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zvezdoliki
27 juin 2012

En vrac

Au cinéma: le Faust de Sokourov (magnifique et parfois abscons; quelle belle langue que cet allemand-là) et Adieu Berthe (très drôle, mais au fond assez décevant)

A l'opéra: Hippolyte et Aricie. Arbitrages incompréhensibles, comme à la cour du roi Hollande (il ya quand même "Toi, tremble, Reine sacrilège; Penses-tu m’honorer par d’injustes rigueurs ? dans les dents pour Merkel). Profusion de tenues lamellibranches, les champignons poussant sans doute avec l'humidité  ("Quel bruit ! Quels vents ! Quelle montagne humide !"). Le livrettiste sabote conscieusement toute velléité de construction dramatique (l'acte III, du grand n'importe quoi: on enchaîne direct le drame affreux de Thésée à une fête de réjouissance avec tambourins). Je m'ennuie toujours pendant le Prologue et l'acte V. Tout le reste: génial. Quelque chose que je n'avais jamais vu à l'opéra: pendant les applaudissements, la chef fait saluer certains pupitres séparément à la fin (les belles couleurs de Rameau). Degout éclipse mon souvenir de Naouri en 1996 dans cet opéra, pas sûr en revanche d'avoir entendu mieux que Hunt et Padmore.  

Au concert: Bartok/Salonen (III) avec Lugansky. Tempi insensés et souplesse de chat. Je me suis régalé pendant le 3ième concerto (avec le mouvement lent qui cite le chant de reconnaissance de l'opus 132). J'étais venu pour le Prince de bois. Je retiens que le monde peut commencer à exister avec l'acord parfait sur do + sib et fa#, ça peut toujours servir.


 

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20 décembre 2013

Grisey/Schubert

Hier soir, concert crépusculaire avec Vortex Temporum de Grisey et l'Inachevée de Schubert.

* Vortex Temporum - pas la première audition pour moi, mais c'était il ya plus de 10 ans si j'en crois ce blog. L'introduction chaleureuse de Boffard ("une oeuvre qui a toujours été là"). Les dédicaces à Zinsstag, Sciarrino puis Lachenmann. Le matériau de départ: les arpèges de Daphnis, les sons filés crescendo aux cordes. La cadence de piano véhémente à la fin du 1er mouvement. Le mouvement lent, très lent, coeur mystique de l'oeuvre, qui part de rien, monte du très grave à l'aigü avant de redescendre, où l'on entend beaucoup des 4 notes désaccordées du piano. Le 3ième mouvement est deux fois plus long que chacun des autres, plus touffu et complexe qu'eux. L'extrême fin, beau comme du Lachenmann (le battement de coeur, la musique détimbrée). 

* L'Inachevée, jouée très vite par les Dissonances. Le sublime conduit des cordes a cappella à la fin du 2nd mouvement (qui mène à deux chorals des vents, aventure extrême. Suivi des 12 mesures du scherzo (ce sera tout). En bis le mouvement lent de la 7ième de Beethoven (étonnamment en cohérence avec le 1er mouvement de Schubert).

 

7 septembre 2017

La Création à la Philharmonie

Soirée glorieuse: les Berliner Philharmoniker (oh, les beaux pianissimi, oh les magnifiques bois), Rattle, Dreisig, Baesch et Padmore; last but not least, Korovitch et le choeur accentus. C'est la rentrée après 2 mois de purge complète (je ne suis pas assez fou pour aller écouter de la musique quand la température dépasse 25°C). C'est entendu, la Création c'est moins bien que les Saisons (c'est Rosen qui le dit, donc c'est vrai). Mais tout de même... quelques notes d'écoute:

n°1: oh les beaux pianissimi! Le chaos naît de l'absence d'articulation et des retards. Les accords-ponctuation, comme des rafales subites de vent. Les petits flux de sextolets organisent le monde. 

n°2: Un es war... [spoiler]. <insérer un cassage de voix redoutable pour le ténor, obligé de hurler dès sa première apparition>

n°6: Rollend in schäumenden Wellen. De la mer (ré mineur, gros rouleaux) au ruisseau (ré majeur, petits coulis)

n°13: Sublime lever de soleil. Le crescendo, cette invention capitale des classiques.

n°16 et 17: je suis fan depuis longtemps du 17 (les baleines, les cordes graves - avec les basses piquées chez Rattle, très bizarre) mais le 16 (avec oiseaux et roucoulades de la soprane) tient bien le choc aussi.

n°19: j'avoue un faible pour ce choeur concluant le 5ième jour (notamment à cause du crescendo sur un mi tenu par le choeur - terriblement efficace - et à cause des figurations fofolles de la soprane)

n°21: tout le le zoo y passe (mit Kontrafagott bitte)

n°24 (ténor): forme sonate mouvement lent (en deux volets), do majeur. Exposition: création de l'homme (en do) à l'image de Dieu (fuite vers la dominante, modulations acrobatiques et géniales comme le vieux Haydn savait y faire). Réexposition: création de la femme à l'image de l'homme: on est do majeur et on y reste, fini la mystique. Comme quoi vers 1780-1790, la forme sonate, ça sert autant pour une comédie de portes de placards qui claquent que pour la création de la femme à l'image de l'homme.

n°26 b: trio d'anges accompagné des bois seuls (maçonnique?) suivi d'une éclipse de la musique (Du nimmst den Odem weg, In Staub zerfallen sie).

n°28: le duo Adam/Eve avec choeur: les Champs Elysées (le jardin, pas l'avenue). Hymnique et beau comme du Gluck.

n°30: le 2ième duo Adam/Eve. Joie tellurique, malice de la musique (papagéniale).

n°31: récitatif du ténor qui announce la saison 2 (plus franchement mouvementée, à mettre en musique par un Mahler ou un Schönberg). Haydn coupe au moment où ça se gâte! (und es war gut)

8 octobre 2017

Le Concert de la Loge

Concert dans le goût de ceux de la Loge Olympique, presque dans les mêmes lieux (l'auditorium du Louvre pour une salle du Palais des Tuileries....) et dans le même esprit. Le programme commence par les deux premiers mouvements de Haydn 82, clôture par les deux derniers mouvements; le chef demande au public (inquiet à l'idée d'avoir oublié sa perruque) d'applaudir après les solos du thème et variations de Devienne.... Dans Haydn 82, orchestre particulièrement bondissant et élastique. Magnifique insistance dans I sur cet accord beethovenien dissonant où sol et la bémol (la sixte napolitaine) frottent, dans l'exposition pour amener la dominante, dans le déevloppement pour ramener la tonique. Sublime IV:  cet ours est en fait un bourdon, qui monte des violoncelles à l'aigü des violons: une pile d'électricité. Coda de folie (après un long silence et la marquetterie des hoquets). Aussi: 17ième concerto de Mozart (K453 en sol). Dans le finale la variation tragique, en mineur, n'est pas la moindre des pitreries.

