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zvezdoliki
3 octobre 2008

Une Turangalila à Pleyel

  • c'est un peu comme retrouver une vieille maîtresse - j'étais vraiment très amoureux de cette musique quand je l'ai découverte, il ya longtemps; maintenant à vrai dire, elle me casse un peu la tête, la vieille maîtresse.
  • le joueur de cloche, obligé de réparer son radiateur (les cloches ça ressemble à un radiateur), détraqué après Développement de l'amour (pas compris le problème, la cloche de la était fêlée, panique à bord)
  • la fin du n°5 et du n°10: penser à apporter un casque de chantier, la prochaine fois. Près de moi, un monsieur parle très fort alors que la musique vient de s'interrompre, il est peut-être sourd après avoir souvent entendu la Turangalila.
  • un manque évident de mouvements lents..... le n°6, suave et pépiant, est un peu longuet (c'est long, l'éternité). Aimé la Turangalila III (une musique joueuse, complexe et énigmatique).
  • La découverte du jour: la ritournelle de la Joie du Sang des Etoiles (tellement annonciatrice de la musique liturgique post-Vatican 2) ressemble fort au thème dit de la statue (à tierces zigzaguantes aux cuivres)

 

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5 juin 2008

Grisey à Saint-Eustache

HierLe noir de l'étoile, de Grisey.

Musique inspirée par la captation des signaux émis par les pulsars (toi aussi amuse toi en allant écouter ici ce que les pulsars ont à te dire). Le spectateur plongé dans le noir voit apparaître successivement six percussionnistes, disposés en hexagone autour du public et énonçant un matériau très simple (une alternance de fréquences lentes et très rapides). Assez rapidement cela se corse ! la musique de Grisey est à la fois simple à comprendre, mais riche d'un point de vue perceptif et puissamment évocatrice (quel feu d'artifice....). Placé juste devant le 3ième precussioniste, j'ai eu tout loisir de voir celui-ci tourner la main sur une peau (émettant un ouah-ouah du plus bel effet), frotter les cymbales avec un archet ou donner des coups de massue affolants sur des timbales. La pièce finit de façon magique, l'un des percussionistes faisant tourner un disque dont le son (de cloche) s'évanouit dans le silence. Enfin un concert qui tire parti de cette acoustique un peu impossible de grand vaisseau à Saint-Eustache.... Un concert de fête !

26 avril 2008

Les trois petites liturgies de la présence divine, à Pleyel

La 40ième de Mozart a servi ce soir de faire-valoir (un peu longuet, Chung ne nous épargnant aucune reprise) au grand chef d'oeuvre incontestable, au plat de résistance que tout le monde attendait, lesTrois petites liturgies de la présence divine. C'est du meilleur Messiaen, celui des années 40, un Messiaen qui sait qu'il a trouvé sa voie, une voie absolument unique et originale, en cohérence avec sa foi, sans le moindre souci de l'environnement intellectuel ou musical du moment. Cela donne une oeuvre habitée, qui fait osciller le spectateur entre extase et transe, une sorte de Noces avec une bonne dose de saccharine - arrêtons tout de suite, c'est une oeuvre d'une fraîcheur et d'une puissance qui découragent le sarcasme.

Le dispositif est moins monstrueux que celui des oeuvres qui ont suivi: un ensemble à cordes, un piano et un célesta, des ondes Martenot pour siffloter, des percussions pour résonner et un choeur de femmes chantant à l'unisson. Les trois liturgies ne durent que 35mn pour 3 mouvements; c'est une oeuvre d'avant l'inflation galopante (Turangalila, 10 mouvements puis Saint François, cinq heures). La découpe est d'une grande clarté, de même que le langage musical; je suis sûr que même le spectateur le moins formé perçoit intuitivement que ces grandes plages avec des modes à transposition limitée et des rythmes non rétrogradables participent d'un temps étale conforme au projet de l'oeuvre (mais si, mais si).

Le 1er mouvement commence par une sorte de jardin des délices, avec un chant extatique accompagné des cordes interrompu par des chants d'oiseau au piano (puis, à la reprise au piano et au célesta). Bravo au choeur pour le "Mon Dieu" final (la aigu-mi) chanté magnifiquement ce soir, pianissimo et non pas crié comme dans mon disque. Le deuxième mouvement est cette musique de "négresse lubrique" qui avait choqué le critique du Figaro en 1945. Une musique de transe, hystérique (avec ces ouah-ouah d'onde en folie et ces trilles aux violons) et irrésistible (notamment la montée finale, sur Pour nous Pour nous Pour nous....). Le dernier mouvement commence par une séquence de maternelle en folie (j'imagine bien des marmots de cinq ans scander en classe de théologie, 1ère année: Tout en-tier En-tous-lieux Tout-entier-en-chaque-lieu etc....). L'enchaînement d'accords qui clôt l'oeuvre est l'une des plus belles choses que je connaisse en musique (et la bifurcation inattendue sur mib alors qu'on est en la me met vraiment en état de choc).

J'ai l'impression qu'on programme moins ces Trois petites liturgies que, mettons, Chronochromie que j'ai beaucoup entendu ces dernières années. C'est vraiment dommage.

2 décembre 2007

Oratorio de Noël

Hier soir, grâce à une initiative du Cantor de Chartres, découverte des quatres premières cantates de l'Oratorio de Noël, que je ne connaissais pas. Beaucoup de très bonne musique, festive et réjouissante, de laquelle je retiens:

  1. dans la cantate "Jauchzet, frohlocket" ("Jouxtez, freluquets") avec trompettes et timbales, en ré: le très beau choeur initial
  2. dans la cantate pastorale (avec moult Hirten et des hautbois de toutes variétés; en sol): un air enthousiasmant de ténor avec roulades périlleuses et une flûte; une berceuse avec longues tenues, pour alto (Schlafe, mein Liebster (fais dodo, mon lapin))
  3. dans la cantate "Lallen" (ie quelque chose sans doute comme twitter), de nouveau avec trompettes et timbales, en ré: un duo soprano basse complètement aérobique (rapport aux bergers, sans doute)
  4. dans la cantate circoncision (avec cors; en fa): un air très réussi pour soprano ventriloque (avec des échos sur ja ...ja et nein nein, aussi prévisibles que les élections du jour à Moscou) et, de nouveau un bel air de ténor (on ne s'en lasse pas) avec deux violons solo, où tout ce beau monde tricote gentiment (la laine des bergers, logiquement)

Très bon ténor, très bonne soprane, très bon choeur, un Ton Koopman plus rebondissant que jamais (c'est quand même curieux pour un organiste).

