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zvezdoliki

12 juin 2005

Retour du Vieux Campeur (pas moi, le magasin)

Alors, dans la catégorie carte au 1/25 000ième.

(Toujours cette manie de coller des notes, de classer.....)

Je n'aime pas du tout du tout du tout les éditions Kompass (Kaplanstrasse, 2 A- 6063 Rum-Innsbruck).

J'aime beaucoup beaucoup les éditions Tabacco (Via Fermi, 78- 33010 Tavagnacco, UD)

Presque plus que les éditions IGN, 170 rue de la Boétie, 75008 Paris, c'est dire.

Ah, j'oubliais cette carte de Geograf Salvador Llobet Edicions Cartografiques, C/Princesa, 67- 08400 Granollers. Elle n'est pas superjolie mais elle devrait rappeler quelques souvenirs à Fafa.

1- Italie, 2- France, 3-Catalogne, 4-Autriche

Non ?

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30 mai 2005

De la maison des morts, de Leos Janacek

Une musique géniale.

Je pense que c'est une erreur de trop tirer le texte dans le sens de l'illustration du Goulag, de la lutte contre les totalitarismes. Cet opéra, c'est davantage Faits divers qu'une journée d'Ivan Denissovitch.... Oui, il y a la dépersonnalisation du bagne, la musique de l'acte I le dit avec éloquence. Mais le coeur de l'opéra reste ce corpus de récits de prisonniers, qui ressassent leur vie passée, leurs amours, la vie de province. Et dans cette histoire d'hommes, ce sont, comme dans Katia Kabanovna et Jenufa, des beaux portraits de femmes, en creux, qui font les plus beaux moments de musique (l'histoire de Louiza, celle d'Akoulinka, opéra dans l'opéra davantage que la pantomime de l'acte II).

Des trois récits principaux, je retiens au premier acte l'histoire de Louka Kouzmitch, dense et incroyablement violente (radio), qui rappelle Wozzeck que Janacek venait de découvrir. Le récit du IIIème acte, celui de Chichkov (Johan Reuter, magnifique), m'a le plus impressionné, C'est le plus long et le plus complexe. Celui d'un homme doublement humilié, un personnage qui rappelle le Laca de Jenufa (mais sans le happy end). C'est un bon à rien à qui un père ivre de fureur donne en mariage sa fille Akoulinka. Celle-ci a été déshonorée par un certain Filka Morozov, qui lui faisait la cour et a refusé de la demander en mariage en faisant croire qu'elle s'était donnée à lui. Pendant la nuit de noces, Chichkov se rend compte que Filka Morozov a menti, qu'Akoulinka est encore vierge. Il sort rosser Morozov qui lui objecte qu'il devait être ivre au moment de la nuit de noces. Chichkov finit par battre sa femme, lui demander pardon....et elle lui avoue qu'elle aime encore Filka Morozov. Chichkov finit par l'assassiner après l'avoir emmenée en charette dans la forêt. Ce long (plus de vingt minutes) récit cruel est raconté dans une langue imagée et chaude, à la Babel (tiens, il est d'ailleurs question de Tambov dans cet opéra, comme dans Cavalerie rouge.....)

L'un des fils rouges de l'opéra est le personnage de Goriantchikov, dont l'incarcération et la libération délimitent l'espace de l'opéra. C'est un personnage secondaire par le nombre de répliques mais crucial dans l'économie de l'oeuvre. C'est le seul prisonnier politique du camp, un personnage qui reste toujours non intégré (scène terrible de l'agression du jeune Tartare que protège Goriantchikov); c'est un double de Dostoievski le prisonnier. Le violon solo qui parcourt l'oeuvre (Janacek a recyclé de grandes parts d'un concerto pour violon qui n'a pas été écrit) dès l'ouverture est bien celui de l'idéal auxquels s'opposent les rythmes lourds caractérisant les chaînes. Vendredi, c'était José van Dam qui apportait son charisme, son épaisseur, sa classe à ce personnage pivot.

Le décousu chez Janacek: oui, mais c'est aussi une des forces de cette musique, cette alternance de plans qui se contredisent. C'est l'arme atomique anti-kitsch. Cet ivrogne qui interrompt par des "il ment" ce récit intime si sensible, c'est ce qui garantit que la sensibilité ne tombe pas dans la sensiblerie (un des mes sujets récurrents d'inquiétude....). Cela n'empêche pas Janacek d'organiser des entrées en résonance magistrales: la fin du récit de Louka Kouzmitch (à qui un militaire borné a presque arraché les oreilles) rentre en résonance avec la sortie de la salle de torture de Goriantchikov, par exemple; ou encore, toujours dans le récit de Chichkov, la coïncidence finale: Louka Kouzmitch n'était autre que Filka Morozov.....