4 octobre 2016

Le quatuor Ebène aux Bouffes du Nord

Un concert magnifique. Le quatuor Ebène avec son nouvel alto pour la première fois aux Bouffes du Nord, cette salle idéale. Au menu:

Beethoven, opus 18-6: si bémol majeur. Celui avec le scherzo irrésistible à hoquets et le finale qui lutte avec la malinconia.

Dutilleux: Ainsi la nuit. Jamais entendu mes suraigüs de Miroir d'espace si justes.

Beethoven, opus 127. mi bémol majeur. Les accords du début (avec des coups d'archet jamais vus); la fin du premier mouvement avec les noires retardées qui font caler le moteur. Le #2 à variations, un la bémol majeur d'une grande noblesse. Les deux derniers mouvements d'une joie cosmique. La coda vaporeuse du #4 prise très très vite, peut-être un contresens, ça marche très bien et on conserve la direction.

Pas de bis crossover, on restera sur cette impression de joie cosmique.

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19 mai 2009

Rameau/ Grisey, à la Cité

Rameau: ouverture de Zaïs et assortiment d'airs et de danses extraits de Hippolyte et Aricie. L'ouverture de Zaïs est une figuration du chaos, encore plus distendue qu'un des airs équivalents, dans les Boréades:

Accessoirement c'est une plaisanterie à la Haydn, où l'auditeur se demande où sont passés ses repères. Dans l'assortiment qui suit, un peu trop fourni à mon goût, je retiens un bel air avec hoquets des flûtes.

GriseyModulations et Partiels (deux épisodes des Espaces acoustiques). Emballé par Partiels: musique chambriste, mais avec des effets violents et contrastés. Début mémorable, avec les coups de boutoir de la contrebasse, qui se transmettent au tuba, aux bois puis aux cordes; un complexe de sons extraordinaire qui se transforme lentement. Beau moment ourlé à deux flûtes (prolongeant une dentelle des violons): Mälkki compte avec les mains, j'imagine la difficulté de mise en place. Comme souvent chez Grisey, on entend l'orchestre ronfler, grogner, respirer, comme un grand corps agité. La pièce finit sur des accords énigmatiques auxquels se superposent des bruits aléatoires des instrumentistes (comme un orchestre amateur dissipé, suivez mon regard). La lumière tombe et se concentre sur le seul percussioniste, armant ses cymbales (sans les faire sonner, contrairement à la fin de Modulations), comme un Christ déployé dans sa niche. Moins séduit par Modulations, une musique pour 33 musiciens. Le début est aussi agressif que du Messiaen des années 60, et la suite m'a rappelé le Ligeti que je n'aime pas, celui des nappes sonores des années 70.

27 septembre 2008

Messiaen Saint Saëns à Pleyel

Un concert kitsch (Messiaen- Saint Saëns) que j'ai écouté un peu sonné (l'effet des trois antibiotiques que je me coltine en ce moment)

Messiaen: Hymne. Me suis endormi pendant la monodie des violons- sirupeux et douceâtre comme un excipient.

Messiaen: Concert à quatre: une oeuvre concertante avec flûte, hautbois, violoncelle et piano.Entrée: le plus beau des 4 mouvements, qui m'a rappelé le tableau de l'Ange voyageur. Un dyptique parfait (chacune des parties - succession de séquences improbables - finissant sur un coup de timbale incisif). Vocalise: un genre mouvement lent sublime de concerto de Mozart, assaisonné de ce que j'ai cru être des sonneries de portable (mais non, c'était juste un marimba pour épicer). Cadenza: mouvement à chants d'oiseau (dont l'un, sauvage, bizarrement au violoncelle). Rondeau: sur un thème qui sonne comme une musette à 6/8, mi 18ième siècle, mi Messiaen; la musique s'en éloigne beaucoup, jusqu'à une superposition virtuose et jubilatoire de trois solistes, jouant des musiques incompatibles.

Saint-Saëns:Troisième Symphonie, en ut mineur: Encore une resucée de LA Cinquième, mais ce n'est plus la lutte entre la Lumière et les Ténèbres, c'est la lutte de diablotins et de nonnettes en costume néo-Moyen Age, modèle production années 50 du Faust de Gounod: personne n'y croit, mais il faut faire semblant de trouver ça irrésistible. Le premier mouvement, mi-Franck mi-Mendelssohn, et le scherzo, avec ses violons fauves sur le sol et ses coups de timbale, ne sont pas mal, mais le mouvement lent et le finale ! Le début du finale ! Le triomphe de l'orgue et l'apothéose des nonnettes suscitent bien un début de fou rire (ces violons qui font les cabots avec leurs accords sur 4 cordes) mais surtout étrangement un alourdissement de la bajoue, de la ventrière, du lorgnon dans son gousset: étonnant pouvoir de la musique. Il ne manquerait plus qu'on joue ça à l'orchestre pédé (mais heureusement c'est trop difficile pour nous).

15 juin 2010

Pelléas à l'Opéra Comique (Braunschweig Gardiner)

Je donne encore une fois ici dans le rapport de police (à ne pas lire, donc, si vous allez voir le spectacle, je ne fais ici que spoiler)

  • Premier choc: Golaud (Marc Barrard). Dans la première scène, il frappe par son élégance et sa jeunesse – et c’est important pour la suite de comprendre qu’il puisse y avoir un lien entre Mélisande et lui. (Exactitude géométrique : l’entrée dans le château… à l’intersection de deux droites.)
  • Scène 2. Tiens (ce n’est pas une surprise), Stutzmann fait une magnifique Geneviève – timbre (poste) très doux pour la scène de la lettre, sans la rugosité à la Electre que mettent certaines contraltos. Définition : on définit le lieu d’Yniold comme une ellipse inclinée, de proportions modestes, dotée d’un petit phare.
  • Deuxième choc : l’apparition de Pelléas dans la 3ième scène. Choc amplifié par la mise en scène, avec le dévoilement du phare, version géante (un lieu d’Yniold dilaté), enfin de l’espace, premier moment de grand air, l’orchestre aussi change de dimension. Pelléas (Philip Addis) voix jeune, puissante, avec une belle amplitude (de beaux graves et des aigus pas gueulards). Dramatiquement parfait. Je serais Mélisande, je le laisserais tomber, ce bouquet.
  • Acte II scène 1 : la fontaine, encore le lieu de l’acte I scène 3. Exactitude topographique du dispositif : "mes mains ne touchent pas l’eau".
  • Acte II scène 2 : la scène Golaud-Mélisande avec ses ruptures de tons. Subtil Golaud : il chante pianissimo subito sur sang dans « Je suis fait de fer et de sang ». Est-ce la bonne lecture de ce passage ? Pas sûr, c’est l’orchestre qui est noté pianissimo, sur une musique qui commente déjà l’intervention de Mélisande. Mais l’effet obtenu est incroyable : on sent que le sang sera sa perte.
  • Acte III scène 1 : l’idée de génie est de mettre cette scène de la chevelure dans le lieu d’Yniold, celui de l’enfance… l’ellipse mineure de l’acte I scène 2. Du coup, le jeu des deux jeunes gens apparaît comme un jeu d’enfants (« Vous êtes des enfants ! »), un jeu dangereux (la strangulation n’est pas loin). Braunschweig reste, encore une fois, littéral, fidèle au texte (« Mes cheveux sont aussi longs que la tour ») sans sombrer dans le ridicule.
  • Acte III scène 2 : le cri de Pelléas au sortir des souterrains, complètement bouleversant….. Debussy n’aurait pas aimé, mais oui bien sûr, c’est Fidelio ! magnifiques lumières… un des sommets de cette production.
  • Acte III scène 3 : là encore, la mise en scène est exacte : Golaud n’est pas assez grand pour arriver à la fenêtre, mais G+ Y, oui.
  • Acte IV : là, ce qui change tout, c’est de montrer une femme enceinte (idée géniale, littérale, pourquoi donc personne ne respecte ?) : dès le début de l’acte, on comprend que tout va être fichu, que l’horizon se rétrécit. Première scène agitée (Gardiner est à fond de train, Braunschweig fait cavaler Pelléas). Dans la scène 2 (Absalon, Absalon), Golaud manque un peu de folie à mon goût. A la fin de la scène 3, il ne reste plus de l’espace d’Yniold (celui des jeux d’enfant des amants) qu’une ombre, et un ballon rouge, que Pelléas prend en main pour le liquider. Logiquement, Braunschweig place l’action de la grande scène finale dans l’espace de l’acte II, scène 1. Ciel rouge de sang, qui disparaît derrière un rideau noir (« on ferme les portes, nous ne pouvons plus rentrer »)), avant que n’arrive la mort (couleur verte d’hôpital). Aucun contact entre Pelléas et Mélisande, dans toute cette scène, sauf, littéralement, sous la pression de Golaud, qui les pousse à s’embrasser (« Ta bouche…. »)
  • Acte V. Incroyable moment a cappella de Golaud dans l’aigü (Mélisande ! ……). Souvenirs sélectifs de Mélisande.