 

19 septembre 2007

Janacek/Dvorak à Saint-Eustache

Fringale de musique chorale - et surtout, à vrai dire, de programmes jamais entendus (pour changer des inusables 4ième de Brahms ou de Schumann); je me rends compte que je n'ai jamais entendu les grandes oeuvres chorales de Schönberg, Janacek, Messiaen ou Xenakis autrement qu'en disque..... Ce soir à Saint-Eustache, beau programme comportant les deux psaumes slavons de Pärt, Notre Père de Janacek et la Messe en ré opus 86 pour choeur et orgue de Dvorak.

La grande réussite de la soirée, c'était ce Notre Père de Janacek, pour choeur, orgue et harpe (la harpe qui apporte la pulsation). Une oeuvre contemporaine de Jenufa, en 5 parties, destinée, à sa création, à illustrer des tableaux vivants.... Le Janacek des petites cellules, dès le début. Deux tableaux très agités: Donne nous notre pain quotidien - une prière de paysans priant pour la récolte et Délivre nous du mal, avec un thème d'orgue annonçant la grande cadence de la Messe Glagolitique.

Franchement déçu par la messe de Dvorak. Déjà, ce n'est pas du côté du texte que l'auditeur aura des surprises.... Pour la musique, je trouve que c'est difficile de trouver un moyen terme entre l'option extrême dépouillement (qui est celle des messes de Bruckner ou de cette éclatante réussite qu'est la messe de Stravinsky) et l'option éclatons-nous en oubliant le texte (qui est celle de la Messe Glagolitique ou des grandes messes de Haydn). Dvorak essaie bien de faire le malin tout en restant simple, le résultat est aussi peu convaincant que les icônes orthodoxes les plus récentes. Je suis resté perplexe devant ces modulations compliquées dans le Kyrie, ces torrents d'eau tiède dans le Credo, et n'ai été touché que par le Benedictus planant et les derniers accords, très simples, du Dona Nobis Pacem.

 

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24 mai 2007

Mozart Chostakovitch à Pleyel

Programme éminemment mbresque (et pour cause):

  • le 17ième concerto de Mozart, en sol: une petite merveille que je n'avais plus en tête. Les deux premiers mouvements sont des sonates; le finale est un thème et variations, une allemande un peu lourde qui se déboutonne petit à petit. Champagne !
  • la 13ième symphonie de Chostakovitch (celle avec basse et choeur d'hommes sur des poèmes d'Evtouchenko). Un discours de l'Etat de la Russie et des maux qui la minent: antisémitisme, grandiloquence, corruption, règne de la terreur, culte du faux. Une musique très inspirée, dépressive, avec des basses omniprésentes: choeur d'hommes, basse solo, cordes graves toujours sur la brèche.
  1. Babi Yar: on change de monde après la poussée insoutenable de l'épisode Anne Frank ("- Ils cassent la porte. - Non, c'est la glace qui rompt"). A la fin, désespoir paroxystique, grimaçant sur "Mais sur moi pèse la hideuse haine de tous les antisémites comme si j'étais un Juif: Et voilà pourquoi je suis un vrai russe !"
  2. L'Humour: c'est un personnage qui s'en sort toujours, comme Till Eulenspiegel ou le Feuerreiter de Wolf. Une sorte de ballade désabusée et plébéienne.
  3. Au Magasin: le cliquetis des bidons et des casseroles, aux percussions, peut aussi s'entendre comme cette monnaie qu'on vole aux femmes. Moment emphatique de révolte, qui retombe brutalement (sur: Quand j'empoche mes pâtes farcies)
  4. Peurs: l'omniprésence de cette pédale sinistre à l'orchestre contredit l'optimisme du texte de dégel d'Evtouchenko.
  5. Une Carrière: le heurt de deux musiques (car l'orchestre est souvent seul dans ce beau finale): a) la sicilienne désabusée des flûtes (le vrai savant, Galilée ?), qui reviendra, fantômatique et réprimée, en pizz; b) la musique prétentieuse et pérorante des faux prophètes (qui rappelle le tout début de Peter Grimes), qui culmine dans une fugue mécanique. Fin curieuse (renvoyant au début, à Babi Yar ?) qui cite une mélodie juive (?) au célesta. C'est le glas qui a le dernier mot.

9 mars 2007

Schumann Poulenc Ravel à Pleyel


Hier soir, une envie pressante de 3ième symphonie à 3 temps et trois bémols à la clef, histoire de vérifier la solidité de la chaîne qui unit la 39ième de Mozart - l'objet de toute mon affection, en ce moment - aux 3ièmes de Beethoven et Schumann, voire à celle de Brahms (même si elle a un bémol en trop à la clé). Doncques: ce concert de l'Orchestre de Paris à Pleyel.

- 3ième de Schumann: un premier mouvement qui se souvient certes de ses glorieux ancêtres mais quand même très schumannien, avec ces interruptions exogènes du discours. Par exemple dans ce long développement (qui peine à retrouver ce mi bémol si sûr de lui; en attendant que ça jouisse la musique a des poussées de clarté laiteuses qui ne débouchent sur rien) on entend le fil d'Ariane .... de l'introduction de la 4ième symphonie. Tout ce mouvement est une apothéose de l'hémiole, ressassée jusqu'à saturation comme souvent chez Schumann. Les trois mouvements centraux sont des scènes de genre, très réussis chacun dans leur style. J'attends toujours avec impatience le complot des cuivres dans ce second mouvement de plein air, le retour du surmoi avec les trombones dans le quatrième mouvement Feierlich. J'aime toujours autant les subtils décalages rythmiques du finale. Même si je n'ai pas retrouvé mon coup de foudre de l'été 198x, je trouve toujours qu'il y a plus de fraîcheur (théorème) et d'invention musicale dans les symphonies de Schumann que dans celles de Brahms.

- Poulenc: concerto pour orgue, cordes et timbales. Du faux Bach (toccata et fugue), du faux Tchaikovski (sérénade), du faux Montand (A bicyclette). Et aussi.... du vrai Poulenc: de la tierce à gogo, surtout aux timbales, comme dans Dialogues des Carmélites). Tout ça sonne très bien, on ne s'ennuie pas une seconde. Et puis tant de conviction dans le mouvais goût ne peut qu'emporter l'adhésion. Dans le bis de l'organiste, une sorte de Noël canaillou, ethnique et sautillant, le dosage entre conviction et mauvais goût était moins optimal; j'ai eu du mal à contenir mon hilarité (comme certains musiciens de l'orchestre, je ne vais pas balancer).

- Autant la 3ième de Schumann était terne, autant Daphnis (qui n'est pourtant pas mon Ravel préféré) en version light était réussi (notamment le solo de flûte.... chapeau)

 

21 janvier 2007

Arbatz au café de la Danse


Samedi soir, c'était chanson française, au café de la Danse avec Gilda et le chat.