Je m'aperçois que j'ai peu parlé de musique. Je voudrais recommander la lecture de cette excellente analyse de Pierre Michot, accessible et très pédagogique (un lien précieux, j'ai mis un temps fou à en retrouver l'adresse.....). Je garde en mémoire les quartes de ce thème du commandant, les dissonances du thème de la souffrance,

un motif lié à la torture dont je n'arrive pas à me débarasser,

la pantomime du second acte avec le pastiche d'élan graisseux à la Strauss, les choeurs d'hommes bouche fermée dans la fosse, les stridences des piccolos et l'incroyable force de la fin libératrice.

Vendredi, l'aigle noir n'était pas très réussi (une grosse peluche se transformant en un cerf-volant qui s'échappe à la fin de l'opéra), mais il y avait d'autres belles trouvailles visuelles: l'arbre noueux de l'acte I, la scène du petit théâtre de l'acte II avec ses têtes de morts et ses couleurs vives (pas d'accord avec l'ami Francis). La salle était à moitié vide (nous avons pris une place à 5€ à 19h !).

Je mets dans la radio le récit de Louka Kouzmitch à la fin du 1er acte, (le seul moment où la musique de l'ouverture réapparaît, comme le note Michot) et la fin de l'opéra avec la libération de Goriantchikov.

 

25 mai 2005

Борис Годунов, de Модест Петрович Мусоргск

 

C'est l'histoire d'un ténor qui veut le fauteuil d'une basse....et qui a trouvé l'arme fatale: la sixte majeure ! Dès que la sixte majeure apparaît (la tête du thème associé à l'enfant assassiné, le tsarevitch), Борис la basse tourne de l'oeil, se roule par terre, fait sortir tout le monde et commence à vaticiner en roulant des yeux exorbités. Comme ici : c'est Chouiski, le boïard torve, qui chante:

Très impressionnant et à la limite du gênant. Enfin. Je vous le signale, ça peut être efficace: Machin vous ennuie ? Une sixte majeure dans les dents, et vous verrez, il ne s'en remettra pas.

Enfin, on a envie de noter deux ou trois choses sur cette représentation de Boris Godounov (garantiesans Ramey en tutu, on est moins jet-set que d'aucunes...hum) à la Bastille, où par le plus pur des hasards on a croisé Ph, sans s (tiens, par esprit d'escalier, justement, quelqu'un sait-il pourquoi l'entrée via le grand escalier de la Bastille est fermé ?). Donc, notons:

  • 1er tableau: le peuple attend la fumée du conclave que Борис ait accepté de se voir conférer le pouvoir (comme il a très peur, déjà, de la sixte majeure, on comprend qu'il hésite). Grandes sonneries de cloches, cloches de gloire et d'angoisse, dès le début.
  • 2ième tableau: Pimène le chroniqueur et Grigori le moine. Magnifique fil rouge sinueux des violoncelles, l'Histoire qui s'écrit, se reconstruit, la mémoire qui va donner l'idée à Grigori d'usurper l'identité du tsarévitch assassiné.
  • 3ième tableau: scène bouffonne dans l'auberge à la frontière lituanienne. Après le tube de l'hôtesse, et de Varlaam (une histoire qui se passe à Kazan), une scène de manigance alors qu'un vagabond saoul chante une mélopée répétitive; une dissonance très réussie, qui m'a rappelé Peter Grimes, je ne sais plus où.
  • 4ième tableau: la première grande scène de Boris. Moussorgski fait jouer aux violoncelles des sons filés, tiré, très fort, sur le chevalet, quand Boris commence à gamberger. Effet garanti.
  • 5ième tableau: l'acte polonais. Aucun intérêt, on introduit un élément féminin, une gourgandine manipulée par un jésuite cynique (fatal). Il y a une grande pause entre ce tableau et le suivant, c'est normal, on déménage de Sandomir en Pologne à Moscou et ça doit être loin.
  • 6ième tableau: retour de la foule. Se clôt sur la scène où l'Idiot repousse le tsar qui a du sang sur les mains; un des sommets de l'opéra, l'air de l'idiot est repris tout à la fin de l'oeuvre. L'intervalle de l'Idiot, c'est la seconde (fa-mi). Berg a dû s'en souvenir dans Wozzeck, dans la scène de l'Auberge ("Ich riech' nach Blut !") et puis à la fin, avec les tierces qui oscillent.....
  • 7ième tableau: la mort de Boris.
  • 8ième tableau: la forêt de Kromy. Une scène très violente, presque révolutionnaire.