 

J’ai du mal à rendre compte (ceci est un rare moment de lyrisme de ma part) de l’intelligence et de la richesse de la mise en scène  - c’est beau, c’est cohérent, ça fonctionne avec peu de choses.  Pour le reste, très haut niveau à quelques réserves près (on ne sent pas vraiment en sécurité avec tous ces pains aux vents, et je ne suis pas complètement emballé par Mélisande – diction parfaite mais un timbre un peu trop fade à mon goût).

27 octobre 2011

Mahler Berg au Châtelet

Crépuscule du cycle Mahler/ ONF/Gatti, avec le concerto de Berg et Le chant de la terre de Mahler, sur un fond de scène orangé et lumineux. Dans les deux cas, les solistes impressionnent plus que l'orchestre. Frank Peter Zimmermann m'a plus passionné que Gidon Kremer dans le concerto de Berg, avec un jeu athlétique et contrasté. Beau moment Hameln: Zimmermann a soudainement reculé au niveau de ses collègues violons du rang et on a vraiment eu l'impression qu'il les emmenait un par un vers une issue que l'on pressent fatale (chair de poule). Content d'avoir pu enfin entendre Lemieux (aphone ce jour-), chanteuse subtile et raffinée, magnifique dans Abschied. Découverte des sous-titres grâce à mon voisin au moment pile où tout signifiait le printemps (gazouillis de flûtes en rut et enthousiasme suspect du ténor). Un grand merci à Laurent.

22 décembre 2011

Boulez à Pleyel dans Schönberg et Bartok

Un concert que j'ai traversé dans l'euphorie, pour plusieurs raisons, la plus immédiate étant mon placement, au 1er rang de l'arrière scène, juste derrière la grosse caisse. Peut-être pas parfait acoustiquement (encore que pour Schönberg, c'était parfait et pour les deux Bartok, très acceptable), mais idéal pour observer le chef et les musiciens. La gestique de Boulez, en meilleure forme que Leonhardt, est devenue très économe; gestes de très faible amplitude, moins coupants qu'ils ne l'étaient, très en avance sur les musiciens, surtout dans les mouvements lents (au point qu'on se demande, torturé, si les musiciens vont finir enfin par réagir; miracle, ils réagissent tous avec le même retard, mais ils n'ont pas intérêt à traînasser, les bougres); et surtout, contraste entre un chef impassible et immobile et une musique post-romantique torrentielle (un vrai effet comique, quand on y réfléchit.... )

Au poilomètre (puisque le cheveuomètre marche moins bien avec moi), le Schönberg était le plus réussi. Gros hérissements pileux à la fin, mais aussi au moment où tous les violons se prennent pour des altos et les basses oscillent sur deux notes, comme au moment où la cloche sonne dans les Gurrelieder (à 20' dans l'enregistrement d'Arte). Le 2ième concerto de Bartok, je l'ai vécu à l'intérieur du pupitre de percussions, à voir la grosse caisse répondre aux timbales. Un poil moins emballé par le concerto pour orchestre (à part le 2ième et le 5ième mouvements qui me comblent toujours, le reste est tellement moins bien que la Musique pour cordes, percussion et célesta). Dans l'excitation post concert, j'ai molesté trois mamies pour aller saluer Alban Berg (qui ne m'aurait pas reconnu, lui) avant d'aller parler nombre d'Erdös et rêver de Chennai (le tout dans une odeur de fromage fondu).

10 octobre 2011

Tannhäuser

Retour sur un amour de jeunesse. Eh oui, j'ai dû diriger l'ouverture de Tannhäuser sur ma descente de lit en ventilant avec ardeur ma chambre, à l'époque des premiers boutons. Je n'ai même pas le disque à la maison et je ne me souvenais presque plus de rien. Enfin, ça a bien dû infuser sans que je m'en rende compte car j'avais forcément en tête deux des morceaux de bravoure de la pédéwagnérovénénotitude, la  Romance de l'étoile qu'a pillée Visconti dans Ludwig (dans une version décolorée et dépressive, au piano, comme une boîte à musique qui tourne à vide); et puis la marche des pélerins, inoubliable dans la version synthétiseur disco gay d'Encore, le film de Vecchiali.

Une oeuvre de 1845. Eh oui, Wagner a été jeune, et a vécu ce premier romantisme, ce premier 19ième siècle impossible, à machins amphigouriques, à rédemptions retardées et bordels rougeoyants. Dès le début, on se croirait chez Berlioz - la marche des pélerins rappelle la scène finale de Roméo (l'entrée du choeur dans Jurez donc, par l'auguste symbole avec le rythme à 12/8 des violons, à 1'53"), et chez Mendelssohn (bacchanale). C'est l'époque où on ne recule devant aucune outrance, aucune formation bizarre (le septuor de voix d'hommes ! le finale du deuxième acte! les grands airs accompagnés à l'(unique) harpe solo, comme si on était en direct de chez le barde.... tout cela rend l'IRCAM et ses formations Pierrot lunaire si fâcheusement conventionnelles). Mais on a aussi le plaisir de deviner ce que va devenir Wagner (les plaintes sur des accords neuvièmes des accords du Venusberg; le récit par Tannhäuser de son voyage à Rome, du niveau des grands récits de la Tétralogie). Pas encore ou peu de leitmotive, mais un traitement subtil des morceaux de bravoure: au milieu du premier acte, la marche des pélerins mixée avec la musique printanière de mai qui précède juste (encore une idée à la Berlioz); au troisième acte, exposée au choeur à 4 voix a cappella ou à l'unisson, avec cet incroyable crescendo.