En première partie, un groupe que je ne connaissais pas, Vis à vies: j'ai trouvé la musique toujours séduisante (les solos de guitare, la voix de la chanteuse, des effets sonores toujours intéressants comme du sable qu'on fait crisser), bien meilleure que les textes, parfois un peu fragiles.

En seconde partie, un chanteur d'un autre calibre, Michel Arbatz dans son nouveau spectacleRetrouver le Sud, alliant des chansons anciennes (le rap de la bipédie de l'album On a marché sur la terre, Lisbonne de l'album Desnos) et nouvelles (le Dodo, Zapotek). Je suis depuis longtemps un grand admirateur d'Arbatz; ses numéros parlés ou rappés, à la fois drôles, délirants et cohérents, me rappellent un peu le Trénet des années 30, ou même le grand Devos (dont il n'a pas la carrure). Ses chansons sont remarquablement mises en musique et servies par une troupe pince-sans-rire. Et sur scène il vaut le détour. Il mérite d'être plus connu ! Pour vous donner envie de l'écouter, j'ajoute dans ma radio Lied deux chansons de On a marché sur la terre, un album sur l'évolution (réalisé avec Yves Coppens; un mélange étonnant de vulgarisation scientifique et de fantaisie débridée).

 

12 décembre 2006

Dutilleux à Pleyel

Les Citations: un dipyque pour hautbois, clavecin, contrebasse et marimba. Je pense au dernier Debussy; d'une part parce que Debussy et Dutilleux ont tous deux eu recours aux guerres de religion pour évoquer les deux guerres mondiales (Debussy dans En blanc et noir avec le choral Eine feste Burg, Dutilleux avec Jehan Alain et Janequin), d'autre part parce que Debussy devait compléter ses trois sonates avec notamment une sonate pour hautbois, cor et clavecin. Dans le premier mouvement, écrit pour Peter Pears, je guette la citation de Peter Grimes, que je crois avoir reconnue: une des descentes de cette scène (décidément!), celle qui descend sur un do grave (mais c'est peut-être trop beau pour être exact). Le deuxième mouvement me séduit bien avec son épisode rythmique avec la contrebasse en folie. C'est une oeuvre d'un postmoderne intelligent, comme Kurtag; quelqu'un qui digère subtilement le passé au lieu de le bouillir, de le blanchir et de l'affadir comme le font certains maîtres-queux anglais.

Le quatuor, Ainsi la nuit: un des grands chefs d'oeuvre de Dutilleux, celui où le principe métabolique est poussé à son extrême: chaque matériau apparaît comme une prémonition avant d'être exposé, puis revient comme un souvenir. A cause de ce caractère mouvant, il est difficile à l'écoute de repérer les sept mouvements et les parenthèses....sauf peut-être le Miroir d'espace, qui rappelle Messiaen, un Messiaen qui douterait....Une oeuvre par instants d'un raffinement sonore et d'une volupté presque indécents.

Le concerto pour violon, l'Arbre des Songes: Une oeuvre plus limpide, en quatre mouvements bien discernables (une sorte d'intrada; un vif, un lent, un vif). Le la est le pivot du mouvement lent (où le violon dialogue avec le hautbois d'amour), et revient dans la fameuse séquence d'accordage (jouée avec beaucoup d'entrain par l'orchestre du Conservatoire).

20 septembre 2006

Haydn Brüggen (1)

Premier des concerts consacrés aux symphonies londoniennes de Haydn; ce soir comme demain, c'est Brüggen et l'Orchestra of the Age of Enlightenment.

Dans la 103 en mib, toujours le même étonnement devant la bizarre succession des événements dans l'introduction du 1er mouvement: une intrada ce soir fracassante aux timbales (se concluant sur un bruit de bille en métal rebondissant sur un parquet; côté hauteur, difficile d'entendre le mi bémol tellement le son était riche en harmoniques.....) suivie du thème du Dies Irae aux basses à l'unissson (un son ciré comme un parquet d'église anglicane....) puis du même thème au reste de l'orchestre. C'est comme un chiffre mystérieux dont on comprend la fonction à la fin du mouvement....

Dans la 103, j'ai été aussi étonné par le dernier mouvement, qui commence par un appel de cors auquel j'avais peu prêté attention. Il est ensuite répété et sert d'accompagnement au motif d'anacrouse des violons qui sera scandé sans arrêt dans le reste du mouvement; mais l'appel de cors revient aussi. C'est sans doute ce qui lui évite une trop grande sécheresse. La fin est spectaculaire avec les déplacements d'accents qui annoncent le finale de la 3ième de Schumann (et Brahms).

La 102 en si bémol est sans doute une de mes préférées. L'introduction au 1er mouvement étonne par ses tenues de si bémol à l'unisson, tout au début. Ces tenues reviennent dans le deuxième thème (avec des silences) et c'est alors qu'on comprend: elles constituent une antidote au reste du discours de l'exposition, un déluge ininterrompu de doubles croches qui se passent le relais, striées d'accents et de chromatismes, pas très rapides mais redoutables d'énergie. Ce n'est pas un hasard si le développement repose sur ce second thème (et les tenues de l'introduction): cela permet de se recharger en énergie avant le retour des doubles croches. J'adore la fausse réexposition naïve en do majeur, de la flûte, petite grue chétive et isolée, qui se fait couper le sifflet par un roulis de doubles croches.... Magnifique decrescendo imposé par Brüggen à l'orchestre à la coda avant la surprise finale.

Le mouvement lent de la 102 (une sonate) est le plus beau des trois entendus ce soir. J'y reviendrai. Il est parcouru de bout en bout par un influx nerveux de figures ternaires. L'orchestration est très riche: les cuivres et les timbales y jouent souvent, mais on entend aussi des soli (le violoncelle mais aussi les bois). Comme une eau très poissonneuse....

Je découvre en lisant le programme que la 104 en ré est unifiée par une idée thématique: chaque mouvement a un thème comportant une tierce et une seconde (descendante ou ascendante), celui du second mouvement dérive de celui du premier. Honnêtement, je ne l'aurais pas entendu tout seul; c'est un principe d'organisation un peu lâche..... Mon mouvement favori est le finale avec son bourdon et son thème croate. Il a été bissé ce soir.

Un mot de l'orchestre: le démarrage a été un peu poussif dans la 103 (premiers violons faux entre eux - l'absence de vibrato n'arrange rien -, solo de violon trop haut dans le 2ième mouvement, fausse entrée des contrebasses), mais une fois tout le monde dans le bain, ça a vite été magnifique d'énergie et de souplesse (ah...le trio du menuet de la 104.....).

La fête continue demain avec la 93, la 95 et la 96.

