à la fin, dans cette grande scène si russe de bagne, avec le tic tac lugubre de la marche des forçats dans la steppe et le cri de Katerina, figuré à l'orchestre.
le concert EIC de ce soir
Ce soir, concert EIC... sous le thème assez vague de la danse.
- Debussy: Danses avec harpe. Dans une version dégraissée (à un double quatuor à cordes + harpe).
- Unsuk Chin: Double concerto pour piano (préparé), percussion. C'est toujours bien, conceptuellement, de castrer un piano en lui collant des punaises dans le fion (bien fait), mais là du coup, on l'entend vraiment très peu. Toute l'oeuvre donne l'impression d'un machin torrentiel, très spectaculaire. Si j'ai bien compris, les deux solistes tiennent la superstructure de l'oeuvre et donnent des impulsions qui se transmettent aux autres instruments. Par exemple, au violon solo qui transmet derrière aux cordes graves- et ça finit en catastrophe! Rhaaalovely. Un peu avant la fin, il ya un beau moment avec un canon de glissandi descendants. C'est souvent très beau, très fin, très sensuel (
si j'osais, j'écrirais qu'on se rend tout de suite compte que ce n'est pas de la musique de compositeur allemand mâle).
- Herrmann (Arnulf, pas Bernard): Fiktive Dänze, deuxième cahier. Pour vents, limite orphéon bavarois; il ya un tuba wagnérien qui fait des poumpoums de patapouf et un contrebasson qui donne plutôt dans la clouterie. C'est de la musique pure; pas de chichis, tout pour l'idée; ça marche très bien parce qu'on a vraiment l'impression de comprendre ce qui se passe, ce qui est toujours agréable. Au début, une danse floue (Unscharfer Tanz - j'aime bien ces titres - c'est un recueil d'humeurs, comme des pièces de Couperin ou de Schumann - faire sobre en matière de titres permet d'aller tout de suite à l'essentiel, à la musique) commence par une giration au cor, très délicieusement foireuse, à la fois en hauteurs (ya du quart de ton) et en rythme; toute cette danse est très ... flottante. La troisième danse (Spiralförmiger Tanz) est à base de gammes fusées (à la clarinette, par exemple, évidemment). La dernière des danses (Breiter Tanz) a une période de base plus longue, et ressemble à une grande passacaille (le tuba wagnérien délimite chaque période, la flûte en occupe l'espace, au début); ça finit par de beaux unissons. Tout cela est excitant comme du Ligeti. Je réécouterais vraiment bien le tout, d'autant que j'ai déjà oublié (mon côté blonde) ce qu'il y avait dans cette Danse grossière (la n°2).
- Stravinsky: Ragtime et Renard. Content d'entendre Renard. Deux ténors et deux basses font tous un peu la poule, le coq, le renard, le chat et le bouc. Musique à mi-chemin entre Noces etl'histoire du soldat. Il y a un moment où le violoncelle s'excite vraiment beaucoup à glisser vers le bas. C'est vraiment très bien.