La mise en scène évacue totalement la dimension rédemption/ grâce au profit d'un discours sur l'art, comme si on était dans les Maîtres chanteurs. Cela fonctionne assez bien, sauf la fin qui m'a semblé vraiment forcée (la muséification de l'Origine du monde, c'est un peu trop). La scène du retour des pélerins de Rome est magnifique visuellement (l'accumulation de ces cadres dépouillés des toiles qu'ils soutenaient, une forêt dans laquelle se perd Elizabeth, hagarde), mais je crois que je n'aurais pas compris la symbolique si on ne m'avait pas expliquée (les toiles= les péchés). Distribution remarquable (Christopher Ventris en grande forme, Nina Stemme et Sophie Koch sont les deux muses, Stéphane Degout en Wolfram)

11 décembre 2012

In memoriam Charles Rosen

Je ne me souviens plus quand j'ai découvert Le style classique. J'ai le souvenir d'en avoir discuté avec un claveciniste qui m'impressionnait beaucoup, avec qui nous jouions les pièces en concert de Rameau, il en parlait comme quelque chose de magnifique. L'avais-je déjà lu? Ce livre m'a complètement ébloui, et je crois qu'il a changé plus que tout autre ma façon d'écouter la musique. A mon sens, c'est très difficile d'écrire correctement sur la musique, l'écueil le plus fréquent étant de contourner le coeur du sujet, de décrire l'infra-texte littéraire, culturel, psychologisant; cela peut donner des ouvrages fort intéressants, et certains sujets comme Schumann ou l'école de Vienne s'y prêtent bien. Avec les classiques, évidemment, c'est plus difficile de biaiser, car le coeur de l'expérience classique, c'est vraiment avant tout la joie de la découverte d'un langage, la construction d'une grammaire. Cela sonnera peut-être comme un cliché, mais je crois que Rosen m'a fait percevoir toute sa jeunesse de cette musique, comprendre comment un style est né, comment les solutions formelles se sont imposées aux compositeurs, logiquement, organiquement, pourquoi le style sonate a tout contaminé, airs d'opéra, mouvements lents, même les thèmes et variations, les scherzos.... comment ce style est mort avec Beethoven (il démontre, par exemple, que Schubert a repris pour le rondo de sa célébrissime sonate en la le modèle du moins célèbre opus 31 n°1 de Beethoven; explique, en passant, pourquoi les mouvements chez Schubert sont si longs). Evidemment, on est très loin avec lui de ce qu'on nous (enfin ... on M'A) enseigné au Conservatoire, les fadaises sur les formes sonates à deux thèmes répertoriées comme dans un herbier ou un manuel de cuisine. Alors oui, j'aime à consulter l'index de ses livres, au gré des rencontres musicales du moment. Par exemple, la marotte de cette semaine pour moi, la 104ième de Haydn, qu'en dit-il? Pas grand chose en fait, mais le peu qu'il en dit est vraiment remarquable. Il dit que le retour du thème dans le finale est "d'une telle délicatesse qu'il faudrait le citer longuement pour en faire apprécier vraiment la poésie rayonnante et l'esprit"; que les "retours thématiques les plus subtils sont ceux des rares finales à thème dépourvus d'anacrouse: l'humour haydnien s'y nourrit autrement". Cela donne tout de suite envie de vérifier de quoi il parle, non?

7 mars 2007

Schönberg / Buch

Viens de refermer le bouquin d'Esteban Buch sur Schönberg (passionnant et amusant). Je me dépêche de rédiger quelques notes avant de tout oublier.

Le livre fait une histoire de la réception des premières oeuvres de Schoenberg, du concert de la Nuit transfigurée au Skandalkonzert du 31 mars 1913 (un foutoir massif: invectives, gifle, intervention de la police, impossibilité de jouer les Kindertotenlieder, double procès), à partir des comptes-rendus critiques et de la correspondance de Schönberg. Et développe la thèse que c'est la réception catastrophique de ses oeuvres qui a conduit Schönberg à assumer pleinement sa position d'avant-garde en rupture avec la tradition.

Le point nodal a été le scandale de la création de l'opus 10, après lequel Schönberg est passé d'un discours d'intégration à celui de la rupture. Jusque là, Schönberg, qui s'est toujours senti l'héritier des grands musiciens viennois, avait pris la défense de ses oeuvres attaquées en minimisant leur potentiel de rupture et en mettant en avant leur conformité aux canons classiques. Mais les critiques ont été sourds à ce discours et ont fait une fixation sur l'orchestration (les stridences de la Symphonie de chambre - ces acidités pourtant si jouissives !), la densité insupportable de dissonances, l'affaiblissement des fonctions tonales (délicieux mot de Schönberg à ce sujet: "Un accord d'ut majeur est un effet d'orchestre spécial, dont il ne faut pas abuser et qui ne peut être employé qu'avec la plus grande précaution"). Par exemple, il semble qu'à 4'00" du début de la Symphonie de chambre, le public ait perdu pied: je trouve qu'on entend clairement la majeur, mais entre les ponctuations, c'est un peu un no man's land qu'il faut accepter de traverser.

La critique est passée complètement à côté de la forme des oeuvres. Personne n'a compris Pelleas comme une symphonie en quatre mouvements en ré mineur, par exemple (c'est toutefois difficile de jeter la pierre ex post et de savoir comment on aurait entendu cette musique en première audition, sans avoir lu l'analyse de Schoenberg). Personne n'a vu toute la finesse du travail motivique (remarquable au début de Litanei, le 3ième mouvement de l'opus 10, qui reprend des motifs des 1er et des 2ndsmouvements).

Plus qu'à une critique foncièrement conservatrice, Schönberg s'est heurté violemment à une critique plutôt incompétente, modérément progressiste, en accord avec la critique wagnérienne d'un Beckmesser qui s'en tient trop strictement aux règles scolaires, valorisant l'impression par rapport au travail d'exégèse (une critique d'ambiance: Stimmungskritiker), favorable à la dissonance mais pas à trop de dissonance, une critique prête à encenser Reger, Pfitzner, le jeune Strauss. On trouve des traces de cette lutte à mort entre Schönberg et la critique viennoise dans les caricatures du musicien ....et son Pierrot Lunaire, dont Buch lit finement deux numéros, les n°16 (Gemeinheit avec son piccolo qui vrille) et 19 (Sérénade avec son violoncelle lyrique), comme une représentation du conflit entre l'artiste (Pierrot) et le critique (Cassandre)....