(quelques extraits - 102 I et II, 103 I et IV dans la radio-Haydn)

12 juillet 2006

Giusiano à Bagatelle

Avec N et son petit mari (qui a l'insane ambition de faire un tour du Mont Blanc en 45 heuresquand je pense que j'en ai fait les deux tiers en huit jours), vu à l'orangerie de Bagatelle le concert de Philippe Giusiano (le lauréat de l'édition 1995 du concours Chopin de Varsovie, une année où un jury particulièrement revêche a refusé d'attribuer un premier prix).

On peut être assommé par l'ambiance ultra-XVIème mais il faut reconnaître qu'un concert à Bagatelle allie le plaisir du plein air à des conditions acoustiques favorables. L'endroit où se produit le pianiste est saturé de fleurs et ressemble au choix à un magasin de fleuriste ou, avec l'éclairage une fois la nuit tombée, à une crèche....

Au programme:

  • Mozart KV547 : mon premier (mouvement) sonne comme du Haydn (c'est un compliment), mon second n'est pas le meilleur thème et variations de Mozart, mon finale est un Mozart simple et miraculeux;
  • Beethoven opus 22 (dans la radio) : un premier mouvement gai, frais et tout fou (avec des hoquets potaches)

....puis, après le coucher du soleil, une partie de magie noire Chopin culminant sur les trois terrrrrrrribles dernières études de l'opus 25 (on ne plaisante plus).

27 avril 2006

Messe en si, Joël Suhubiette à Saint-Roch

Un monument de lumière et de joie fervente. Rien de moins ! Ce doit être la deuxième fois que j'entends la messe en si en concert mais c'est la première fois que je rentre vraiment dedans. C'est une musique à laquelle j'ai besoin de me préparer pour ne pas être perdu, car c'est très long et l'équilibre des grandes masses de la liturgie y est passablement différent de celui des grandes messes du XIXième siècle (par exemple, l'Agnus est expédié fissa : c'est perturbant).

Grands moments d'écoute hier :

  • Dans le Kyrie, le Kyrie I (immense choeur, figurations en croix avec demi-ton descendant puis demi-ton ascendant);
  • Dans le Gloria, le Laudamus Te (hier, avec une merveilleuse soprano solo accompagnée par des solos de cordes); le Qui Tollis avec son voyage harmonique; le Cum Sancto Spirito (pris à toute vibure, sans déraillement: jubilation pure !).
  • Dans le Credo, mon grand moment est la passacaille dolente du Crucifixus. J'avais lu chez Cantagrel des choses fascinantes sur la symétrie interne du Credo, en 3X3 parties, centré justement sur le Crucifixus (n°5), avec en n°3 et en n°7 un air orné, et en n°1-2 et n°8-9 deux choeurs ; c'est vrai, mais la confrontation explosive du Crucifixus et du Resurrexit change un peu la perception (impression de réexposition au n°6).
  • A la fin, le Sanctus et les Osanna (jubilation) et le Dona Nobis Pacem qui reprend la musique du Gratias dans le Gloria (conclusion étonnante par ce choeur un peu sévère, montée graduée vers le ciel).

Un choeur magnifique (Les Eléments, de Toulouse + l'ensemble Moderne de Tours), qui "tient" vraiment toute la messe (épaté par les cinq ténors, notamment !). Suhubiette va souvent très vite (beaucoup plus que Harnoncourt que j'écoute au disque), et ils relèvent magnifiquement le défi.

Et aussi : enfin rencontré en vrai Enn (qui m'a abordé de façon très rigolote) ; et aussi giov qui chante aux Eléments (qu'impressionné j'ai vouvoyé). F. et E. (sur un nuage et déjà un peu à l'Ouest) ont rencontré Philippe. Tous les non-blogueurs sont allés vaquer à des occupations légitimes tandis que les blogueurs présents, eux, (PhilippeEnn' et Martinlothar (hé oui petit farf ! j'ai rencontré un de tes lecteurs)) sont allés siffler une bière. La conclusion d'une journée, qui, pour moi et à de nombreux titres, était à marquer d'une pierre blanche.

Add : des bouts de la version Harnoncourt dans la radio.

2 mars 2006

Un concert improbable à Garachico

A Garachico, mardi 20 février, un concert inattendu qui m'a plongé dans la joie. C'était le Joven Orquesta Sinfonica de Tenerife qui jouait:

  • la sérénade opus 20 d'Elgar (qui me trotte en ce moment particulièrement dans la tête et dans les doigts; cette exécution m'a confirmé dans mon idée que c'est une musique atrocement difficile à bien jouer)
  • deux oeuvres concertantes avec hautbois solo, je préfère ne mentionner que la délicieuseHorloge de Flore de Jean Françaix (une musique royale au bar)
  • la 93ième symphonie de Haydn, que je ne connaissais pas et que je n'ai pas en disque !!!!! Une splendeur. Surtout le mouvement lent, avec un thème à trous, présenté au quatuor à cordes solo ; un mouvement à la fois foldingue, ample et maîtrisé. Interrompu par un prout de basson mémorable (mais oui ; c'est bien un prout, aucun doute ; Vignal parle d'une irruption plébéienne digne de Mahler et écrit que Mozart ne se serait jamais permis pareille inconvenance, pareille impolitesse).

8 mars 2006

Les Goldberg d'Alard aux Billettes (et quelques codas, avec plus de margarita que de venenum)

Je plaide coupable : j'ai eu hier soir un mal fou à rentrer dans cette musique, que j'ai structurellement tendance à trouver compacte et difficile d'accès comme une forêt tropicale. Difficulté d'accomodation avec un clavecin au son ténu, dans un temple mal isolé de la rue ? Présence inopportune d'une bouche de chauffage en furie qui m'a vite incité à la somnolence ? Tempi très lents de Benjamin Alard ? Je n'ai commencé à me concentrer qu'au cours de la deuxième partie, avec les dernières variations, les plus lumineuses. Il m'a semblé que les variations lentes et l'aria (souci du détail appuyé par la gestique corporelle) étaient plus intéressantes que certaines variations rapides, plus compactes (véritable brumisation de notes dans la 29ième variation). Beaux bis, public enthousiaste et nombreux dans les galeries massives du temple des Billettes.

Et puis, plus tard :

  • Tenir un blog, ça a toujours quelque part quelque chose de pathétique (je crois que c'est vrai)
  • Le mythe des insomnies du comte Keyserling
  • 32, pas 24 ni 42 variations.
  • Le moulin et la rivière, de Gilles Cantagrel (c'est bien ça ?)
  • Toi tu es trop susceptible (c'est parfaitement exact)

Et, en after d'after, les sublimes clapotis de la 5ième variation de l'avant-dernier mouvement de la sérénade Gran Partita, dans un véhicule amphibie à l'arrêt, place Blanche. Dans une bulle de musique, quel bonheur de faire la nique aux rabatteurs de baraputes, mes si chers voisins

23 mars 2006

Concert Reich à la Cité


Je voulais vérifier que je détestais ; c'est beaucoup plus compliqué que ça.