Question ouverte: pourquoi n'a-t-on pas eu de grand opéra historique en France, à la Boris ? A part les Huguenots de Meyerbeer (quelle blague, la bénédiction des poignards) ou les Troyens (mais c'est quand même très loin de l'atmosphère de Boris......)

MAJ : je rajoute le commentaire de F

Ah, Boris (c'est un de mes opéras préférés). Dans quelle version était-il montré ? Les versions habituellement jouées dans les corrections de Rimsky-Korsakov ou de Chostakovitch, et les différentes versions de Moussorgsky (encouragées seulement récemment, le premier enregistrement dans cette version date de 1957, par Bochum, mais est chanté en allemand) sont très différents dans l'orchestration mais aussi dans l'histoire (la fin, le moine n'est pas toujours un moine, etc..).

Sinon, musicalement c'est un chef d'oeuvre. As-tu remarqué comment Moussorgsky résout le problème (très spectral) de la simulation des cloches, instrument au son très inharmonique peut imitable à l'ochestre (il n'y avait pas encore Tristan Murail qui simule dans sa pièce d'orchestre Gondwana des sons de cloche gr-ace au calcul préalable à l'ordinateur) ? Moussorgsky utilise un triton do fa# do (pas de sixte cette fois) et altèrne sur ce triton les accords de ré7/lab7, tonalement les plus opposés (effet de balancement, pas de stabilité tonale), accords qui contiennent tous les deux ce triton. Héhé, astucieux et pas "cloche", le Modeste.

La meilleure version (en DVD) est selon moi le Boris par Claudio Abbado à Vienne (ou Berlin), avec la superbe mise en scène de Tarkovski (un balancier de pendule qui se balance sur toute la scène). Sinon, l'opéra, par son sujet politique sur la Russie éternellement dictature et d'un peuple russe subissant son destin (dernière scène, le chant du clochard), est fascinant (même s'il y a d'autres opéras politiques : Verdi, Fidelio, Puccini, etc..). En France, les artistes prendraient peut-être traditionnellement moins position politique, malheureusement (Benvenuto Cellini) ? Mais Boris aura beaucoup influencé en France le Pelleas de Debussy, alors que celui-ci cherchait une solution pour sortir des leitmotiv wagneriens. L'idée géniale de Moussorgsky est de construire une mélodie sur l'intonation parlée de la langue (ici russe). Debussy reprendra exactement l'idée (il en parle dans Monsieur Croche, alors qu'il vient de découvrir Moussorgsky), mais en prenant évidemment l'intonation du français, ce qui donne des mélodies plus suaves.

21 mai 2005

un petit guide des trios de Haydn

Je délocalise les Haydn dans une nouvelle radioblog ad hoc (car il faut bien ranger, parfois). J'essaierai de faire varier les plaisirs dans cette radio- et il y a matière à, dans le continent Haydn.

J'ajoute à ce qu'il y avait dans la radioblog canal historique l'Agnus Dei de la Harmoniemesse, qui surclasse de loin à mon goût, celui, à timbales, de la Missa in tempore belli. L'Agnus est à pleurer. Le Dona Nobis pacem, une petite forme sonate, est particulièrement adapté pour danser dans son salon avec son flux électrique continu de doubles croches (qui rappelle le scherzo de l'Ecossaise) qui se déplace des cordes aux bois (rien de plus jubilatoire que de faire tricoter un basson: allez basson, tricote, basson) au moment de la zone à la dominante (fa majeur).

J'ai mis aussi et surtout un assortiment d'extraits des trios avec piano. C'est un massif de pièces géniales, déboutonnées, pas vraiment reconnues comme elles le méritent. Les musicologues expliquent tous la bouche en coeur que ce sont des oeuvres rarement jouées en concert car trop déséquilibrées en faveur du piano (Haydn les a appelées non sans raison sonates pour piano, violon et violoncelle), l'ego des violoncellistes s'accommodant mal d'une partie de doublure, paraît-il. Il me semble qu'elles connaissent un regain de faveur ces derniers temps.