 

 

24 avril 2006

les Dichterliebe de Fassbaender

L'autre jour, je vois ceci à la FNAC

Quelle n'est pas ma stupéfaction quand je me rends compte que ce CD reprend l'essentiel d'un des rares disques dont je sois réellement tombé amoureux, et qui bien entendu n'a jamais été réédité depuis 20-25 ans. Je m'en souviens parfaitement, c'était un 45 tours que j'ai dû emprunter avant 1985 à la discothèque municipale à Nancy, à l'époque où elle était encore dans les combles de la mythique Bibliothèque municipale.

J'ai du mal à me souvenir de la façon dont j'ai entendu, adolescent, ce disque, mais je me souviens d'un triple choc : la découverte des Dichterliebe, de l'univers du lied plus généralement, et enfin de la voix de Fassbaender. Dichterliebe, c'est la quintessence de l'oeuvre vocale de Schumann, une oeuvre très dispersée sur le plan émotionnel (comme Carnaval ou l'Humoresque) un cycle plus dense et plus varié que l'amour et la vie d'une femme. L'ironie cruelle de Heine combinée au sens du non-dit de Schumann (les postludes du n°16 évidemment mais aussi du n°10 ou du n°6) permettent l'exploration de toutes les nuances du dépit amoureux, de la catatonie à l'insulte en passant par le sarcasme.

Je pense que ce cycle convient particulièrement à Fassbaender. Dans cet enregistrement de 1983, elle est au mieux de sa forme vocale, avec la variété de timbres qui la caractérise (du velours au métal, en restant à la lisière de la fêlure), une diction à la fois intelligible et hallucinée. Fassbaender est aussi l'une des grandes mezzos à s'être appropriée tout le répertoire des lieder pour voix d'hommes : elle va jusqu'aux quatre chants sérieux (pour basse !) de Brahms. Cette longue intimité avec ce répertoire provient sans doute d'abord des leçons de son père. Le remplacement de l'homme par la femme dans le lied romantique est bien plus troublant que l'usage du travesti dans l'opéra baroque, à mon sens : il accroît la distance entre la chanteuse et l'objet de son chant. Je ne suis pas sûr qu'elle aimerait cette description, mais il me semble que Fassbaender a incarné de façon convaincante, que ce soit au lied à l'opéra - je pense à Geschwitz ou Brangäne - le dépit amoureux poussé jusqu'au métaphysique, l'amour monstre, passez moi l'expression, transgenre...

L'appropriation par une voix de femme du répertoire masculin est féconde mais ne va pas sans problèmes. Là où les chanteurs passent en force (ils sont tous à trompetter dans Im Rhein, im heiligen Strome, par exemple), Fassabender pallie le manque de puissance dans les graves par un tempo lent. Le tempo lent donne quelque chose de très étrange dans le n°1, le mois de mai où "alle Knospen sprangen" ; quelque chose comme une méduse qui se déploie, des volutes un peu lourdes d'une fumée capiteuse : elle fait planer le drame là où il n'est pas encore dans le texte. Ou bien dans le n°4, première manifestation d'ironie amère dans le texte (Doch wenn du sprichst: ich liebe dich! So muß ich weinen bitterlich, pris très lent, dans un silence sépulcral). Ou enfin dans le n°15, quand on comprend, moment déchirant, que la bacchanale quasiment satanique du début du lied n'était qu'un rêve, que du rien (Zerfließt's wie eitel Schaum).

J'aime aussi cette façon hallucinée qu'elle a de faire sonner la langue allemande (son schauern und beben, dans le n°5; l'incroyable série de verbes du n°9 (ein Klingen und Dröhnen, ein Pauken und ein Schalmei'n et puis après schluchzen und stöhnen), ou encore dans le n°3 cette façon qu'elle a de rebondir sur Taube. Un des sommets du cycle reste pour moi le n°13(Ich hab' im Traume geweinet) où elle est terrifiante de douleur rentrée.

Je mets dans une nouvelle radio Lied tout le cycle, pour que vous puissiez juger sur pièces. J'ai vidé ma radioblog canal historiquede tout ce qui allait du lied à la mélodie en passant par la chanson française, hors opéra et musique religieuse (il y en a pour tous les goûts...je viens de réécouter Annie Anna de Trenet, où Bratislava rime avec refaire ma vie).

 

14 novembre 2005

quatre notes en blanc dans le concerto de chambre


(Je commence avoir honte de paraphraser Denk mais je ne me lasse pas de le lire)

La découverte du jour: le GFAH (sol-fa-la-si) qui conclut (à 9'32")....et comment !....le concerto de chambre de Berg, au piano avec pédale sonnant toutes voiles dehors, ce GFAH qui dissout toute velléité pépiante de polyphonie, qui se prolonge par un pizz de violon, comme dématérialisé....

eh bien ! ce GFAH, c'est aussi, ou presque (HGFA puis HGAF) le début du second mouvement, ce palindrome sublime: c'est ce que chante le violon, ce qui résout l'agitation érotique désordonnée du premier mouvement ...et fait taire enfin le piano ! Comme le second mouvement est un palindrome on entend aussi cette séquence dans les dernières notes du mouvement, au violon (FAGH puis AFGH).

(ça vous semblera peut-être évident mais pas moi, et ça veut dire beaucoup pour moi, si, absolument)

Denk écrit des choses convaincantes sur le pouvoir détergent de ces quatre notes en blanc (une demi-gamme par tons qui aspire le reste du total chromatique, schlürp), que le pianiste aimerait tant jouer, mais ne jouera qu'à l'extrême fin. Je vous laisse lire ici (il cite même un poème de Montale, avis aux amateurs)

JD écrit comme les anglo-saxons si bécarre B et pas H comme devait le penser et l'écrire Berg....c'est embêtant car AGHF rapelle un autre chiffre célèbre chez Berg, ABHF et marche bien pour Alban Berg/ Hanna Fuchs. J'arrête là de peur de passer pour une midinette (et accessoirement, d'avoir les héritiers de la veuve et des tueurs à gages sur le dos ....)

PS: Mon gros (énooooorme) souci du moment, c'est de comprendre pourquoi à la clé de voûte du deuxième mouvement (à 6'10"), au moment où le piano joue les douze coups de minuit, signalant qu'on rembobine tout, pourquoi le violon joue en harmoniques GFB-FG (mais ni A ni H). Si quelqu'un a une idée là dessus....


***************************

Du coup, je rajoute dans la radio les 2 derniers mouvements du concerto de chambre, plus quelques bricoles: Nuages des Nocturnes de Debussy, une scène du Peter Grimes que je rumine pour toi H, et un bout de l'Histoire du soldat (version Boulez, à défaut de Bernstein 1947 dont je suis dorénavant convaincu des mérites)

 

10 avril 2008

Wozzeck à la Bastille

Le spectacle insupportable de l'humiliation d'un homme à tout faire. D'abord, la pression sociale dans toute son horreur. Dans le décor unique de Marthaler, pas d'intimité, on rentre et on sort comme dans un moulin, tout est common knowledge, vu et su par tout le monde, enfants compris; on y voit même un pianiste, qu'on n'a pas remarqué entrer et qui joue après la fin de l'acte I, pendant la pause, l'accord final du 1er acte - que l'on réentendra à la toute fin de l'opéra -, et qui se se fait littéralement renverser par cette brute de Tambour Major, à la fin de l'acte II. C'est la pression sociale, et aussi l'oppression des classes dites supérieures, ce capitaine qui trouve que Wozzeck est trop agité et n'a pas de morale, ce docteur qui reproche à Wozzeck de pisser dans la rue (tiens, la partition dit tousser - qu'il me soit permis de tousser -). Tout cela est désagréable mais laisse plutôt froid.

