-ein Rücken kann mich entzücken, ein Bauch auch...
-Le droit du plus fort, c'est l'histoire d'un forain (Fox alias Franz Biberkopf, c'est RWF himself qui joue le personnage) qui, à la grande roue de la Fortune, gagne un gros paquet d'argent puis finit par le perdre, victime d'un escroc, Eugen (et oui, avant d'être un bourgeois homosexuel, cet Eugen est un escroc). Même s'il joue la victime, RWF est bien aussi du côté du bourreau comme le suggèrent la dédicace ("à Armin et aux autres"; Armin, son dernier mec, c'est davantage Fox que Eugen), et cette interview qui est très claire: "I could identify with Franz on a moral level, but not on a practical level. If I were to identify with any of the characters, or more accurately if I had to identify with any of them, then I would have to identify with Eugen because that is the way I relate with people. I usually become involved with people whom I also try to educate, albeit less and less every year.". Une attitude réversible, donc: ein Rücken kann mich entzücken, ein Bauch auch, dit Fox à un des mecs qu'il drague.reverso traduit ça très bien;-).
-La mécanique du billet de loto. Les premières 20 minutes du Droit du plus fort sont une mécanique aussi prodigieuse que les 20 dernières de Deep end. L'enjeu est simple: il s'agit de savoir si Fox, tout fraîchement à la fois sans mec et sans emploi, va oui ou non réussir à acheter avant la fermeture du bureau de tabac un billet de loto (dont personne ne doute évidemment qu'il sera gagnant). Fox emprunte de l'argent à sa soeur, mais au moment d'arriver au guichet, se fait étendre sur la chaussée par un groupe de mecs louches et l'argent est perdu. Il rencontre dans une pissotière un antiquaire, KH Böhm, qu'il finit par suivre après de longues hésitations, mais les atermoiements de cette première rencontre ne mettent pas Böhm en confiance, qui refuse de lui prêter de l'argent. Du coup Fox manigance une arnaque contre un fleuriste mou qui ne sait que dire: "Polizei" d'un air abruti, mais finit par lâcher un billet de 10 marks. Pour finir, la buraliste (Brigitte Mira) qui est en train de fermer sa boutique n'accepte de vendre le billet de loterie que parce que Böhm, qui finit enfin par se rendre utile, lui sert du "gnädige Frau", un compliment qu'on ne lui avait pas fait depuis 1953. A quoi tient l'achat d'un billet de loto gagnant....
-Brrrrrrrrr Biberkopf. Tout le centre du film est à la fois une critique du conformisme social des gays (qui n'ont jamais eu ce film en odeur de sainteté), de l'oppression par la maîtrise des codes sociaux et culturels, mais aussi l'histoire de la transformation de quelqu'un qui est acteur de son destin en victime absolue, le tout sous les commentaires sarcastiques du choeur, les habitués d'un bistro gay fréquenté par Fox avant le début du film. Le dernier moment où Fox reprend pied est une scène odieuse de repas avec beau-papa et belle-maman. Belle-maman pérore sur Stravinski qui est du bruit alors que Mozart c'est si bien. Pour lui clouer le bec, Fox lui met une allumette cassée comme un chevalet sur un doigt et lui demande de faire brrrrrrrrrrr. Ce qu'elle fait, l'air hagard. Il lui prend l'allumette et dit "Biberkopf" (comme si c'était un téléphone, j'explique).
-Mais c'est bien sûr! c'est Wozzeck. Tout le monde commente bien l'allusion au Franz (Biberkopf) deBerlin Alexanderplatz; mais toute la fin me rappelle davantage un autre Franz célèbre, Wozzeck. Je n'arrive pas à croire que RWF n'était pas conscient de la similitude. A la fin, comme dans l'acte III de Wozzeck, il y a une scène de bastringue qui cristallise la déchéance du héros: Ingrid Caven qui chante doit s'interrompre car elle est bouleversée par ce grand gaillard qui craque: "c'est toujours moi qui dois payer....". Et puis la scène finale est un décalque complet de la fin de Wozzeck, dans toute sa sécheresse: Hopp, hopp, ce sont les enfants qui découvrent le cadavre, dans le souterrain bleuté (l'étang), alors que deux des acteurs principaux du film jaugent vite la situation et préfèrent s'esquiver discrètement, de peur de s'attirer des ennuis.
-Un écho Je mets dans la radioblog le premier des deux mouvements lents du 5ième quatuor de Bartok. On entend à cinq reprises dans le film une adaptation d'un passage de ce mouvement (à 1'05'' du début). C'est un des plus beaux mouvements lents de toute l'oeuvre de Bartok, avec ces tortillons énigmatiques et ce choral planant....