Il y a pour l'amateur une vraie difficulté à ne pas sous-estimer, celle qu'il y a à s'y retrouver. Sans Excel, on est perdu. Désolé, ça va être le quart d'heure bibliothécaire, mais je crois que ces choses ont leur importance. Haydn accumule les handicaps avec ces trios. D'abord, il y a beaucoup de trios en sol ou en mib: la tonalité n'est pas discriminante comme, par exemple, dans le Clavier bien tempéré. La façon classique de marquer ces trios est d'identifier les dédicataires, Haydn ayant écrit quatre groupes de trios pour des dames différentes, mais là encore, patatras, deux de ces dames sont des princesses Esterhazy (Marie Thérèse, veuve Anton- je l'appellerai Anton; Marie Hermegild Esterhazy, épouse Nicolas- je l'appellerai Nicolas), les deux autres étant Theresa Jansen Bartolozzi (une pianiste redoutable, semble-t-il) et Rebecca Schroeter, une amie de coeur de Haydn).

Pour couronner le tout, il ya deux systèmes de numérotations en concurrence (et plus pénibles à réconcilier que les Pâques orthodoxes et catholiques): le système HC Robbins Landon (qui date de 1968), et le système Hoboken (1957). Hoboken me semble vraiment mal fichu, les derniers trios (au sens de la chronologie) étant numérotés jusqu'à 32, Hoboken complétant sa liste par des oeuvres moins incontestables; hélas les baroqueux, qui n'adorent rien tant que de montrer qu'ils maîtrisent la complication, adorent ce système. Robbins Landon (numérotation utilisée par le Beaux Arts Trio) me semble préférable. Mais reste compliqué d'usage. Je proposerais volontiers un système de numérotation isolé pour les premiers trios, puis un système du genre Theresa I, Rebecca II ou Anton II. Sans ce tableau et sans magnésium on est fichu.

Je rajoute donc dans la nouvelle radio-Haydn quelques morceaux de choix.... Je connais bien depuis longtemps les tout derniers trios :

- dans Theresa I (do majeur), le mouvement initial. Génial d'invention (ça n'arrête pas) de fraîcheur et d'ampleur. J'adore la fin du développement, quand l'âpreté de la partie en mineur s'évacue et que ça se remet à glousser (de 4'30'' à 5')
- toujours dans Theresa I (do majeur), le finale (sans commentaire).
- dans Theresa II (mi majeur), le 1er mouvement avec ses célèbres kloungs en mi majeur.
- dans le trio n°41 en mib mineur, l'Allemande finale, avec son ambiguïté rythmique initiale et son émulation dans la virtuosité (voir à 2'30"); s'il y a bien une musique déboutonnée chez Haydn, c'est vraiment celle-là.

Je découvre en ce moment les trios dédiées aux deux princesses Esterhazy; je mets:
- dans Anton 3 (sib majeur), le 1er mouvement euphorique et équilibré au thème sautillant et bien dessiné.
- dans Nicolas 3 (en ré mineur), les doubles variations initiales

13 mai 2005

le coup du coup de pied

La dernière blague à l'orchestre hétéro: à la suite d'une cascade de maternités, je me retrouve au premier rang des 2nds violons, pile poil en face du chef et à côté de ***, la chef de pupitre. Une sacrée promotion: je suis fier comme Artaban et tout se passe comme sur un nuage quand bing! je me prends un coup de pied de*** dans les tibias (les miens).

Deux minutes plus tard, il ya une interruption et *** m'explique, outrée, qu'au premier rang, on ne croise pas les jambes (pas plus qu'on ne met des chaussettes bleu curaçao, d'ailleurs).

Je tente de plaider les subtilités de mon jeu de jambes, d'expliquer que mettre la jambe droite très serrée sur la jambe gauche, ce n'est pas affaler mollement la jambe gauche à pi/2 sur la jambe droite. Rien à faire: *** est décidément inflexible (en tous cas davantage que ma jambe).

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4 mai 2005

grand congrès mutualiste des glottes queer

Hier soir au bien-nommé Palais de la Mutualité, c'était le grand congrès des glottes queer, le gala d'ouverture des Various voices, le festival des chorales gaies et lesbiennes. Le genre de festival où l'on peut aller écouter Die Fetten Koketten Soubretten de Cologne (je ne sais pas ce qu'ils font mais raaaah j'adore ce nom) ou l'antipodien Canberra Gay and lesbian Qwire.