Cela change avec plusieurs scènes graduellement insupportables; celle du cageot (les insinuations vicieuses du docteur), la scène du bal (où Marie s'exhibe avec son bellâtre) puis la scène de la caserne (où le bellâtre anéantit Wozzeck - littéralement il lui pompe l'air, lui qui se permet de sifflotter la rengaine du Und meine Seele stinkt nach Branntewein).

Au dernier acte, le plateau est déserté pour le dernier face à face. Marthaler fait de la scène du meurtre (celle du rite, celle du si, La note) une scène d'amour, douce et solennelle (deux longs baisers pour un adieu à une bouche rouge). Après l'onde hurlante, la scène du rythme unique frappe par sa construction; un apparent désordre (les rythmes superposés, à des tempi différents), pendant lequel Wozzeck s'agite seul avec Margret, prélude à une mise en accusation implacable (une montée du rythme sur un tempo unique), avec le choeur qui boucle la scène comme un cordon sanitaire. Dans la dernière scène, les gamins, comme sur des bancs de classe, hurlent leur texte en allemand (qu'on ne peut s'empêcher de qualifier de scolaire); l'effet se veut terrifiant mais il est un peu raté.

On sort étourdi de ce très grand moment. Magnifiques prestations de Denoke et de Keenlyside. On va prolonger l'émotion en se replongeant dans la partition et dans le Jouve/Fano (un des meilleurs livres de musique jamais écrits).

 

1 mars 2008

Berg Webern Fuchs Zimmermann à la Cité de la Musique


Une place gratuite pour concert après avoir gagné en jouant à la Roue de la fortune à un quizz deMusicaréaction (ah! ce que je suis fort).

Première partie école de Vienne: les 6 pièces de l'opus 6 de Webern (ah ça, on n'est jamais déçu; de la belle ouvrage; m'en vais réécouter la 3, qui m'a tapé dans l'oreille; la 4 est une grande musique funèbre, qui part de rien et finit en climax). Ensuite, trois extraits de Wozzeck, pour soprano et orchestre. Le premier est centré sur Marie à sa fenêtre à l'acte I, ça se coupe brutalement avant l'arrivée de Wozzeck (la transition, dans l'opéra, est remplacée ici par une demi-cadence qui interrompt bizarrement le flux). La deuxième scène est la première scène de l'acte III où Marie lit des extraits de la Bible: l'invention sur un thème, la cérémonie dont parlent Jouve et Fano. La dernière scène commence à la fin de la scène de la noyade, inclut l'interlude en ré mineur puis la toute dernière scène de l'opéra. C'est Angela Denoke qui chante l'enfant dans cette scène (et elle qui a magnifiquement chanté Marie dans les deux premiers extraits, elle trouve le moyen de rater les "hop hop" de la fin - je ne peux m'empêcher d'en rire, c'est mal, je sais, et alors).

Deuxième partie picturale: l'oeuvre de Fuchs (Blue Poles) s'inspire de Pollock (et on comprend assez vite le principe: des tenues flûtées avec au-dessus des figures hystériques) et m'a laissé assez froid. En revanche, celle de Zimmermann, Photoptosis, qui s'inspire des bleus de Klein, m'a laissé pantois. Pour un orchestre monstrueux (ce soir, l'orchestre du conservatoire - au moins quatre ou cinq promos, sans doute - plus l'EIC), avec beaucoup de cuivres, notamment une trompette basse (jamais vu ça)... La fin de l'oeuvre voit se succéder divers camaïeux de vacarmes, tous subtilement différents (dont l'un avec des youhous apocalyptiques des cuivres, comme un veau qu'on égorge). Au milieu, après un nombre fini de coups de timbales (16 ? 24 ? je n'ai pas compté), toute une série de citations, puisqu'il s'agit d'un prélude (sous entendu: à un festival). J'ai repéré la IXième de Beethoven et l'Oiseau de Feu, what else? En tous cas les sociétaires de la caisse d'épargne de Gelsenkirchen, qui ont commandé l'oeuvre en 1968 pour fêter son centenaire, n'ont pas dû être déçus du voyage. Tout ce déferlement de puissance au service du cochonnet tout rose en majesté de la Ruhr. La finance allemande a bien décliné depuis, où est donc passé l'or du Rhin .....

A part ça, la minute pipole: croisé S. (à qui j'ai fini par refiler le bébé la partie de piano des sonates de RSch), bladsurb et Hélène Delavault (qui a une voix de stentor, je confirme).

5 décembre 2007

BWB (et un peu BHV aussi)


A Pleyel ce soir: Berg (2 fois), Webern (2 fois) et Boulez (une fois).

Berg: deux fois les mouvements 2,3 et 4 de la Suite lyrique, d'abord en quatuor, puis en orchestre à cordes; même expérience avec Webern et les cinq pièces de l'opus 5 de (la révélation de la soirée: une musique joueuse et concentrée). Dans les deux cas, plus emballé par les versions quatuor que par l'orchestre à cordes.... (les modes de jeu passent mal, on perd en précision et en impact)

Après l'entr'acte (où j'ai aperçu un dieu allemand barbu). Trois improvisations sur Mallarmé de Boulez. Beaucoup de monde sur scène, notamment des percussions, une mandoline et une guitare bien désaccordées, cinq harpes, une soprano incompréhensible. C'était long (de plus en plus long ! les petites japonaises qui ont fui après le premier mouvement ont finement joué) et particulièrement casse bonbon.

Add: en attendant bladsurb, des compte-rendus plus substantiels chez guillaume et palpatine (que je n'ai pas vu)

10 novembre 2006

Brendel au Châtelet

Brendel au Châtelet, hier soir.

En première partie, Haydn: sonate en ré majeur Hob XVI-42 (celle qui commence avec un thème très éclaté + trois variations dont je me rends compte grâce à ce blog qu'il ressemble beaucoup au premier mouvement de cette sonate-là); puis la sonate en sol M D894 de Schubert (un travail sur le son plus qu'une sonate ?).

Mais c'est dans la seconde partie que Brendel a donné la pleine mesure de son génie, une combinaison d'humour et de sens aigü de la construction, sans esbroufe aucune ni aspérités. D'abord avec la magnifique Fantaisie de Mozart en ut mineur KV 475, dont Rosen écrit justement que son matériau, qui n'installe jamais les toniques, est impropre au travail de la forme sonate (même si cet opéra latent est fichtrement construit). Puis du même Mozart, le Rondo en la mineur KV 511, une musique d'une amertume étonnante. Et pour finir, un feu d'artifice avec Haydn et sa sonate en do majeur Hob XVI-50. On a repensé à Zygel dans le premier mouvement; le motif initial revient tout le temps ! Enoncé d'abord dans une version sèche comme un désert d'Arizona ou comme un jeu d'osselets, il revient en version "second thème" noyé sous la pédale et gonflé d'eau.....Brendel joue vraiment sans show off le finale avec ses bifurcations perturbantes, poétiques, imbéciles ou humoristiques. Et en bis, nous dit Laurent, retour à Mozart avec le très bel andante (en fa) de la Sonate n°9 en la mineur K. 310 pour conclure un récital centré sur les classiques.