Trois pièces :

  • Sextet, pour percussions, pianos et synthétiseurs (1984-1985): une musique tellement relaxante que j'ai sombré dans un sommeil profond après 3' de clapotis de marimbas. Juste eu le temps de repérer deux archets frotter des vibraphones. Plus tard, dans le métro sur la ligne 2, je vois un jeune homme reproduire de façon étonnamment fidèle cet effet - et éclater de rire en voyant ma mimique (j'essaie d'être discret quand j'observe mais avec moi tout se voit)
  • Different Trains, pour quatuor à cordes et bande magnétique (1988) : la meilleure pièce, musicalement, du concert. Bande magnétique avec bruits de trains, bouts de textes très simples et ferroviaires ("to Los Angeles", ou "Black Crooks" repris par un instrument solo). Grand moment d'émotion au milieu du 2nd mouvement, qui se rapporte à la seconde guerre mondiale, stridence des cordes dans l'aigu, figurant les sifflets des locomotives. Le matériau n'est pas très riche mais on a l'impression d'entendre une musique neuve.
  • Variations pour vibraphones, pianos et cordes (2005): un très très grand moment, grâce aux trois danseurs de la Akram Khan Company (photo chez Laurent). Musique pauvre, mais danse maline et enthousiaste, en plein dans la ligne du titre du cycle (métissages et postmodernisme). Clin d'oeil : avant le début de la pièce, le danseur noir s'assied face au public avec qui il fait semblant de dialoguer (mi- salon de coiffure, mi-théorie de la danse....) et finit par être éjecté par ses camarades (comme le barde d'Astérix) - supériorité du spectacle sur la glose. Dans le mouvement lent, les danseurs sont dos au public et miment le chef (dont ils chourravent le pupitre, le forçant à se déplacer !). C'est potache mais aussi étourdissant de beauté, avec une influence -semble-t-il - du kathak indien : mouvements de mains, claquements coordonnés des pieds. Chapeau.

Add : un autre écho chez bladsurb + le site de la Akram Khan Company

12 octobre 2005

concert de l'ensemble Alternances (Lévy/ Gudmunden-Holmgreen)

 

Hier, concert de l'ensemble Alternances salle Cortot.

Tout d'abord des oeuvres de Fabien Lévy. Toujours volontiers ethnique, mais assez différent duprogramme de musique chinoise de l'an passé.

Au programme,

-Risâla fî-l-hob wa fî'lm al-handasa, Petit traité d'amour et de géométrie (quintette pour flûte, clarinette, saxophone, violon, violoncelle). L'oeuvre pour laquelle j'étais venu, une création en France. En deux mouvements. Le premier, rythmique et pulsé, construit d'après ce que j'ai compris de petites cellules que s'échangent les instruments, comme une mosaïque, avec des variations de tempo, des dilatations et de contractions....Après un début très spectaculaire, une section plus lente, avec des effets de souffle un peu à la Lachenmann, puis une conclusion brillante et tournoyante. Si le premier mouvement penche davantage du côté de la géométrie, le second mouvement est davantage un chant d'amour, lent et simple, les instruments fonctionnant par couples (flûte basse, clarinette basse par exemple, l'une des voix s'incrustant dans le discours de l'autre), avec de longues phrases interrompues par des sortes d'éventails se refermant.

-Les deux ampoules d'un sablier peu à peu se comprennent (harpe) est une pièce plus ancienne que j'avais déjà entendue jouée dans un concert de l'Itinéraire (et qui m'a moins plu).

Après les oeuvres de Fabien, des oeuvres du compositeur Pelle Gudmunden-Holmgreen. Une musique avec un humour assez furieux qui rend hommage à John Cage.

-Territorial song (clarinette basse, violoncelle, piano):arrivée des instrumentistes en chaussettes, grelots aux pieds ou à la tête, chaîne ou bol de riz au pied, comme échappés d'un asile. La clarinette basse (mention spéciale pour Philippe Berrot, grande musicalité, belle implication) est au centre du jeu, avec un discours proche de l'improvisation, à peine interrompue par des accords répétés au piano préparé. Petit à petit, les instrumentistes tapent du pied de plus en plus furieusement....

- Mirror Pieces (clarinette, violoncelle, piano); un beau mouvement lent, très répétitif (le violoncelle joue-t-il autre chose que la- fa#-mi, très lentement ?)

Deux épisodes indispensables à la chronique vraiment parisienne:

1) un grand moment de tangence de la sphère avec la vie réelle à la fin du concert: quand F a dit au Vrai Parisien qu'il aimait beaucoup ce qu'il écrivait, tous les présents ont regardé le Vrai Parisien avec des yeux ronds (c'est qui ? c'est qui ?) comme si c'était Benoît XVI ou le critique musical du Figaro.....c'est ça le privilège des nouveaux dans le milieu.

2) Quant à ***, elle a cru que le VP était ma dernière conquête et, charmée par sa jovialité, l'a invité derechef au sgloutch de dimanche; le VP, trouvant opportunément un alibi, m'a finement évité une scène de ménage....

7 avril 2005

concert Kagel à la Cité de la musique

Vu avec F. (merci toi) un concert Kagel, mercredi à la Cité de la musique, dans une salle vide comme j'en ai rarement vues à Paris (et encore, manifestement largement remplie avec des invitations....).

Kagel, c'était presque une découverte pour moi. Trois oeuvres au programme:

- Doppelsextett, une oeuvre assez grise, pour 2 violons, 2 violoncelles, 2 contrebasses et l'équivalent chez les bois (ie, sans alto ni clarinette, pas très schumannien, ça, Monsieur Kagel)

- Finale, une oeuvre écrite par Kagel pour ses 50 ans. Elle met en scène (entre autres) une crise cardiaque du chef. C'est gentil, sans plus, mais orchestré de façon séduisante, avec cuivres et percussions.

- Le morceau de résistance, c'était ...., den 24.XII.1931 , Nouvelles tronquées pour baryton et instruments (quatuor à cordes + piano+ percussions inventives et pléthoriques: presque tout le sous-sol du BHV.... et un peu du 1er étage aussi). Kagel a repris des extraits de journaux allemands du jour de sa naissance, à Buenos Aires, comme support au texte chanté par le baryton. L'ensemble tient remarquablement le choc: c'est à la fois drôle, poétique, puissant et d'une belle cohérence souterraine. Des idées de bricoleur de génie, qui passent bien, citons, en vrac au début de la pièce, un métronome qui démarre (normal pour une naissance), plus loin, un container d'objets qui tombe pour figurer l'effondrement du toit de la bibliothèque Vaticane.