En bref, le genre de spectacle mutualiste que j'aborde avec l'enthousiasme que je réserve aux réunions familiales les plus interminables. Sur ce point là pas de déception: c'était vraiment très long et très en retard. Sur le reste, pas vraiment un spectacle skoteinien, on s'en serait douté, beaucoup de bons sentiments et de chaleur tribale. Mais aussi des moments hautement improbables dans des coulisses surchauffées (assez bizarrement les sous-sols de la Mutu ne communiquent pas avec ceux de Saint-Nicolas du Chardonnet); un speech très personnel de Jean-Luc Romero qui m'a scotché (en matoo dans le texte); et puis aussi, last but not least, de la bonne musique: hier soir, j'ai flashé de façon exclusive et totale sur le Hellmans Drengar de Göteborg.

A l'orchestre nous étions réquisitionnés pour la superproduction de clôture (au secours! cria-t-il d'une voix faible) et nous avons joué notre grand tube du moment (Prokoviev) sous des salves de rires un peu inquiétants (a priori ça n'est jamais bon signe). Renseignement pris, la salle gloussait devant une présentation Powerpoint défilant sur écran géant censée présenter les choeurs participants, mais avec des indications de localisation parfaitement fokloriques, les choeurs suisses étant localisés à Londres par exemple. Je divague, mais tout de même, les choeurs gais et lesbiens, c'est vraiment un truc d'anglo-saxons (j'englobe suisses et allemands), pas un seul choeur du sud de l'Europe. On va y réfléchir.

2 mai 2005

Un tombeau de Sacher

Où, intrigué par un quizz de feu Pelléas (enfin, feu le blog !), on a découvert, effaré, que Boulez, toujours plaisantin, avait composé....en morse.

Après tout, c'est une technique comme une autre, qu'on entend très distinctement dans Messagesquisse, la jolie pièce qu'il adédiée à son ami Paul Sacher, pour ensemble de violoncelles...

 

C'est l'occasion ou jamais de rendre hommage à ce grand Suisse. Après son mariage avec Maja Hoffmann Stehlin en 1933, il a longtemps siégé au conseil d'administration de Roche. Mais il a aussi été à la fois musicologue, fondateur de l'Orchestre de chambre de Bâle avec lequel il a exploré le répertoire du XVIIIème siècle, et surtout, c'est ce qui restera, le commanditaire de nombre de chefs d'oeuvre de la musique du XXième siècle: citons trois grands Bartok (la Musique pour cordes, percussions et célesta, la Sonate pour deux pianos et percussions, le Divertimento), quelques Stravinski mineurs, des Martinu, un magnifique Dutilleux tardif et une succulente collection de pièces de violoncelle pour ses 70 ans en 1976 (dont le Boulez....).

Avec tout ça on a de quoi composer un beau concert égoïste :

  • le mouvement initial du Divertimento de Bartok (1939)
  • le 3ième mouvement de la musique pour cordes, percussion et célesta de Bartok (1936), un nocturne sublime
  • Prismes, le 3ième mouvement de Mystère de l'instant de Henri Dutilleux (1989), enregistré par Sacher à la tête du Collegium Musicum.
  • le finale de la 2nde symphonie de Honegger (une séance de rattrapage pour David Madore) qui n'est pas une commande de Sacher mais que j'ai entendu à Paris dirigé par Sacher himself.
  • le Narrative du triptyque A Sermon, A Narrative and A Prayer de Stravinski (la lapidation de Saint Etienne) (1962). Ce n'est pas une musique pour laquelle je vendrais père et mère (enfin, pas les deux à la fois).
  • Messagesquisse de Boulez (1976)
  • et puis le mouvement final de la petite symphonie concertante de Frank Martin (1945)

Qu'est-ce qu'on pourrait s'acheter avec les fees de Taxotere, de nos jours ? Hein ?

27 avril 2005

Mon premier Tristan (et quelques autres aussi, Isolde, Bill, Peter, Esa-Pekka)

(C'était dimanche dernier, Tristan et Isolde à l'Opéra-Bastille dans la production Salonen/ Sellars/ Viola).