24 octobre 2006

Mozart Mahler Barenboim au Châtelet


C'était lundi soir.

Mozart: 23ième concerto pour piano

Celui avec le mouvement-lent-en-fa#-mineur-pour-créatures-sensibles (qui en fait n'est pas si mal, surtout dès que l'orchestre rentre. Il y a un ré bécarre qui fait un effet boeuf - une sixte napolitaine qu'on appelle ça - juste avant les hoquets de la fin aux cordes -qui rappellent que c'est une danse, une sicilienne (non ?) et pas juste un machin-mièvre-pour-créatures-sensibles). Je ne me souvenais plus du premier mouvement, une des choses les plus apolliniennes qu'ait écrites Mozart, avec exceptionnellement peu de chromatismes languides, une sorte de dialogue idéal entre le piano, les bois et les cordes. Je n'ai pas été très emballé par le finale hier soir, trop agité du bocal et très instable rythmiquement (et avec quelques blagues malvenues, aussi).

Mahler: VIIième symphonie

Celle où un clapotis de rame suscite une musique ambitieuse, classique, diluvienne, équilibrée, démesurée, criarde, torrentielle, cassante, grouillante, ricanante, éclatée, minaudante, incandescente, hyperconstruite, dansante, bruitiste, soldatesque, histrionnique, chaotique, galactique, stridente, disjonctée, hypercalorique, catastrophique, boursouflée, décadente, grattouillante, sifflante, caressante, stéréophonique, hypermnésique, respectueuse de la grande tradition allemande, incantatoire, linéaire, obsessionnelle, torpide, flamboyante, catatonique, hénaurme, moderne, percussive, néo-classique, plébéienne, cubiste, cryptique, dissonnante, pastorale, urbaine, humoristique, infernale, hurlante, joueuse, chuchotante, clapotante, tintinnabulante, beuglante, sarcastique, rutilante, éteinte, digressive, insubmersible, dépressive...indescriptible peut-être ?

Deux-trois fils d'Ariane. On perçoit souvent le cafardeux fa#-ré-sol# liminaire dans le 1er mouvement, à la réexposition par exemple, avec une contrebasse solo affolée dans l'aigu; mais aussi à la fin du 3ième mouvement, si je ne m'abuse. Dans l'exposé de ce thème, Barenboim met bien en relief les notes répétées aux cordes sous le tenorhorn (auxquelles feront écho, peut-être, les notes répétées du mouvement à mandoline). Il prend le 3ième mouvement, Schattenhaft, très vite et fait du chaos une danse frénétique. Dans le deuxième nocturne (la sérénade pastorale en fa majeur à cordes grattées déjà citée), je guette le retour de la cantilène, le débonnaire fa-fa-mi-ré-do aux cordes. Le finale, une semaine grasse cubiste, avec ses tonalités qui se télescopent (do qui coupe la parole à mi), ses quartes, son humour grimaçant, se conclut avec le retour du thème du premier mouvement, dans un contrepoint acide, sans concession. Cette symphonie est et reste l'une de mes trois préférées chez Mahler (avec VI et IX).

Un mot de Barenboim: sa gestique est magnifique à regarder. Notamment quand il fait tomber le son (avec le bras gauche). Il occupe tout le terrain, debout ou assis. Le résultat vaut le déplacement.

17 mai 2006

Boulez Cage à la Cité


Mardi, concert-ballet très court mais étonnamment cohérent à la Cité de la Musique:

  • Cheap imitation, de Cage: une réécriture du Socrate, de Satie, pour un violon seul qui joue selon trois modalités: normalement (ballet de femmes), avec sourdine (hommes), puis sur le chevalet (H+F). Très doux, pas très passionnant. Un danseur soulève doucement le violoniste qui continue à jouer, imperturbable, comme le barde d'Astérix.
  • 4'33", la pièce mythique de Cage (sur la partition, Cage a juste écrit I, II, III avec des Tacet à chaque partie). L'effet voulu par Cage est vidé de son sens dans la mesure où on voit juste un ballet très lent (comme un tableau vivant), sans musique pendant 4'33", pas dénué d'intérêt, mais pas l'équivalent d'une toile blanche....(en plus le public, pris par surprise, n'a pas le temps d'applaudir avant le début, on n'a plus aucun repère....)
  • Dialogue de l'ombre double, de Boulez. Au saxophone (assorti de son ombre, un saxophone enregistré). Enfin une musique consistante, qui ne renonce pas à ses pouvoirs chamaniques. Le ballet, pour 2*4 danseurs (2 hommes, 6 femmes) dit une histoire d'envoûtement qui se conclut par une sorte de contemplation de la lune (sur une longue tenue aigüe de l'instrument non enregistré).

PS: le compte rendu d'un amateur de Martini (à la passion communicative)

28 avril 2006

Abbado dans Mahler et Schönberg au Châtelet

 

Hier soir, concert gvgvsso-mbresque : orchestre de luxe et chef de rêve (Gustav Mahler Jugendorchester sous la baguette de Claudio Abbado) dans deux chefs d'oeuvre: le Pelleas de Schoenberg et la 4ième de Mahler. Le GMJO ressemble à un amphi bondé (ça, il en faut du monde pour Pelleas) d'étudiants au look de mannequins d'Armani, excités comme des puces à l'idée de travailler avec Abbado. A la fin des morceaux, ils organisent eux mêmes la claque et à la fin du concert, tout le monde s'embrasse sur scène (ce n'était pourtant pas la fin de session). Dans lePelléas (très loin de Debussy, une colossale forme sonate en ré mineur), formation monumentale mais écriture transparente, chambriste ; Abbado impressionne par sa capacité à faire ressortir les lignes secondaires. La 4ième de Mahler (qui n'est pas ma préférée) a gagné d'un coup 10 points à mon Argus personnel, notamment le 1er mouvement, géré avec des superbes pianissimi, d'où émergeaient des éclats de son avec un relief et un humo(u)r incroyables. Magnifique violon solo dans le deuxième mouvement, devant jongler avec un deuxième instrument désaccordé d'un ton, qui pendait au pupitre comme un jambon dans un museo del jamon madrilène (photo). A part ça, les pianissimi du mouvement lent étaient moins beaux que ceux du premier et je n'ai pas trop aimé la chanteuse (pourtant très expressive). Abbado a eu l'air ravi de ses poulains, il y a de quoi.

(heu, au fond, pourquoi n'ai-je pas directement écrit une ode au jambon ?)

Add : Laurent y était aussi.