A la fois le sujet de la dernière pièce (sur la transmission par courant électrique du signal des cloches à Noël, de Palestine à New York puis à Buenos Aires) et l'orchestration du très délicat et magique numéro 4 (une marche de Mahler cotonneuse, les instrumentistes chuchotant des "chhh" tout en jouant des harmoniques...sublime) inspiré par cette ahurissante annonce publicitaire:

Der Nationalsozialist raucht nur : Parole ! Sechs Pfennig. Mild und aromatisch. (Le national-socialiste fume uniquement : Parole ! Six sous. Léger et aromatique).

m'ont rappelé ce moment de grâce absolue chez Britten, sur:

J'ai tendu des cordes de clocher à clocher, des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse

(que je colle dans la radio, et hop; c'est Pears qui chante et Britten à la baguette)

24 septembre 2004

à la découverte de Helmut Lachenmann

Ce soir, concert Lachenmann au vingtième théâtre. J'étais excité comme une puce d'y aller, pour deux raisons: voir jouer un de mes deux Fabien préférés (pas fafa, l'autre); mais aussi découvrir trois oeuvres de Helmut Lachenmann, le grand compositeur allemand dont tout le monde parle tout le temps mais que je n'avais jamais entendu en concert.

Après le trio à cordes de 1965 avec lequel j'ai peu accroché, les deux plats de résistance étaient Salut für Caudwell (1977), une pièce pour deux guitares, et le premier quatuor, Grand Torso (1971-1988).

Quel spectacle !!!! Le grand truc de HL, ce sont les bruitages; ça tombe bien, j'adore les bruits, que ce soit le bruit des archets chez les baroqueux, toutes les impuretés du jeu. Mais c'est de la musique allemande; le matériau s'inscrit dans une grande forme, ce ne sont pas 2/3 gadgets pour faire une tache de couleur et puis s'en vont.

La pièce pour deux guitares, d'abord. Je l'ai trouvée d'une séduction immédiate. C'est une grande forme (qui dure 25'), qui m'a rappelé de très loin Noces pour les ostinati, les résonances. Il y a une variété incroyable d'effets. Par exemple, bloquer les cordes avec la main gauche, et faire avec la main droite des figures géométriques genre des carrés et des triangles, en rythme: ça donne l'illusion, le contour d'une mélodie populaire, un peu comme les sphynges chez Schumann (des notes-clé qu'on n'entend pas)... Un autre grand moment: un ostinato avec des asymétries rythmiques et des pizz arrachés avec lequel se superposent les syllabes scandées d'un texte de Caudwell (un poète anglais tombé en Espagne pendant la guerre civile). Et sur la fin; des grands accords entrelardés de silences immenses, arrachés, incroyablement en place alors que les deux guitaristes ne se regardaient pas (il faut compter intérieurement me dit Fabien). Et je ne peux pas tout mentionner, les sons flûtés, les pizz en glissando....

Le premier quatuor est une pièce tout aussi étonnante. Il y a cinq minutes, au milieu, où l'alto passe son archet sur le cordier (tirer, pousser): on n'entend quasiment rien, juste une respiration calme: c'est vraiment le coeur du morceau.... Puis le quatuor reprend le procédé, en variant les rythmes. Ce n'est pas une pièce à jouer pour le public cacochyme des Champs-Elysées....c'est tellement ténu parfois qu'on en est paralysé, avec la peur de faire le moindre bruit. Ce qui est très spectaculaire mais perturbant, ce sont ces bruits d'archet du mauvais côté du chevalet, un bruit intermédiaire entre un marteau piqueur et un plancher qui grince ! On a l'impression irrésistible que le violon va être découpé à la tronçonneuse; ça défoule.

5 juillet 2007

Palmer et Mackerras dans Katia Kabanova à Covent Garden

- Vertige de voir Mackerras diriger, lui qui a dirigé le premier opéra de Janacek en Angleterre en 1951, et qui a tant fait pour ce répertoire (par exemple, débarrasser Jenufa des trahisons imposées à Janacek). Depuis, et grâce à lui, l'Angleterre aime passionément Janacek.

- Reprise d'une production de 1994: très réaliste (il y a des vrais chevaux et des vraies croix orthodoxes) mais avec un décor unique très frappant: une sorte de tore sur lequel circulent les personnages, rappelant le cinéma expressionniste et évoquant irrésistiblement à la fois l'oeil du cyclone et la boue torrentielle du dégel russe.....

- Ce qui me déplaît dans Katia Kabanova, ce drame de la belle-mère ? La méchante (incarnée par lagrande Felicity Palmer) l'est trop; difficile de trouver des qualités à Kabanicha (contrairement à Kostelnicka dans Jenufa). C'est la sale bête type, elle n'est que nuisance et volonté de nuisance. Quant à Katia, elle est passablement allumée, et déjà dans un état grave au tout début de l'opéra (elle entend des voix et se prend pour un oiseau, ça finit mal).

- A vrai dire, je m'ennuie un peu dans les trois premiers tableaux; tout change avec le quatrième, la nuit d'été; après ce tableau-là, l'action accélère. L'acte de l'Orage (qui a donné son nom à la pièce d'Ostrovski) passe comme un éclair, la dernière scène concentre un nombre impressionnant d'événements (si on récapitule tout ce qui s'y fait et dit .....)

- Les grands moments de musique ? les quartolets dans l'introduction, aux timbales piano puis déchaînés.... que l'on retrouve au moment du serment de Katia. Et surtout la nuit d'été, cette fascinante musique nocturne avec le décalage si typique de Janacek, ici entre les deux héros maudits, en coulisse, en pleine extase romantique, et sur scène, les deux jeunes gens "sains", avec leur musique de jolie ballade populaire....

6 juin 2007

Lohengrin, de Richard Wagner

- Vu, en bonne et blogueuse compagnie (gilda 1 et 2, juju, goon) le Lohengrin de la Bastille - quelques années après celui du Châtelet (qui m'avait prodigieusement emmerdé).

- On est tenté de lire ce Lohengrin mis en scène par Carsen avant tout comme une histoire d'Allemagne, un conflit identitaire non résolu entre l'influence chrétienne (Lohengrin et le Graal) et les racines païennes (Wotan et Fricka invoqués par Ortrud), dont la défaite finale est grosse d'avenir.

- Musicalement, le versant teuton (la scène des proscrits du second acte, avec ses tritons, ses serments à l'unisson) est plus intéressant que le versant catholique romain et les violons sulpiciens du prélude du 1er acte (accompagnés, lundi soir, par le lachenmannien froissement de sac plastique d'une mamie attirée par une place mieux située que la sienne mais hésitant, chochotte créature, à faire le Grand Saut et s'agrippant pour se rassurer à cette saleté de sac).