Tout d'abord j'ai trouvé qu'il y avait un vrai problème d'équilibre perceptif entre la mise en scène, le discours musical, le texte du livret, la vidéo (qui sur très grand écran sidère, capte toute l'attention). C'est un problème habituel à l'opéra, où si l'on veut se concentrer sur la musique, il faut parfois faire abstraction d'un des autres paramètres....Dimanche, j'ai fait une croix sur le texte du livret de Wagner (placé où j'étais, je n'ai pas vu un seul surtitre) et sur la mise en scène de Sellars (très éloignée de sa signalétique habituelle, rien à voir avec ses mémorables Grand Macabre ou Rake's Progress au Châtelet).

Donc, Viola. Il m'a semblé que la vidéo, avec toutes ses qualités, était vraiment loin de l'opéra de Wagner, dont elle n'a conservé que quelques symboles forts: l'eau, le feu. Surtout au premier acte que Viola réduit à un rituel de purification impliquant un homme et une femme face à la caméra (c'est bien ça le facingness?) et en écran séparé (c'est bien ça le split-screen ?). La vidéo gomme tout ce qu'il y a de conflictuel dans cet acte, évacue toutes les manigances d'Isolde. Et pourtant, du conflit, il y en a, notamment au moment de l'entrée en scène de Tristan à la 4ième scène, avec cette musique tendue de grands fauves qui rôdent.

 

 

J'ai trouvé gênant, pour ne prendre qu'un exemple, de perdre complètement le fil du récit d'Isolde (qui raconte que Tristan, qu'elle avait guéri d'une plaie inguérissable, l'a trahie pour la livrer au roi Marke: c'est un grand moment d'ironie féroce et de haine, tellement fort que je le mets dans la radio, hop) pour rester sidéré par le spectacle du déshabillage lent et hiératique d'un genre de couple d'universitaires crades entre deux âges de Berkeley. Justement, les plaies qui suppurent, Viola ne s'y intéresse pas davantage au troisième acte, qu'il peuple toutefois d'images marquantes: le vent qui souffle, des flux variés qui balaient l'écran et qui rendent tangibles le redémarrage du temps après la nuit de l'acte II; et à l'arrivée tardive d'Isolde, le triomphe de l'eau sur le feu. Pour finir, le Liebestod illustré avec la neige qui tombe, comme chez Adamo; mais au risque de passer pour un abruti, j'ai aussi toujours trouvé un peu toc cette musique avec ses scintillements.....

C'est une expérience forte que de suivre l'opéra dans sa continuité, avec son sous-texte musical si riche de sens, si complexe par rapport au discours musical des classiques qui fonctionnent à l'économie à partir d'un nombre limité de petites cellules. Evidemment on sort de là en proie à un délire interprétatif carabiné. En étymologiste allumé (d'ailleurs, fève et haricot ne viennent-ils pas de la même racine, via favaricus ?), je me perds en conjectures pour retrouver tout ce qui, de ces motifs proliférants, relève du versant Tristan et du versant Isolde. C'est la faute à Siegfried, le bibliothécaire de l'abbaye bénédictine de St Ottilien près d'Augsburg, (où, digressons, on s'intéresse, ces jours-ci, à un autre ténor bavarois), qui met le ver dans le fruit en mettant sur son site un bottin des leitmotivechez Wagner. En fait, je me demande si c'est Wagner lui-même qui a donné des noms à ces thèmes, ou si c'est l'invention diabolique a posteriori de musicologues fanatiques. Je reste perplexe sur ces noms, rien qu'à la première mesure de l'opéra je me demande

 

 

pourquoi chez Kobbé a est Tristan, b Isolde, alors que dans la liste de Siegfried a est l'amour, b la souffrance....

Toujours victime du haut mal, j'ai tendance à soupçonner une intention de Wagner lui-même si le thème dit du jour (que l'on entend un nombre de fois incalculable au 2nd acte, en cascade ou très lentement):

 

 

s'entend comme un renversement du Liebestod

 

 

tout en ressemblant très fort, évidemment au thème a (Tristan). J'arrête là car l'ambulance approche.

Sinon, qu'est-ce que qui m'a marqué cette fois ?

- J'ai accroché avec l'acte III, que j'écoute moins spontanément que les 2 premiers. Notamment son prélude (radio), qui part de l'extrême grave avec le son chaud et métallique des violoncelles et ses gammes avec secondes augmentées. Et puis tout le travail de réminiscence des motifs des actes précédents qui irrigue les scènes de délire de Tristan.