 

10 octobre 2005

concert de l'Ensemble InterContemporain (Holliger/ Furrer/ Buquet)


Hier, concert de l'EIC : (et oui, encore et toujours une liste....un pense-bête comme le reste de ce blog)

- une oeuvre de Heinz Holliger (un trio pour hautbois, harpe et alto) qui m'a paru passablement grisâtre;

- une belle oeuvre de Beat Furrer, pour harpe, flûte et trio à cordes (...cold and calm and moving) : une sorte de protocole religieux, doux et lent. La harpe donne le ton (un sol égrené puis orné), la flûte répond par une figure énigmatique, lente et qui monte dans l'aigu. Le trio à cordes répond, avec des figures plus ciselées, petits bijoux sonores. Une pièce où l'auditeur n'est jamais perdu....

- une création de Gérard Buquet (le tubiste de l'IRCAM), pour flûte, clarinette, alto, violoncelle et harpe (Les danses du temps). Sept danses. Rien à voir avec la pièce de Furrer, beaucoup (trop ?) d'effets et d'intentions. Quelques exemples: la flûte basse et la clarinette jouent en multiphoniques (avec une sonorité trouble), le violoncelliste chante en même temps qu'il joue, la harpiste joue de deux instruments accordés différemment (et à un moment elle joue des deux à la fois ! belle performance sportive de Frédérique Cambrelaing....). En dépit de cela, l'impression désagréable d'entendre toujours le même discours: des phrases très véhémentes s'achevant dans un déluge de trilles et de résonances, interrompues par de longs silences. A part la 5ième danse (? pas sûr du numéro), une sorte de presto delirando spectaculaire, pas l'impression d'avoir retenu grand-chose.

23 février 2005

Schönberg à la Cité de la Musique

Avant toute chose, je dois déclarer ma dette et ma flamme au site du Centre Schönberg à Vienne, qui est tout bonnement ce que j'ai vu de mieux en matière de site consacré à la musique. C'est vertigineux, il ya tout de Schönberg, à écouter, à voir et à lire. Il y a même une radio. Je sens que je vais y passer de longues soirées d'hiver. Tous les extraits musicaux en lien dans cette note proviennent de ce site magique.

Hier soir, concert Schönberg/ Wagner à la Cité de la Musique, un concert exceptionnel par son exigence artistique, sa cohérence et sa variété, grâces en soient rendues à Michael Gielen et le choeur et l'orchestre symphonique de la radio de Berlin. Un échantillon finalement assez complet de l'oeuvre "à texte" de Schönberg. Des oppositions violentes: les longues plages sensuelles et sacrées du Parsifal et le foutoir innommable de la scène du Veau d'Or; l'idéalisme de Paix sur terre et l'horreur concrète d'Un Survivant de Varsovie......Mais aussi la variété dans le traitement vocal (opéra, mimodrame, choeur en chanté-parlé, choeur a cappella) et dans les styles (sériel-néoclassique pour Moïse et Aaron (1930), tonal pour Paix sur terre (1907), atonal athématique pour La Main heureuse(1913), sériel bruitiste pour Un Survivant de Varsovie(1947)). Première écoute pour moi de La Main heureuse et du Survivant de Varsovie.

Prélude de Parsifal. Direction précise de Gielen pour une musique qui flotte, avec ses longs accords chatoyants. Le programme cite pertinemment Wagner qui disait du Prélude qu'il était un exorde, "comme l'exorde d'un sermon, les thèmes sont simplement mis les uns après les autres".

Friede auf Erden: une pièce chorale de 1907, encore tonale, un ré mineur qui devient majeur. Enchaînements harmoniques étonnants, à l'extrême fin. Dommage que le choeur ait été doublé par les cordes, localement, sans rester strictement a cappella.

A survivor from Warsaw. Un grand choc pour moi, une musique d'une efficacité redoutable, directement émotionnelle, notamment le crescendo accumulation de rythmes, à partir d'un accord pianissimo aux cordes (qui évoque le gaz), sur ce texte: "In einer Minute will ich wissen, wieviele ich zur Gaskammer abliefere! Abzählen!" They began again, first slowly: one, two, three, four, became faster and faster, so fast that it finally sounded like a stampede of wild horses, and all of a sudden, in the middle of it, they began singing the Sema’ Yisroel. Trois langues: l'allemand (la langue du tortionnaire), l'anglais (la langue du survivant), l'hébreu (la langue des morts). Impression curieuse de voir un orchestre allemand se faire ovationner avec cette musique....

Die glückliche Hand. Une pièce de la grande période des pièces de l'opus 16 (qui m'excitent), et d'Erwartung (qui ne m'a jamais excité). La version de concert permet d'évacuer le problème insoluble de la représentation de ce qui peut se passer en 20 minutes dans la tête d'un baryton (dont la femme est attirée par un dandy et dont l'art est incompris....). Musique raffinée; orchestre éléphantesque traité comme un ensemble de chambre; très proche de Mahler, finalement. Grand coup de marteau fécond, comme dans la VIème de Mahler, qui conduit à une cristallisation, puis à un incroyable crescendo de couleurs.

la scène du Veau d'or dans Moïse et Aaron: La musique du début, marche vulgaire avec ses archets jetés. Couleur du piano, percussions éléphantesques. Etonnante fin, dispersion !

14 octobre 2004

Le quatuor Ysaye dans Beethoven et Stravinski


Concert du quatuor Ysaye à l'auditorium du Louvre. Beethoven - opus 95 en fa mineur et opus 59 n°1 en fa majeur - et au milieu, Stravinski, avec un mélange curieux, le Concertino de 1920 en un mouvement, le Double Canon de 1960 puis les géniales Trois Pièces de 1914; en bis un mouvement lent de Schumann. Je trouve que Stravinski convient mieux que Beethoven à la délicatesse de jeu et au raffinement sonore des Ysaye, que je découvrais. Notamment dans la première pièce de 1914 (celle où le 1er violon est dans l'aigu de la corde de sol, comme un bouc qu'on égorge) et la dernière pièce, Cantique (qui est complètement homophonique, avec des harmonies qui rappellent le Sacre).

Dans le 1er mouvement de l'opus 59 n°1, la façon de jouer des Ysaye met bien en lumière le phénomène suivant: le thème initial, qui sonne comme un paquebot en croisière dans la plupart des versions, est en fait très profil bas (en clair, ce n'est pas le quintette à cordes en sol de Brahms); à la fois en termes de dynamique (il est joué piano 2 fois de suite) et harmonique (la tonique n'est pas énoncée, le V2 et l'alto jouent des batteries sur la-do, le violoncelle chante à partir du do alors qu'on est en fa). Il y a un long crescendo qui amène à la maison, en fa, un peu plus loin. Ce n'est qu'à la fin du mouvement, au début de la coda, que le thème apparaît fortissimo avec des fa en bourdon, en position de tonique. Mais alors il y a des accents sur les temps faibles (2 et 4)....la dernière tension à résoudre avant le nirvana. Les Ysaye ont très bien fait ressortir ça, cette progression d'un petit machin de rien du tout qui devient la base d'une grande arche.

 

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