- Il y aussi d'autres histoires dans Lohengrin: celle du nom caché me rappelle à vrai dire plus Barbe-bleue et son épouse que Tristan. La nuit d'amour du 3ième acte de Lohengrin est brève et tout de suite envahie par les tourments d'Elsa. Musicalement, le thème du nom est très facilement reconnaissable à sa quinte descendante initiale, avec laquelle Wagner joue tout au long de l'opéra. Par exemple, c'est l'intervalle par lequel Ortrud appelle Elsa, à son balcon de l'acte II, mettant tout de suite le doigt sur ce qui fait mal. A cette quinte descendante s'oppose une sixte ascendante associée à la jalousie et la curiosité. Ce deuxième acte, dans lequel la musique annonce les jeux complexes du Ring, se révèle plus passionnant qu'un troisième acte entrelardé par des choeurs virils qui laissent tout juste le temps à Lohengrin d'enfiler sa carapace d'insecte géant.

- Vocalement, le duo Delunsch/ Heppner ne fonctionnait pas si mal hier soir, Heppner étant en méforme et Delunsch en forme (et j'ai trouvé ses phrasés intéressants)....

9 juin 2007

Da gelo a gelo, de Sciarrino


Vu Da gelo a gelo de Salvatore Sciarrino à Garnier. Un spectacle précieux, très lisible et... passablement assommant.

Une succession de très courtes scènes d'amour, pour l'essentiel des lettres avec de courts poèmes entrelardés par des séquences de prose dites par deux flûtistes parlant dans leurs flûtes (et oui). Sciarrino parle d'un "voile sonore à travers lequel se fait l'écoute (...) qui ferait presque penser à une mauvaise liaison téléphonique". Pendant quelques scènes censées avoir lieu en extérieur, un percussioniste s'attaque à un grand radiateur avec des roulements de mailloche : effet très réussi, on se croirait sur une terrasse d'aéroport, avec un barouf couvrant efficacement les voix (mais peut-être pas les sacs plastiques (malheureusement pas de mami joueuse ce soir là pour tenter l'expérience))). La musique m'a séduit: bruitiste, avec des coups de griffe des cordes, des glissandi de cuivres épars au-dessus de longues tenues des vents. Malheureusement le texte est pauvre (avec un lexique qui tient en une dizaine de noms, dont ramier, coucou, charmille, pluie) et l'oeuvre est trop répétitive pour ne pas susciter l'ennui.... sauf peut-être un passage où la soprano, dans un grand moment de solitude, s'adresse directement au public, rompant les codes - stricts- du reste de l'opéra (celui/celle qui écrit la lettre chante dos au public dans le noir, celle/celui qui lit reste face au public, éclairé).

Une soirée qui a rendu un taiseux lyrique mais pas ramené à l'addiction une blogostar à la retraite...

12 mai 2007

L'affaire Macropoulos à la Bastille

Revu l'affaire (enfin, la chose, la formule, le secret) Macropoulos. Anja Silja campait un monstre sacré, Angela Denoke est d'une séduction plus animale, directe. Une soeur (grand-mère ? aïeule ?) de Lulu, avec toute la ménagerie qui va avec : un King Kong, une jeune chanteuse en mal d'identification, comme dans All about Eve, des quinquagénaires fous d'amour. Le marché conclu avec Prus (à grands renforts de timbales) rappelle la brutalité de la scène du Tambour Major, dans Wozzeck. Makropoulos a plus d'excuses que Lulu tout de même: elle séduit pour une lettre un père et son fils (qui se suicide, au passage) mais elle a eu une affaire vraiment sérieuse avec leur arrière arrière grand-père

Elina ne s'intéresse - comme nous - qu'à la musique de 1827 et de 1585 (+ 16). Je lis (car je ne l'entends pas, je n'entends ici que du Janacek, du meilleur Janacek, le vieillard amoureux fou d'une jeune femme) que les fanfares du prélude figurent pour Janacek la musique de l'époque de l'empereur Rodolphe (Schütz ou Gabrieli ?). Mais quelle trace reste-t-il alors de la musique du contemporain de Pepi Prus, Ludwig van ?

Curieuse expérience d'auditeur, comprendre quelles situations illustre une musique déjà connue. On a quelques surprises. Je n'avais pas souvenir qu'à l'acte III, la révélation du secret se faisait sur une musique aussi acide (un thème de toccata entrelardé des éclats de rire d'une femme saoule). Cette scène conduit à une séquence apaisée, lyrique, par laquelle EM finit par accepter de mourir (car elle est grillée avec toutes ces manoeuvres grossières). Scène magnifique dans la mise en scène de Bastille, glissade dans une piscine froide, minérale.

1 janvier 2007

Candide de Bernstein au Châtelet

Vu Candide avec le chat par le blogofumet alléché..... (moi + le chat au Châtelet, quel événement cosmique)

Avant toute chose, je dois dire que là où nous étions, les sous-titres étaient largement illisibles; le texte était assez compréhensible, mais des subtilités nous ont sans doute échappé dans les parties chantées. La soirée m'a laissé une impression mitigée: un bon moment d'entertainment, bien réglé, très bien chanté et joué, mais pas beaucoup plus ....

La première partie m'a semblé très bien, notamment Glitter and be gay, vraiment bien chanté et joué par Anna Christy (mais enfin, faire de cet air des bijoux un pastiche de Diamonds are a girls' best friendn'est pas d'une originalité échevelée ...)

Je me suis un peu perdu en seconde partie, qui m'a paru très patchwork. Quel rapport par exemple y-a-t-il entre le récit de la Vieille et le tango-bobo qui suit (si brillant soit-il) ? Toutes ces scènes à Las Vegas sont de l'assez bonne comédie musicale, mais sont-elles vraiment nécessaires (d'autant qu'elles durent des plombes ....). Manifestement il y a un problème structurel avec Candide, qui, un peu comme certains opéras de Purcell - je pense à the Fairy Queen - nécessite un gros effort d'adaptation, pour mettre du liant entre des morceaux musicaux réussis qui passeraient très bien, isolés, au concert.