- Toujours au rayon des musiques dépressives, je réévalue celle du roi Marke, à la fin de l'acte II et de l'acte III, aussi désabusé et inapte à l'action qu'Arkel dans Pelléas. J'y ai beaucoup pensé à Pelléas, notamment l'acte IV avec ses "je veux qu'on me voie": comme dans Tristan, se mettre en pleine lumière, c'est aller au-devant de la mort.

- Windgassen sur mon disque est bien fadasse à côté de Ben Heppner, qui rappelle Vickers, en grand fauve, mais à qui j'ai trouvé des défauts (quelques dégueulandi douteux dans l'acte II, sacrilège). Rien à dire du reste de la distribution, de premier ordre.

-Il faudrait écrire une note sur le schtounk des 25 contrebasses dans le prélude de l'acte I. C'est à 1'35" du début dans la version Böhm (hop dans la radio), on ne peut pas le louper, après ça, la musique devient diatonique, optimiste et tout et tout. Ce pizz fait absolument un effet boeuf et, si j'osais, c'est lui qui met le feu au lac. On retrouve le même effet au moment de la scène du philtre où il déclenche la suite de l'action. Et bien évidemment à la fin de l'acte II, reprise de la musique du prélude (au cor anglais), mais là plus de pizz...le désespoir. Un peu comme sur ma gazinière quand le bidule ne marche plus.

12 avril 2005

indicateur des chemins de fer

Longue et délicieuse investigation sur différents sites de chemin de fer nationaux. Le plus excitant de tous est sans conteste celui de la CFF suisse, rien à voir avec l'horrible site des trains italiens ou celui de la SNCF qui ne sait que répondre: "vous avez trop de correspondances pour ce trajet", alors que les Suisses, braves bêtes, répondent crânement par un itinéraire qui les snobe totalement.

Ainsi doncques, la solution la plus raisonnable pour aller de Paris (France) à Dobbiaco/ Toblach (Italie) semble être d'éviter absolument la Suisse (hum, une telle proposition est-elle compatible avec le théorème de Rolle ?) et de prendre l'itinéraire suivant:

22:55 Paris Gare de l'est

08:58 München Hbf

09:32 München Hbf

11:21 Innsbruck Hbf

11:26 Innsbruck Hbf

12:48 Fortezza/ Franzensfeste (tiens, les Italiens se sont débarrassés de -Ferdinand ou de -Joseph)

14:20 Dobbiaco/ Toblach

Et de là, prendre le bus Steinertouring jusqu'à Lago di Braies d'où démarre la randonnée.....

Et si finalement, comme d'habitude, on allait dans les Pyrénées chasser le Grothendieck ?

11 avril 2005

une histoire de fenêtres

Un sketch d'anthologie samedi; le sentiment, qu'à 36 chandelles, on put encore être un gros ballot.

(désolé, ce blog va faire ce soir tribune du type 50 millions de consommateurs)

ça fait un certain temps que je réfléchis à changer les fenêtres des WC et de ma chambre, et quand vendredi il y a 10 jours on m'a démarché par téléphone pour un devis gratuit pour des fenêtres, j'ai dit oui sans trop me poser de questions.

Vendredi dernier, 1ère mauvaise surprise: la téléopératrice me prévient que la visite du commercial chargé du devis, prévue pour samedi matin 11 heures, durera une heure. Bon. Samedi matin, le deviseur arrive avec une demi-heure de retard. Bon. Assez vite, je comprends que cette entreprise (dont je vais dévoiler sans trop de scrupules l'identité, parce que après discussions il se révèle que mon cas n'est pas si isolé: c'est Isorama) est spécialisée sur du haut de gamme. Le commercial chargé du devis, après m'avoir demandé deux verres d'eau, me détaille toutes les performances techniques de ses fenêtres: elles sont capables de résister à des ouragans deux fois plus rapides que la tempête de 1999. Très bien, pas forcément très utile pour des fenêtres de WC. Au passage, comme je fais la moue quand il me dit qu'il est obligatoire que les pouvoirs publics reconduisent la TVA à 5,5% et la ristourne fiscale de 15% sur ses produits (qui je le comprends aussi assez vite, vont m'être intégralement répercutées dans la facture), il me demande si je suis fonctionnaire; il est ébahi quand je lui dis que je suis dans le privé (et même dans le privé privé): manifestement, ça le dépasse qu'on soit dans le privé et soucieux de l'intérêt général. Un indice supplémentaire sans doute pour lui qu'il a affaire à un imbécile du type des bestioles abruties qui pendent chez le volailler (qu'on plume, quoi).

