Fauré au musée d'Orsay
Ce soir, l'orchestre de Paris faisait ses Menus Plaisirs au musée d'Orsay dans un programme - quel bonheur - tout Fauré. Très varié et chambriste, avec
- quelques tapas délectables: 1) Pelléas et Mélisande transcrit par Dalbavie (ça marche beaucoup mieux que la réduction Schönberg du Chant de la terre... mais il y a un piano + un quatuor à cordes + une contrebasse + trois bois seulement, ça change la donne; peut-être aussi l'acoustique de l'auditorium du musée d'Orsay se prête mieux à ce genre d'oeuvre que la grande salle de la Cité); 2) Après un rêve pour contrebasse et piano; 3) la Fantaisie pour flûte et piano (dont Vicens Prats a expliqué drôlement l'histoire: c'est une pièce de concours avec vacheries obligées, que je me souviens avoir beaucoup entendu il y a une bonne trentaine d'années, avec Chaminade et Gaubert ...quand ma soeur était au conservatoire en classe de flûte).
- un premier plat de résistance, la Bonne chanson, dans une version quatuor+ contrebasse et piano, chantée par Vincent Le Texier (belle voix d'opéra, très loin de celle de Maurane); plus d'ampleur que quand c'est avec piano seul, avec des combinaisons intéressantes ("Une sainte en son auréole", sans piano, par exemple)
- un chef d'oeuvre: le quintette opus 115. Une musique qui me met en transe et me rend très heureux, sans que j'arrive à l'expliquer. Une oeuvre qui fait souvent penser à Beethoven, par le tissu serré, le souci de l'économie thématique et par certains détails (cet ut mineur qui mène irrésistiblement à un ut majeur comme dans la Cinquième, un ut majeur qui n'est pas claironnant, mais un ut majeur de clocher campagnard à midi; la sixte de l'alto dans le troisième mouvement, qui rappelle le Heiliger Dankgesang de l'opus 132). Le scherzo (qui va très vite et flirte avec l'atonalité) et le finale sont magnifiques mais les deux sommets sont le 1er mouvement [celui avec le thème à l'alto (quarte+ quinte=octave); avec la réexposition à fond les ballons toutes les cordes à l'unisson; avec la coda sublime en do majeur de chat qui ronronne et de cloches à toutes volées, ça ressemble à du Steve Reich, mais si seulement les minimalistes écrivaient comme ça!] et le mouvement lent [avec un moment incroyable avant la dernière récapitulation du thème: une polyphonie serrée qui monte sur une basse qui serre la vis avec des noires suivant une trajectoire dangereusement chromatique].