Je suis assez perplexe au sujet de la polémique qui enfle sur la déprogrammation par le patron de la Scala d'un spectacle qu'il a pourtant coproduit. Je n'arrive pas à croire une seconde que cette déprogrammation est due à la charge politique véhiculée par la pièce : c'est une charge vraiment gentillette, plus Candy que Candide, 0% de subversion, parfaitement soluble dans le système. La scène avec Blair, Bush, Poutine, Berlusconi et Chirac n'est pas sulfureuse, elle est simplement nulle et tombe complètement à plat. Plus qu'un coup de patte d'un ancien directeur du Châtelet à un de ses lointains successeurs (pour moi c'est vite vu; il n'y a pas photo entre les deux gestions), pourquoi ne pas y voir simplement un désaccord artistique sur la direction qu'a pris une entreprise un peu chimérique ? (mais je suis sans doute trop candide)

13 juin 2006

La Damnation de Faust, à la Bastille

  • Un opéra qui a longtemps été mon über-opéra (avant que je ne découvre Pelléas-Boris-Wozzeck et les grands Janacek). Hier comme aujourd'hui j'en aime toujours les couleurs vives, mais j'y reconnais maintenant ce mélange inimitable (et qui peut déplaire) d'emphase dix-neuxièmiste et d'invention sonore géniale, le plus exemple étant pour moi Voici des roses, l'air de Méphisto accompagné d'un choral de cuivres : à la fois génial et pompeux.
  • Le début ! quelle entrée en matière ce soir, avec l'air qui circule aux cordes, la musique qui prend corps : une vraie ouverture (avec la voix de Faust, off, derrière le grand livre).
  • Les morceaux de bravoure orchestraux : la marche de Rahoczy, avec des ophicléides qui faisaient hier soir un de ces raffûts (!) ; la chanson de la puce, avec ses morsures de violons dans l'aigu; D'amour l'ardente flamme, avec son cor anglais solo et ses somptueux hoquets beethovéniens....
  • Hier je n'ai pas su quoi répondre à M qui me demandait quel était mon top 10 des mises en scène. Souvent, je m'en moque de la mise en scène, c'est déjà bien qu'elle ne m'irrite pas et ne m'empêche pas d'écouter la musique. En faisant un effort, je pourrais citer en exemple Braunschweig avec Fidelio et Jenufa, Sellars avec The Rake's Progress, Nordey avec son Saint-François, et je ne sais plus qui avec sa petite Renarde rusée du Châtelet il y a quelques années. Et bien je sais ce soir que je peux rajouter cette mise en scène de Lepage à ce top10 personnel. C'est une réussite d'autant plus éclatante que la Damnation est l'oeuvre par excellence réputée impossible à mettre en scène....
  • La grande idée de Lepage est de subdiviser l'espace scénique en trois bandes elle-mêmes séparées en petites cases sur lequel il projette des décors vidéo, un espace à la fois bibliothèque, machinerie de théâtre, décor industriel, piscine et pellicule de cinéma (on retrouve Méliès et Marrey....). Le propos est souvent littéral, restant proche du texte et assumant ses naïvetés. Ainsi, dans D'amour d'ardente flamme, la maison de bois de bouleau un peu équivoque des amours de Marguerite et Faust est littéralement consumée, il n'en reste plus à la fin que l'armature. Les scènes de musique militaire et de ballets sont traitées comme des boîtes à musique, souvent réglées de façon surprenante (la marche de Rahoczy: les militaires défilent à reculons, à contretemps !). Gros succès public avec le ballet des feux follets : ce sont des diablotins à la Spiderman qui viennent titiller des ballerines en tutu et utilisent le mur comme un damier horizontal (une idée déjà utilisée intelligemment auparavant, le damier faisant écho aux deux dimensions du choeur, français-ternaire et latin-binaire)
  • Si on peut oublier Faust (le roi de la contrepéterie, qui transforme, "Quel air pur je respire", pic de pollution oblige en "Quel air pire....") et Marguerite (avec son vibrato trop large, elle chante presque toujours trop haut), le Méphisto de Van Dam, à la fois classe et toxique, restera dans mes annales personnelles.

13 février 2006

Götterdämmerung, au Châtelet

  • Vivent les opéras le dimanche après-midi, j'étais frais comme un gardon et je n'ai pas perdu une miette de ces 6h30 de Crépuscule des Dieux, le meilleur de la Tétralogie, un vrai torrent de musique (même si nous étions hypermalplacés : très en haut tout à gauche, avec une vue plongeante sur l'orchestre : quel spectacle....)
  • Avec le Prologue et le 1er acte, on est d'emblée dans une telle splendeur musicale, dans une telle forêt de leitmotive - parfois trois ou quatre à la fois, avec des variations d'humeurs très rapides - qu'elle décourage le compte-rendu. Visuellement, choc plastique avec les Nornes (aux mains en formes de ramure et liées par un voile commun) et très beau début du 1er acte à la cour des Gibichungen (Hagen, lance rouge, mains rouges). La première apparition sonore de Siegfried à la cour des Burgondes: du thème de cor dérive une série de groupes de deux quintes descendantes qui s'enchaînent et se développent.
  • Si Siegfried est un opéra à interrogatoires, le Crépuscule est un opéra à serments (d'ivrognes) et unissons dissonants: un Siegfried (sous influence)/ Günther, un Siegfried/ Brünnhilde qui tourne au vinaigre (avec triolets modèle symphonie Italienne pour faire gagner Brünnhilde), un triple et vénéneux Brünnhilde/ Hagen / Günther (où un seul sur trois - le méchant- est lucide).
  • Au deuxième acte, mon moment préféré est la scène Alberich Hagen (un Kurt Rydl splendide bien que patraque)- la rencontre au sommet de deux animaux antédiluviens pour reprendre le mot de Wagner. Hagen, un roc de haine, immobile, comme sous hypnose....(Sei treu...) Instabilité de la rythmique des cordes, qui chaloupent en syncopes, avec en arrière plan les cuivres dans le grave. Plus tard dans l'acte, le choeur d'hommes, splendide, avec Hagen qui tire les ficelles. J'ai encore dans l'oreille ce do bécarre, trémolo, sauvage, insistant, des cordes, qui frotte sans concession avec un réb dissonant: la mort.
  • Le troisième acte démarre sous le signe du gibier d'eau, avec les filles du Rhin en oiseaux de malheur. C'est une scène curieuse, qui était très gracieuse chez Wilson hier : légère et fantasque, elle contraste avec ce qui va suivre, l'artillerie lourde de la tragédie. J'étais heureux aussi de redécouvrir la scène suivante : le récit de Siegfried, qui ne retrouve le souvenir de ce que chantait l'Oiseau qu'à l'aide du contre-philtre de Hagen- et retrouve ainsi le fil perdu du troisième acte de la Journée précédente, Siegfried. (Shorter du Crépuscule des Dieux: c'est le drame d'un héros qui perd la mémoire et ne reconnaît plus ce que chante l'Oiseau). Je me souvenais bien de la dernière demi-heure (le sommet final des adieux de Brünnhilde); en revanche, j'ai dû vérifier que le cycle finissait en réb (et pas en mib comme le prélude de l'or du Rhin : pourquoi pourquoi pourquoi ?).

Vivement le prochain Ring (dans 11 ans ?) : je me fixe comme objectif d'être alors un aussi bon interprète des intentions de Wagner que Siegfried avec l'Oiseau....(comment comment comment ?avaler un philtre ? des pages de leitmotive ? des graines ? )

 

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