Puis me lance un premier prix: 5400€ pour deux fenêtres (> 35 000 FF). Arrivé à ce stade, je plaide coupable. J'aurais dû ouvrir la bouche d'un air théâtral, débiter un oxymore du type " ha, je reste sans voix", énoncer nettement: "haha, cher Monsieur, la porte c'est par ici". Mais je l'avoue, je n'avais pas la moindre d'idée du prix d'une fenêtre, et je me suis dit que de toutes façons je ferais un autre devis, et en petit provincial bonnasse qu'au fond je n'ai jamais cessé d'être, que ce n'est pas la peine d'aller au clash. Le type, intuitif, sent assez vite qu'il est totalement hors marché et me dit: "Si je résume votre pensée, cher Monsieur, vous êtes convaincu de l'excellence de nos produits mais vous n'aviez pas l'intention de mettre autant". Ce à quoi j'opine mollement.

C'est là que le type marque une pause, me dit: cher Monsieur, puis-je utiliser votre téléphone ? et que là, insidieusement, nous rentrons dans une nouvelle dimension. Le type appelle son patron, qui est- fatalement -particulièrement difficile à joindre et finit par rappeler, toujours sur mon téléphone, cinq minutes plus tard. Sans m'expliquer le sens de sa démarche, mon commercial entame une discussion avec son patron en lui faisant valoir qu'il a travaillé sur un chantier particulièrement lourd (1275 fenêtres) au terme duquel il serait susceptible de bénéficier d'un avantage personnel qu'il ne peut exploiter car il n'est que locataire, mais dont il pourrait faire bénéficier Monsieur [moi], si toutefois son patron prenait la peine d'appeler en personne un Monsieur Trucmuche. Il raccroche, nouvelle sonnerie, je comprends que le patron a appelé Monsieur Trucmuche. Et mon commercial finit par m'annoncer triomphalement que je vais pouvoir avoir les deux merveilleuses fenêtres pour seulement 4200€, mais qu'il faut que je signe tout de suite (parce qu'il doit aller faire les plans de mes fenêtres cette après-midi à son bureau pour les intégrer à la commande Trucmuche qui doit partir lundi) et que bien entendu je sois discret (-Vous savez être discret Monsieur Z ?), parce que je vais bénéficier d'un superbe privilège.

C'est là que ça se gâte et que ça tourne à la farce. Je refuse évidemment de signer: quel que soit le prix, je veux pouvoir réfléchir et faire un second devis. Mais plus je monte le ton, plus le deviseur abaisse le prix: à ma grande stupéfaction, on tombe de 4200€ à 3800€. Puis, alors que, à quatre pattes dans mes dossiers, je découvre que j'ai payé trois grandes portes fenêtres avec isolation phonique maximale 13000 FF en 1997, et que j'explique à mon excité que l'ordre de grandeur pertinent c'est 2/3 de 13000 FF, et avec une grosse décote parce que je n'ai pas besoin d'une qualité extrême pour des fenêtres de WC, le prix rebaisse: nous arrivons à 2300€.

Comme je refuse toujours de signer, mon commercial me sort le grand jeu; - monsieur Z, mon patron veut vous parler; et l'autre m'aboie: - Oui, M.Z, à quel prix vous allez signer ? Vous voulez qu'on vous la fasse gratis cette fenêtre? Je change de stratégie (ça fait 2 heures que le type est là avec ses boniments): je m'habille en lui montrant la porte. Comme il n'y a toujours pas moyen de s'en débarrasser, je file sur le balcon avec mon portable (que l'autre ne m'a toujours pas confisqué, on se demande pourquoi) et disparais derrière le pot de fleur d'où j'appelle le chat qui, en entendant le montant des devis, me hurle: "mais fous le à la porte ! et avec un coup de pied au cul !", m'expliquant qu'il se fait fort de me trouver un devis à 900-1000€. C'est décidément une comédie: c'est ce que je dis au type, qui me répond que non, c'est très sérieux, que je suis bien bête de passer à côté d'une telle affaire. Je suis littéralement obligé de lui reprendre mon téléphone de la main et de le pousser dehors. Non mais !

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